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samedi, avril 20, 2024
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Beyto : Lorsque les vieilles traditions bouleversent les jeunes destins…

Etienne Rey
Etienne Rey
Travailler pour une salle de cinéma, comme journaliste pour des médias ou organiser des événements pour le 7e art, ma vie a toujours été organisée autour de ma passion: le cinéma.

Présenté au festival de Zürich l’an dernier et lauréat du prix du public au festival du film de Soleure, « Beyto », de la zurichoise Gitta Gsell, raconte un premier amour contrarié par le poids des traditions et des préjugés.  


Beyto est un jeune homme d’origine turque vivant à Berne. Fils unique, bon élève, brillant athlète, il est la fierté de la famille. Et lorsque d’autres membres de la communauté se rassemblent autour du restaurant à kebabs tenu par ses parents (et également appelé Beyto), ses derniers ne ratent pas une occasion de vanter les mérites de leur progéniture… Ils vont cependant déchanter en apprenant que leur fils parfait a été vu à la gay pride en compagnie d’un autre jeune homme qui l’embrassait. Le choc est si énorme et l’idée que la communauté apprenne l’impensable si insupportable et si honteuse qu’ils vont tenter de « résoudre le problème » et sauver leur honneur par une manœuvre particulièrement sournoise et sordide. Aveuglés par des idées et des principes d’un autre âge, ils vont ainsi fortement abîmés les liens familiaux et jouer dangereusement avec l’avenir de leur enfant et de ceux qu’il aime. (Même si ce dernier élément est essentiel au film, qu’il constitue même l’un de ses aspects les plus intéressants et qu’il permettrait d’étayer la critique, l’événement intervient relativement tard dans le récit. Il serait par conséquent dommage de dévoiler ici la majeure partie de l’intrigue…) 

Avec “Beyto”, Gitta Gsell (“ Melody Of Noise”, “Bödälä – Dance The Rhythm”) tente de raconter beaucoup en relativement peu de temps. Par rapport à tous les événements que le film décrit et tous les thèmes qu’il brasse, ses 98 minutes semblent presque insuffisantes. Ou alors quelques éléments sont superflus. Il se ressent comme un déséquilibre entre des séquences fondamentales qui s’enchainent trop vite, et d’autres, beaucoup plus anecdotiques, sur lesquels la réalisatrice s’attarde inutilement. Par exemple, certainement pour faire exister le personnage du petit ami de Beyto, la cinéaste tricotte toute une histoire pas très pertinente autour d’une remorque à vélo qu’il rêverait d’acquérir. Alors que d’un autre côté, et particulièrement sur la fin, des événements primordiaux et des changements radicaux dans le caractère des personnages sont trop vite expédiés et perdent en cohérence. Ce qui mène alors vers une conclusion hâtive en forme de happy end qui, certes, redonne un peu d’espoir mais ne sonne pas très juste… 

Et c’est un peu, malheureusement, ce sentiment d’invraisemblance et de méconnaissance du sujet traité qui prévaut à la sortie de la salle. Impression assez étonnante puisque la cinéaste s’est associée pour le scénario à Yusuf Yesilöz, l’auteur d’origine kurde mais suisse d’adoption, du livre qu’elle adapte : « Hochzeitsflug ». Il était donc légitime de penser qu’entre les deux, chacun allait apporter une authenticité autant aux personnages qu’aux événements décrits. Parce que là, et même pour le spectateur ignorant les codes de la communauté turque, il lui devient suspect de croire aveuglément en la peinture que Gitta Gsell en fait, tellement, à l’autre opposé, les scènes « suisses » sonnent fausses. La faute d’ailleurs aussi à des dialogues trop écrits et une direction d’acteur très marquée d’un côté et pas très précise de l’autre. (Même pas sûr que les acteurs eux-mêmes soient fautifs). Dimitri Strapfer (qui interprète l’amant) est très caractérisé et plein de tics à la limite du surjeu alors que son partenaire débutant Burak Ates est presque totalement inexpressif, paraissant imperméable à tout ce qui lui arrive. Alors que ce premier rôle exigeait tout de même un peu plus d’expressivité. 

« Beyto » est donc un film plein de bonnes intentions, juste dans ce qu’il entend dénoncer mais maladroit dans son traitement.  

Du coup, entre l’engouement publique du festival de Soleure et la critique ci-dessus, il faut espérer que le spectateur saura faire la part des choses et aura l’intelligence d’aller en salles se forger son propre avis… Car, au regard par exemple de ce pauvre « Trente jours max » qui pourrit encore certains écrans romands, « Beyto » a tout de même un peu plus de tenue ! 

Beyto 
CH-2020-98min- Drame 
De Gitta Gsell 
Avec Burak Ates, Dimitri Stapfer, Ecem Aydin, Beren Tuna, Serkan Tastemur, Zeki Bulgurcu… 
Frenetic Films
26.05.2021 au cinéma

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