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vendredi, mars 29, 2024
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La Hyène intrépide

La Hyène intrépide
La Hyène intrépide

La fin des années 70 représente un grand tournant dans la carrière de Jackie Chan. Depuis quelques temps, le réalisateur et producteur Lo Wei tente de trouver le successeur de Bruce Lee, qu’il a dirigé dans « La Fureur de vaincre » notamment. Il signe alors un contrat avec Jackie Chan. Le jeune acteur s’engage à tourner plusieurs films pour la Lo Wei Motion Pictures. Mais ses véritables premiers succès, Jackie Chan ne les doit pas à Lo Wei. En 1978, il tourne coup sur coup « Le Chinois se déchaîne » et « Drunken Master », tous deux réalisés par le célèbre Yuen Woo-ping (bien connu aujourd’hui pour avoir chorégraphié la trilogie « Matrix »). Le subtil mélange de kung-fu et d’humour à la limite du burlesque est à la base du succès de ces deux films. Un nouveau genre est né et Jackie Chan s’apprête à devenir la figure de proue de ce qu’on appelle aujourd’hui la « Kung-fu Comedy ».

Forcé d’interrompre son association avec Yuen Woo-ping, c’est en traînant les pieds que Jackie Chan retourne auprès de Lo Wei, avec qui il est toujours sous contrat. Convaincu que ce nouveau genre représente la clef du succès, il réussit toutefois à faire plier Wei. Ce dernier lui offre alors la possibilité de réaliser son premier film, à condition qu’ils écrivent le scénario à quatre mains. En 1979, après avoir joué dans plus de 40 films, Jackie Chan passe donc derrière la caméra à 25 ans. Sa première réalisation est bien évidemment une Kung-fu Comedy et elle s’intitule « La Hyène Intrépide ».
L’histoire du film reprend une trame classique. Dragon (Jackie Chan) vit avec son grand-père, Chan Pang-fai. Ce dernier lui enseigne une technique de kung-fu extrêmement efficace mais étrangement proscrite.

Pourtant prévenu par son aïeul, Dragon va enseigner sa technique dans une école d’arts martiaux de seconde zone. Rapidement, ses dons de combattant font parler de lui et attirent de nombreux rivaux. La réputation de ce nouvel instructeur permet à Yen Tin-wah de retrouver et de tuer le grand-père de Dragon qu’il pourchassait depuis des années. Dragon va alors se réfugier chez un vieil ami infirme de son grand-père, plus connu sous le nom de « la Licorne ». Le vieux maître lui enseigne un style de combat redoutable pour lui permettre de venger la mort de Chan Pang-fai. Son secret : l’utilisation des émotions comme armes redoutables.

En reproduisant la recette qui fit le succès de « Drunken Master », Jackie Chan alterne les scènes comiques et les chorégraphies de Kung-fu millimétrées. L’évolution du ton épouse le parcours de Dragon : d’abord insouciant, turbulent et bagarreur, il prend ensuite conscience de la solennité des arts martiaux. Si la comédie quitte peu à peu le récit pour laisser place à l’expression sérieuse de la vengeance, les deux premiers tiers du film multiplient les scènes hilarantes. Comme il le fera souvent par la suite, l’acteur-réalisateur n’hésite pas à se travestir et à lorgner vers le burlesque pour faire rire. La scène de sa rencontre avec trois voyous en est un bel exemple. Lorsqu’il projette le plus obèse des trois à terre, Jackie Chan accompagne la chute de son ennemi d’un effet de mise en scène : la caméra tremble, simulant un tremblement de terre qu’aurait provoqué le voyou en tombant. Tel est l’humour qui inonde la première partie du film, clownesque, simpliste, mais diablement efficace.

Plus élaborées sont les scènes d’entraînement et de combat. Ce qui impressionne tout d’abord, c’est la longueur des plans. Oubliez les montages frénétiques et les scènes ultra découpées des films d’action américains qui ne servent qu’à cacher le manque de talent réel des acteurs. Ici, comme dans la plupart des films de kung-fu asiatiques, le combat s’apparente à de la danse et les acteurs-cascadeurs sont de véritables artistes. Les chorégraphies sont hallucinantes de précision. La longueur moyenne des plans atteint facilement les dix secondes et nous laisse la bouche béante. Nécessitant des heures de préparation et de répétition, chaque séquence est une prouesse en soi. On pense, entre autres, à cette scène où Jackie Chan s’entraîne à éviter des coups en marchant sur des dizaines de pots posés sur le sol. Tel un acrobate, il sautille de pot en pot, en fait rouler un, tombe dans un autre… le tout pendant de longues minutes et sans jamais toucher le sol. Ou encore à la fameuse scène de dîner pendant laquelle « la Licorne » empêche Dragon de manger en lui subtilisant sa nourriture à l’aide de baguettes. Un impressionnant morceau de « kung-food ».
Certes, la mise en scène de Jackie Chan n’est pas éblouissante. L’essentiel de « La Hyène Intrépide » est filmé en plans larges et fixes. Mais cela s’explique par la volonté du réalisateur de mettre la mise en scène au service du kung-fu. L’absence de mouvement de caméra et d’effet de montage n’est due qu’à la volonté de filmer le spectacle de la manière la plus frontale possible. C’est ainsi que les prouesses physiques des acteurs sont le mieux honorées.

Lorsqu’il commente l’excellent « Iron Monkey » de Yuen Woo-ping, Quentin Tarantino dit très justement : « Pour des Américains, ces films sont schizos car ils sautent de la comédie à une scène d’action démente, puis une scène tragique, une histoire d’amour, et de la comédie, de l’action, de la violence… ». En intégrant une technique de combat qui tire sa force d’un mélange d’émotions, « La Hyène Intrépide » est l’une des expressions les plus flagrantes de ce fameux mélange des genres caractéristique du cinéma asiatique. En effet, pour vaincre Yen Tin-wah, Dragon doit apprendre à maîtriser quatre émotions (la joie, la colère, la gaîté et la tristesse) et les laisser s’exprimer successivement au combat. C’est ainsi que Jackie Chan nous offre un final d’anthologie tout en mettant en abîme ce qu’il aime le plus dans le cinéma : la diversité des tons.

À sa sortie, la première réalisation de Jackie Chan se placera rapidement en tête du box office à Hong Kong et marquera le début d’une longue carrière riche en émotions.

La Hyène intrépide
De Jackie Chan
Avec Jackie Chan, James Tien, Dean Shek

[Thomas Gerber]

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