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mardi, avril 16, 2024
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Interview avec Claudia Sainte-Luce de « Les drôles de poissons-chats »

Une nuit, Claudia est amenée aux urgences de l’hôpital pour une crise d’appendicite. Elle y rencontre Martha, mère de quatre enfants et une joie de vivre intarissable malgré sa maladie. Martha invite Claudia à habiter chez elle à la sortie de l’hôpital. D’abord désorientée, Claudia trouve progressivement sa place dans la tribu, tandis que la santé de Martha s’affaiblit.

– Pouvez-vous nous parler du titre, «Les drôles de poissons-chats » ?

– J’ai d’abord nommé le film « Rencontre », mais je trouvais ce titre trop explicite. Quand nous avons commencé à tourner, j’ai demandé à mon producteur de m’aider à trouver une décoration pour l’aquarium d’Armando (le fils de Martha). Il m’a alors donné des articles de magazines et j’en ai choisi un, « Les drôles de poissons chats ». Cet article parlait d’un type de poissons-chats qui habitent tout le temps ensemble. A force de voir le film et cette phrase, il m’a paru soudain évident que je tenais le titre du film ! Comme ces poissons-chats, cette famille a une certaine drôlerie, et cette drôlerie vient du fait qu’ils sont tout le temps ensemble. En choisissant ce titre, j’espérais aussi susciter la curiosité du spectateur.

– Tout comme vous, l’héroïne du film s’appelle Claudia. Quels sont les éléments autobiographiques de ce film ?

– J’ai connu Martha en 2005, un an avant son décès. Tout comme dans le film, elle m’a adoptée dans sa famille. Cet événement m’a beaucoup marquée, c’est pour cela que j’ai décidé d’en faire l’objet de mon premier film. « Les drôles de poissons-chats » est une fiction dont l’origine est une histoire que j’ai moi-même vécue.

– Sur le plateau tout comme dans l’équipe technique de ce film, la distribution est à dominante féminine…

– C’est un hasard. Je savais par contre que je souhaitais que le chef opérateur soit une femme, car l’univers que j’ai tenté de recréer est un univers très féminin. Mon mari m’a demandé un soir avec qui je souhaitais travailler. J’ai répondu avec Agnès Godard bien sûr ! Et le jour de mon anniversaire, il m’annonce qu’il lui a envoyé mon scénario, et qu’Agnès veut faire le film. Pour les costumes et la décoration j’ai tout simplement choisi de travailler avec Gabriela Fernandez et Barbara Enriquez, car j’admire leurs travaux depuis plusieurs années.

– En effet, on voit dans le film l’importance de la maison et des objets qu’elle contient. Comment avez-vous pensé ces éléments avec votre chef décoratrice, Barbara Enriquez ?
– Je me souviens de cette période de ma vie de façon magnifiée. Il en va de même pour les détails. Une photo est plus lumineuse dans mes souvenirs qu’elle ne l’était en réalité. Les couleurs des vêtements certainement plus vives… C’est pour cela qu’avec Barbara et Gabriela nous devions rendre cet univers à la fois magique et très personnel. Il ne fallait pas coller à la réalité, mais au contraire apporter quelque chose de féérique à cette maison et à ces objets.

– Comment avez-vous travaillé avec Lisa Owen, qui joue le rôle de Martha ?
– Comme Lisa devait perdre du poids du fait de la maladie de son personnage, elle a travaillé avec un nutritionniste. Ensemble, nous sommes allées dans une association de femmes atteintes du sida qui nous ont parlé de leur vie au quotidien. Sinon, j’ai travaillé avec tous les comédiens de la même manière. Nous avons eu trois mois de répétition. Le premier mois, j’ai travaillé avec chaque acteur individuellement. Le deuxième mois a servi à créer des relations entre Lisa et les enfants. Et le dernier mois, nous sommes parvenus à avoir une véritable dynamique familiale.

– En regardant le film, on peut se poser la question du rapport que Claudia entretient avec la solitude. Que pouvez-vous nous en dire ?
– Claudia a en réalité un vrai besoin de communiquer avec le monde qui l’entoure, mais ne parvient pas à le faire. C’est le cas, même au début de sa rencontre avec cette famille. La communication s’ouvre lorsqu’elle se rend compte que le regard de cette famille sur elle la fait se sentir vivante et utile au monde. En écoutant les douleurs d’Ale et de Wendy, elle a le sentiment de contribuer au bonheur de cette famille. En échange, ils lui donnent un sens de ce que peut être le partage.

– Quel est le message du film ?
– Chaque spectateur verra en cette histoire le message qu’il en retire. Les thèmes qui m’ont obsédée avant de faire le film étaient la solitude et le besoin de partager. Mais aussi la force de cette femme qui côtoie la mort et vit avec acharnement ! C’est comme si la mort approchant, elle voulait vivre davantage et apprécier chaque instant. Martha était consciente qu’à tout instant tout pouvait basculer.

– Face à la maladie de leur mère, on sent une peine contenue du côté des enfants. Cependant, chacun réagit de façon différente…
– Le cercle familial doit être fort pour faire face à la maladie. La vulnérabilité dans ces cas là est refoulée, afin que la maladie ne prenne pas le dessus. C’est une forme de protection. Claudia est une oreille étrangère à laquelle chaque enfant se sent libre de se confier. En effet, ils ont une façon singulière de faire ressortir cette douleur. L’aînée, Alexandra, s’efforce de prendre la famille en main tandis que Wendy cherche à s’évader. Mariana préfère faire abstraction de la maladie et poursuit sa vie d’adolescente. Etant le plus jeune, Armando voit que petit à petit il perd sa mère, mais ne sait pas comment affronter cette situation.

– Dans votre film la réalité rejoint la fiction, Wendy est la véritable fille de Martha…
– Au départ, j’ai eu peur de l’appeler. Je ne voulais pas la replonger dans ces souvenirs douloureux. Mais, ne trouvant pas de comédienne qui puisse l’incarner, je lui ai demandé de jouer son propre rôle. Elle m’a dit qu’elle aimerait beaucoup le faire et que cela l’aiderait peut-être à refermer sa blessure. Je peux dire que Wendy a été l’élément qui a permis de faire en sorte qu’il y ait une véritable cohésion de groupe.

– Qu’est-ce que les enfants de Martha ont pensé du film ?

– Ils étaient tous en larmes en voyant le film. Ils m’ont remerciée en me disant que rares sont ceux qui ont la chance de revoir leur mère en appuyant sur Play. Même s’il ne s’agit pas de nos proches, à travers un film, on peut revivre certains souvenirs vécus avec eux. Je pense qu’il est important de se souvenir des personnes disparues, car c’est une façon de perpétuer leur mémoire et leur esprit.

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