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jeudi, mars 28, 2024
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Interview de l’équipe de « Bouboule »

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Nous avions rencontré le réalisateur Bruno Deville et le jeune acteur David Thielemans du film « Bouboule » avant qu’il reçoit le Prix d’encouragement du Meilleur film suisse au Festival du Film de Zurich… Un entretien à l’image du film : touchant et tellement vrai.

– « Bouboule », c’est un peu votre histoire mais jusqu’à quel point ?
– Bruno Deville : L’idée de base part de souvenirs de mon enfance. Moi aussi, j’ai passé la barre des 100 kilos quand j’étais petit. J’avais des problèmes de thyroïde. Mon poids a fait du yoyo pendant des années. J’ai pesé 120 kilos à une période et 60 à une autre. J’ai aussi connu l’humiliation, je me souviens d’une scène de ma vie qui m’avait fort marqué pendant ma jeunesse : on m’avait plaqué dans un coin et des garçons avaient passé leurs mains sous mon t-shirt et ils m’avaient touché les seins en disant : « Ah alors, c’est comme ça les seins d’une fille. » J’ai été traumatisé par cet épisode car je sentais tout d’un coup que j’avais plus de poitrine que certaines filles de ma classe. J’avais l’âge de David à cette époque. Et comme le personnage Bouboule, moi aussi j’ai aussi connu l’absence du père. Il y a donc beaucoup de moi dans ce personnage. On est parti là-dessus avec mon scénariste. Bien évidemment, on s’est détaché du côté autobiographique pour en faire une fiction. J’ai été voir pendant l’écriture pas mal d’enfants qui sont en thérapie car l’obésité est devenu un problème de société et de santé. Ils suivent des cours d’aquagym comme dans le film, voient des psys, consultent des nutritionnistes. Je les ai suivis pendant deux ans, en parallèle de l’écriture de mon scénario. Je discutais souvent avec ces enfants et je me suis aperçu que très souvent ils souffrent d’un manque affectif. Ils prennent du poids pour pallier à ce manque. Toutes ces choses-là mises ensemble ont formé cette fiction avec plus moins de recul par rapport à ma vie.

– Vous traitez d’un sujet sérieux et alarmant mais vous avez intégré pas mal d’humour dans le film…
– En 2000, quand j’ai tourné mon court-métrage de fin d’année d’études, « La bouée », qui traitait un peu du même sujet, je n’avais pas encore cet humour et cette distance. J’avais l’impression de raconter des choses terribles de ma vie. Et lorsque j’ai montré au public le court-métrage pour la première fois, tout le monde s’est marré. Je ne comprenais pas pourquoi. Le sujet était terrible mais je n’avais aucun recul à 25 ans. Mais aujourd’hui avec le temps, l’expérience, le fait d’être papa, tout d’un coup, je pouvais le traiter en comédie. Ce qui protège « Bouboule » d’être un film social, noir, dur sur une réalité, c’était de se mettre dans les yeux de ce garçon de 12 ans et de créer un conte cruel et humoristique avec ce côté sucré-salé.

– Et c’est aussi pour cela que vous avez choisi une photographie avec des couleurs très saturées, pour créer cette ambiance de conte ?
– Mon travail consiste à aller plus loin dans la photographie, les costumes et les décors. J’aime beaucoup les photos de l’anglais Martin Parr. Il a ce côté réel et très irréel à la fois. Il travaille beaucoup au flash avec des lumières naturelles et en contre-jour. On est parti sur ce principe avec le chef opérateur d’où ce côté irréaliste, un peu graphique.

– On ne sait pas non plus où se passe le film ?
– Oui, c’était le but… Moi, j’ai une maman française, je suis né en Belgique, je suis à moitié suisse et je vis en Suisse. Mon projet était donc naturellement francophone ! Certes, on l’a tourné en Belgique mais c’est vrai que j’ai choisi des lieux qui graphiquement avaient des forces. Je ne voulais pas tomber dans la « belgitude », utiliser les accents… Je voulais être le plus universel possible car ce problème d’obésité ne se passe pas qu’en Belgique.

– Et alors pour trouver David Thielemans, votre jeune comédien qui interprète Bouboule, cela n’a pas été simple apparemment ?
– Cela a été long surtout car je ne cherchais pas un enfant comme les autres. Je cherchais un enfant qui avait un certain poids, doté d’un charisme. Un enfant qui pouvait se montrer en maillot de bain avec ses kilos. Un enfant qui pouvait montrer au monde qu’il est capable de faire quelque chose de bien même s’il est rejeté par la société. On a passé beaucoup d’annonces, on s’est rendu dans pleins de centres d’enfants en surpoids en Belgique, en France, en Suisse. Et un jour, alors que je déjeunais avec un collègue dans un bistrot à Bruxelles, je l’ai aperçu. David rentrait de l’école avec ses amis. J’ai planté le repas pour aller le voir en lui disant : « Salut, je réalise un film qui s’appelle « Bouboule » et je cherche un enfant comme toi. Est-ce que tu voudrais passer un casting ? » Il croyait que c’était une caméra cachée. Je lui ai demandé où il habitait et je suis allé parler à sa mère. Je lui ai dit que je revenais le lendemain avec une caméra pour faire un test. Et puis au bout de plusieurs essais, David s’est imposé car il avait toutes les qualités pour le rôle à mon sens. Il avait la candeur d’un enfant et cette force intérieure.

– Alors David, qu’est-ce qui s’est passé dans ta tête quand Bruno t’a parlé pour la première fois dans la rue ?
– David Thielemans : J’y croyais pas trop car ça tombe pas du ciel des propositions pour faire un casting. Puis je lui ai dit : « Je veux bien faire des essais mais il faut parler à ma mère. » Quand on est arrivé à la maison, ma mère m’a dit : « Alors qu’est-ce que t’as encore fait comme bêtises David ? » Lorsqu’elle a vu Bruno, elle pensait qu’il était policier. Au début c’était pas facile de faire les essais car j’avais jamais fait ça. Puis Bruno m’a dit : « David ait confiance en toi, ce genre de choses n’arrive pas souvent. » Et ça m’a motivé. J’ai hurlé de joie quand il m’a dit que j’avais eu le rôle et j’ai tourné le film pendant les deux mois de vacances d’été.

– Mais j’imagine que cela n’a pas été facile pour toi de faire ce film qui peut-être est proche de ta vie ?
– Oui je vis tout cela au quotidien. Je suis obèse, je subis les mêmes moqueries à l’école. On m’insulte et on me fait les mêmes choses qu’à Bouboule. Mon vrai père, comme dans le film, est absent. Donc quand je tournais, je ne jouais pas un rôle, je jouais naturellement car c’est mon quotidien. Le film est ma vie !

– Et maintenant que tu as tourné ce film, tu as plus confiance en toi aujourd’hui ?
– Pour le moment non, mais j’attends que le film sorte au cinéma en Belgique pour que ceux qui m’insultent à l’école comprennent que c’est pas facile d’être obèse. J’ai osé me montrer au cinéma tel que je suis et j’espère que cela va changer les choses.

– Mais ils le savent tes camarades que tu as tourné un film ?
– Non à part mes amis.

– Ce que tu as fait est très courageux…
– Au début j’étais pas trop à l’aise car il y avait beaucoup de gens sur le plateau mais au bout de 3-4 jours quand j’ai commencé à connaître les gens, je n’étais plus timide du tout.

– Et t’as envie de refaire un film ?
– Oui car j’ai vécu une super expérience. J’ai rencontré des gens magnifiques bien que je ne pense pas que dans tous les films les gens sont aussi sympas.

– Et tu réalises aujourd’hui ce qui t’arrive ? Ce soir tu vas marcher sur le tapis vert du Festival du Film de Zurich ?
– Je ne réalise pas ! Quand j’étais au Festival d’Angoulême, je me suis vu pour la première fois à l’écran et je ne croyais pas que c’était moi. Et puis au bout de deux fois, je me suis habitué.

– Bruno, comment avez-vous eu Mathieu Chédid pour écrire la musique du film ?
– Bruno Deville : Pendant l’écriture du film, je pensais à lui pour la B.O. car il a cette voix qui est proche de celle de David. J’aime son côté décalé, rock-pop, coloré et pétillant. Je rêvais de sa musique sur le film. Quand j’ai eu 10 minutes de montage du film, je lui ai envoyé par mail en lui disant que j’aurais adoré que ce soit lui qui fasse la musique. Puis j’ai été convié à un rendez-vous pour qu’on se rencontre. Le courant est tout de suite passé entre nous et je pense que l’histoire de « Bouboule » l’a touché. ll m’a dit qu’il allait essayer. Trois semaines plus tard, il avait écrit la chanson de « Bouboule ». Et il était d’accord pour faire le reste de la B.O. Cela a été 6 mois de collaboration magique. Il fallait que ce soit lui !

– Êtes-vous engagé autrement que par le film dans la cause contre l’obésité ?
– J’espère que le film va pouvoir faire parler les écoles, que cela va faire bouger les choses. Même si le film n’est pas sur l’obésité mais sur la quête de virilité… Comment fait-on quand on a 12 ans et qu’on a un corps comme cela ? J’espère que cela va ouvrir les consciences. Je connais beaucoup de gens dans les associations en Suisse Romande et je les aide comme je peux. J’ai parlé beaucoup à ces enfants de mon expérience et j’espère aussi que je suis un soutien pour David dans sa vie d’aujourd’hui.

– Qu’est-ce que tu aimerais que ce film change pour toi David ?
– David Thielemans : Que les autres voient que c’est pas facile pour moi d’être obèse et qu’ils n’ont pas besoin de m’insulter… Ils vont réaliser avec ce film que j’ai beau être gros, j’ai tout de même osé me montrer tel que je suis sur un écran (David pleure).

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