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Estelle Dossin : « Le téléfilm de Nöel est une vraie madeleine de Proust »

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Depuis la semaine dernière, la chaîne française M6 rediffuse ses téléfilms de Noël. Un choix plutôt surprenant en ce début de printemps. Pourtant, il semblerait que ce genre de programme permette de mieux gérer cette période de confinement, durant laquelle l’incertitude mine notre quotidien. La psychologue Estelle Dossin nous en explique la raison.


Le sapin artificiel est rangé à la cave depuis belle lurette. Plus de neige non plus à l’horizon. Nous venons d’ailleurs de changer d’heure pour faire place au printemps. Et pourtant, en plein mois de mars, la chaîne française de télévision M6 a souhaité faire revivre la magie de Noël : « Un peu de douceur, de tendresse et de cocooning (se reposer dans un confort douillet) en cette période troublée. M6 vous propose de replonger dans l’insouciance en rediffusant chaque après-midi, ses téléfilms de Noël les plus réconfortants », a annoncé la chaîne la semaine dernière dans un communiqué. Si certains se sont toujours lassés des intrigues peu recherchées que proposent ce genre de films, renouer avec l’ambiance de Noël en ces temps particuliers peut s’avérer bénéfique sur le plan psychologique.

« Le virus renvoie à l’impuissance de chacun »

Il faut bien le dire, ce mois de mars ne ressemble à aucun autre. La période de confinement à laquelle nous devons tous et toutes nous soumettre dans le but de limiter la propagation du Covid-19, est inédite. Les ressentis négatifs planent dans nos salons. Estelle Dossin, psychologue clinicienne française en est témoin : « Actuellement, c’est la peur, la tristesse et l’incertitude qui dominent. Chacun d’entre nous est renvoyé à quelque chose qu’il ne connaît pas et personne n’a pas de boîte à outils pour résoudre ce problème ». La situation étant inédite pour le monde entier, aucun mode d’emploi préexistant ne détient la solution qui nous permettrait d’en sortir.

« La madeleine de Proust renvoie à quelque chose de bon et de réconfortant, voire même quelque chose de réparateur. C’est le même principe avec les téléfilms de Noël… »

« Nous sommes en guerre », a déclaré à plusieurs reprises le président français Emmanuel Macron dans son allocution télévisée, le 16 mars dernier. Mais la menace actuelle diffère de l’idée que nous nous faisons de la guerre : « Ce combat est à la fois difficile, vexant, fatiguant et surtout inquiétant dans la mesure où l’on ne voit pas l’ennemi. Le virus est un danger violent qui ne respecte aucune loi de guerre telle qu’on l’imagine et le confinement demeure la seule façon de s’en protéger. À l’échelle psychologique, le virus renvoie à l’impuissance de chacun », développe Estelle Dossin. Un sentiment d’impuissance que l’on pourrait donc soulager avec des téléfilms de Noël…? Pour y répondre, il faut d’abord s’intéresser au contexte d’émergence du genre auquel ceux-ci appartiennent.

Le téléfilm de Nöel, cette « madeleine de Proust »
Le téléfilm de Noël est né aux Etats-Unis dans les années 1950 : « A cette époque-là, dans un tel pays à démocratie religieuse, la famille est le véritable pilier de la société et la télévision elle-même valorise les valeurs familiales, informe la psychologue française. Ajoutée à cela, Noël est une fête quasiment universelle ayant vocation à réunir. Tout le monde se retrouve dans cette célébration. C’est vraiment une « madeleine de Proust ». Les fêtes de Noël nous replongent donc tous instantanément dans notre enfance, et ce, même en plein mois de mars : « La madeleine renvoie à quelque chose de bon et de réconfortant, voire même quelque chose de réparateur. Elle a toujours le même goût et c’est le fait de retrouver cette valeur sûre qui renvoie au bien-être. Et c’est pareil pour les téléfilms de Noël », poursuit Estelle Dossin.

« Le virus nous renvoie à une condition d’enfant ayant besoin d’être réconforté et rassuré »

D’un point de vue cinématographique, le téléfilm de Noël est un genre à part entière dans lequel on retrouve toujours les mêmes codes et le même schéma narratif : « Étant plutôt destiné à un public féminin, il est question d’un personnage principal, souvent féminin d’ailleurs, auquel il est très facile de s’identifier. L’amour est bien entendu au centre de l’intrigue, détaille la psychologue. Cet Amour salvateur, capable de surmonter la solitude et la mort, débouchera finalement sur un happy ending. Il n’y a donc pas de surprise dans le récit puisque celui-ci se déroule toujours de la même manière ». Même si certains se plaignent de la niaiserie de l’intrigue, il semblerait que ce soit justement cette répétition au fil des films qui soit psychologiquement bénéfique pour le téléspectateur.

Le repère, remède à l’incertitude
Comme l’incertitude domine en cette période de confinement, c’est là qu’intervient la madeleine de Proust : « La perte de contrôle sur le virus angoisse beaucoup les gens. Par ce sentiment d’impuissance, nous sommes ramenés à une condition d’enfant, qui a besoin d’être protégé, rassuré et réconforté. Et quand on regarde un film de Noël, pendant 1h15, on a un vrai repère. On est face à quelque chose de rassurant, car on sait qu’il n’y aura pas de surprise. Le rituel nous rassure », explique Estelle Dossin, également auteure du livre intitulé Devenir son meilleur allié. Ainsi, les téléfilms de Noël semblent donc être un remède efficace pour remédier aux sentiments négatifs qui viennent polluer notre quotidien en confinement. Il suffirait donc de se laisser transporter pour que la magie opère…

Du côté romand, la Radio Télévision Suisse (RTS) confie avoir adapté sa programmation en raison de l’épidémie. En marge des manifestations sportives annulées, la nouvelle grille horaire a été réfléchie : « Nous avons cherché à passer des films plutôt comiques ou des films d’aventure, dont le côté distrayant est évident, car il est bien pour le public romand de pouvoir s’évader pendant 90 minutes », explique Maeva Chiari, responsable des relations médias à la RTS. Si davantage de programmes ont été imaginés pour les enfants, d’autres ont été volontairement retirés par la chaîne : « Certains documentaires jugés trop anxiogènes en cette période ont été déprogrammés, précise-t-elle. Car la RTS doit informer, divertir et occuper intelligemment les citoyens en tout temps, et encore davantage en période de crise. »

www.estelledossin.com

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Amoureux du film «American Gigolo», ses parents la prénomme en hommage à l'actrice américaine Lauren Hutton. Ainsi marquée dans le berceau, comment aurait-elle pu, en grandissant, rester indifférente au 7ème art ? S'enivrant des classiques comme des films d'auteur, cette inconditionnelle de Meryl Streep a prolongé sa culture en menant des études universitaires en théories et histoire du cinéma. Omniprésent dans sa vie, c'est encore et toujours le cinéma qui l'a guidée vers le journalisme, dont elle a fait son métier. Celle qui se rend dans les salles pour s'évader et prolonger ses rêves, ne passe pas un jour sans glisser une réplique de film dans les conversations. Une preuve indélébile de sa passion. Et à tous ceux qui n'épellent pas son prénom correctement ou qui le prononcent au masculin, la Vaudoise leur répond fièrement, non sans une pointe de revanche : «L-A-U-R-E-N, comme Lauren Bacall !». Ça fait classe !

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