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vendredi, mars 29, 2024
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Radu Mihaileanu pour « L’Histoire de l’amour » : « je suis archi énervé de cette époque de misère de sentiments, de manque spirituel aussi ».

Il était une fois un garçon, Léo, qui aimait une fille, Alma. Il lui a promis de la faire rire toute sa vie. La Guerre les a séparés : Alma a fui à New York, mais Léo a survécu à tout pour la retrouver et tenir sa promesse. De nos jours, à Brooklyn, vit une adolescente pleine de passion, d’imagination et de fougue, elle s’appelle aussi Alma. De l’autre côté du pont, à Chinatown, Léo, devenu un vieux monsieur espiègle et drôle, vit avec le souvenir de « la femme la plus aimée au monde », le grand amour de sa vie. Rien ne semble lier Léo à la jeune Alma. Et pourtant… De la Pologne des années 30 à Central Park aujourd’hui, un voyage à travers le temps et les continents unira leurs destins. Voir notre chronique détaillée ici.

En 1980, vous fuyez la dictature de Ceausescu. L’exil est un point  commun que vous partagez avec votre protagoniste, Léo, qui fuit la guerre…
Oui, l’exil est un thème qui m’est cher, dans ses aspects positifs et négatifs. Pour moi, le fait de m’arracher à une famille, à des amis, à une langue a été contrebalancé par la rencontre avec l’autre. Dans de pareilles circonstances, on se rend également compte de la préciosité de la vie humaine. Même si la crasse nous entoure, il ne faut pas céder devant elle.

Vos films conquièrent toujours de nouveaux territoires…
Je pense que c’est à l’image de mon parcours. La chance de ma vie a été de voyager, de me nourrir de la subjectivité de l’autre. C’est pour cela que je fais des films dans des langues que je ne comprends parfois même pas. (Rires).

Dans une interview, vous évoquiez l’importance de l’humour sous la dictature. Est-ce un moyen de survie ?
Effectivement, je crois que tous les peuples qui ont vécu une tragédie s’en sont affranchis par l’humour. C’est l’arme du pauvre, mais aussi la plus noble. Sous la dictature, plus on craignait d’être enlevé et torturé, plus on imaginait des moyens d’en rire. Maintenant lorsque j’écris une scène tragique, j’essaie toujours d’y placer un trait d’humour ou un mot d’esprit. C’est devenu un réflexe.

Après plus de dix ans, quel regard portez-vous sur le succès de « Vas, vis et deviens » ?
J’ai été très heureux de mettre en lumière cette communauté éthiopienne juive, pas que juive d’ailleurs, à l’époque inconnue au bataillon. Aujourd’hui c’est un film qui vit tout seul et qui crée une onde d’amour et de bienveillance. Je suis toujours très étonné quand je vois des très jeunes venir me dire qu’ils ont adoré « Vas, vis et deviens ».

« L’Histoire de l’Amour » est aussi une histoire de transmission. A l’exception que c’est un livre que l’on transmet…
Quand j’ai lu le livre j’ai été bouleversé par l’histoire d’amour de Léo et Alma (« La femme la plus aimée au monde ») qui, bien que contrarié par l’Histoire avec un grand H, traverse les siècles. Quant à la jeune fille, interprétée par Sophie Nélisse, elle tire sa génération vers le haut. Elle ne veut pas être dans l’époque du « like », elle recherche l’amour, le vrai. Le côté lumineux du livre est amené par des personnages qui, à mes yeux, sont des superhéros. En réalité, je suis archi énervé de cette époque de misère de sentiments, de manque spirituel aussi. Je ne dis pas avoir des solutions. J’essaie juste de montrer des gens qui se battent malgré les cataclysmes.

C’est un film ambitieux. En le regardant, on se demande combien de temps il a fallu pour le faire exister…
Il y a eu trois ans d’écriture, car le film se déroule sur plusieurs époques, dans plusieurs pays. Le plus fastidieux a été de le concevoir par écrit pour ne pas se tromper. En termes de décors par exemple, l’appartement de Léo évolue sur trois époques. Il fallait réfléchir à la peinture, aux meubles et aux nombreux accessoires… Comme «L’Histoire de l’amour» est un jeu de pistes, il fallait que tout soit logique et précis. On ne tournait pas chronologiquement, donc les comédiens ont dû sans cesse adapter leur jeu. Gemma Arterton, par exemple, joue Alma de 18 ans à 75 ans. C’était complexe, mais j’adore ça ! J’ai besoin de voyager et me tendre des pièges à moi-même.

Comment Derek Jacobi et Elliott Gould étaient-ils sur le plateau ?
Comme des poissons dans l’eau ! Deux jeunes hommes de 78 ans qui s’éclatent et se chamaillent! (Rires). Mais aussi deux monstres de théâtre et de cinéma… Je ne croyais pas avoir un jour la chance de travailler avec eux. Quand Elliott m’a appelé, j’ai cru que c’était une blague. Et une fois sur le plateau, il me disait : «Radu je suis là pour faire exactement ce que tu veux. J’ai vu tes films, je te fais confiance». Ils ont appris l’accent yiddish en prenant des cours comme deux écoliers. C’était formidable !

Dans « L’Histoire de l’Amour », vos personnages sont investis d’une envie d’absolue. Est-ce un trait qui vous caractérise ?
Oui, on n’a qu’une seule vie comme on dit. Pourquoi se contenter de peu quand on est capable du merveilleux ?

Armand Amar signe une fois de plus la bande originale de votre film…
Dès notre première collaboration pour « Vas, vis et deviens », il a su traduire ce que j’avais en tête. Pour chaque film, on se parle beaucoup. Parfois je sais nommer des instruments, comme les instruments traditionnels juifs d’Europe de l’est que je voulais dans « L’Histoire de l’amour ». Le thème principal qui évoque l’Amour est fin et fragiles, donc avec peu d’instruments. Le thème symphonique qui représente le déluge, le tourment, est quant à lui très lourd avec des trompettes et des trombones. Je souhaitais que ces deux thèmes dialoguent tout au long du film.

Comme moi, Armand adore voyager. Il a une collection de 4000 instruments contemporains et primitifs. Tout le monde le demande, Costa Gavras, Rachid Bouchareb, Yann Arthus-Bertrand, donc il faut juste qu’il me garde une petite place. (Rires).

Vous avez toujours foi en la bonté humaine, qu’est-ce qui fait pour vous que le monde tombe dans le chaos ?
Le manque d’amour et de confiance en soi… Lorsqu’on n’a pas confiance en sa capacité à aimer l’autre et qu’on doute de la capacité de l’autre à nous aimer. Mais aussi quand on a peur de l’amour, quand on pense qu’on prend un risque, alors que sans risque, il n’y a pas de vie.

L'Histoire de l'Amour

L’Histoire de l’Amour
De Radu Mihaileanu
Avec Gemma Arterton, Derek Jacobi, Elliott Gould
Filmcoopi.
Sortie le 09/11

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