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jeudi, avril 18, 2024
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Schizophrenia

[dropcap size=small]I[/dropcap]nspiré de faits réels, tueur en série, titre choc, scandale à sa sortie… « Schizophrenia » (« Angst » en allemand) semble accumuler tous les clichés des séries B racoleuses. Et pourtant, sous ses apparences, la seule et unique réalisation de l’Autrichien Gerald Kargl s’avère être un véritable film d’auteur, témoignant d’une personnalité artistique avant-gardiste. Il s’agit en effet d’une expérience cinématographique qui révolutionne les principes mêmes de la narration et de la mise en scène. Preuve en est que le cinéma d’horreur ne se résume pas aux films d’exploitation, « Schizophrenia » fait partie de ces pièces maîtresses, indispensables à la compréhension de l’évolution d’un art en général.

DANS LA TÊTE DU TUEUR
Si certains d’entre vous accusent encore le coup de la plongée subjective dans la tête du serial killer de « Maniac » (projeté en juillet dernier au NIFFF, sortie prévue en fin d’année), sachez que « Schizophrenia » va plus loin. En optant pour une voix-off omniprésente (procédé extrêmement novateur à l’époque), le film s’apparente à un long monologue intérieur et n’offre strictement aucune échappatoire au spectateur. L’unité de temps étant respectée (la seule ellipse se justifie pleinement puisqu’elle correspond au moment où le personnage s’endort) vous serez littéralement enfermé dans l’esprit torturé d’un psychopathe durant 75 minutes. Autre originalité narrative : la voix-off ne commente jamais ce que l’image représente. C’est sans doute là l’un des aspects les plus dérangeants du film. Lorsque qu’il commet les pires atrocités, le personnage incarné par Erwin Leder (dont le visage suffit à vous terroriser) s’égare dans des souvenirs d’enfance, offrant ainsi au film une dimension psychanalytique. Un moyen simple et efficace qui nous permet de remonter à la source de ses pulsions meurtrières.

MIROIR, MON BEAU MIROIR
Outre l’originalité de sa narration, c’est également par sa réalisation que « Schizophrenia » s’impose comme une expérience hors du commun. De l’écriture au montage, en passant par la photographie, le Polonais Zbigniew Rybczynski a amplement contribué à l’élaboration du projet. Par exemple, c’est à lui que Gerald Kargl doit l’idée de filmer l’entier de « Schizophrenia » à travers un miroir. En fixant simplement un miroir au-dessus de leur caméra, ils ont ainsi pu obtenir des angles de vue inédits, donnant au spectateur l’impression d’être quelques centimètres en dessous du sol. Le système les força par la suite à monter la pellicule à l’envers, afin que les écrits apparaissent à l’endroit à l’écran. En improvisant également un système de harnais, Kargl et Rybczynski ont réussi à suivre au plus près leur personnage, conférant à la caméra des mouvements jamais vus et une troublante sensation de proximité. Fruit de leur ingéniosité encore, ils ont mis au point une tyrolienne permettant à la caméra de glisser sur une très longue distance. Le résultat – une sorte de travelling où la caméra file entre les arbres d’une épaisse forêt – nous stupéfie encore aujourd’hui.

DÉCRIÉ, OUBLIÉ, ADULÉ
Inspiré par les actes du tueur et violeur récidiviste Werner Kniesek, le film a largement fait parler de lui à sa sortie en 1983. Condamné pour sa violence graphique et morale, « Schizophrenia » s’est vu classé X dans de nombreux pays, ce qui limita sa sortie aux cinémas pornographiques. Il n’y a pratiquement qu’en Autriche que le film a bénéficié d’une sortie en salles. Après de tels déboires, « Schizophrenia » est rapidement tombé dans l’oubli. Kargl, qui avait lui-même financé son projet s’est lourdement endetté (avant sa sortie DVD, le film n’était toujours pas rentré dans ses frais). Depuis, seuls quelques chanceux ont pu profiter du film en festival ou en tombant sur la VHS, très difficile à trouver bien entendu. Le seul élément du film à avoir connu un intérêt répandu n’est autre que sa fabuleuse bande-originale, composée par l’immense Klaus Schulze.

Parmi les adorateurs du film, on compte notamment le réalisateur Gaspard Noé. Auto proclamé « parrain français » de « Schizophrenia » et heureux possesseur d’une copie VHS, il le défend depuis des années et a d’ailleurs rendu hommage au film de Kargl dans son premier long-métrage, « Seul contre tous ». Pour la petite histoire, la durée de « Schizophrenia » avait été jugée trop courte dans un premier temps. Afin de le rallonger de quelques minutes, Kargl a rapidement tourné un prologue qui revient sur la vie du personnage en faisant défiler des photos, commentées par une voix-off. L’idée du percutant générique d’ouverture de « Seul contre tous » était née.

ENFIN UNE DEUXIÈME CHANCE
Œuvre unique, inimitable, quasi miraculeuse, « Schizophrenia » sort ces jours en Blu-ray et DVD Collector grâce à Carlotta, coutumier des sorties de perles méconnues du cinéma mondial. Une occasion inespérée de découvrir ou de redécouvrir dans d’excellentes conditions l’un des films les plus traumatisants qui soit.

Schizophrenia
De Gerald Kargl
Avec Erwin Leder, Robert Hunger-Bühler
Carlotta Films

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