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Interview : Abdel Raouf Dafri écrit ce qu’il est.

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Abdel Raouf Dafri était un des prestigieux invités du NIFFF 2016 dans le cadre de la 3ème occurrence de SERIES STORYWORLD, symposium qui plonge au cœur de la fabrication de ces séries qui font tant rêver.


Abdel Raouf Dafri au NIFFF 2016

Adressée aux scénaristes, réalisateurs et producteurs professionnels SERIES STORYWORLD offre aux participants une occasion unique d’échanger avec des spécialistes internationaux, qui auront profité de l’expérience du scénariste français sur « La Commune » et « Braquo ». Rencontre avec un homme très énergique et très volubile, pour une interview un peu décousue mais passionnante.

Avez-vous eu l’occasion de voir des films pendant le festival ?
Oui, il y en a un que je voulais vraiment voir mais, manque de bol, je rentre avant parce que je dois partir à Londres. La promo de la quatrième et dernière saison de « Braquo » commence, et on a la conférence de presse lundi.

Et c’était lequel ?
Celui de Jonás Cuarón.

« Desierto » ?
Oui, celui-ci ! Je suis sûr que ça doit être une tuerie. Parce que Cuarón c’est avec euh, j’oublie toujours son nom… Avec le réalisateur mexicain qui a fait « The Revenant »…

Alejandro González Iñárritu !
Iñárritu, voilà. Tous les deux, c’est deux très grosses pointures du cinéma américain. Et j’avais vu un trailer de Desierto et je m’étais dit : « Tiens, ils parlent d’un truc basique, des mecs, quoi, c’est le film « The Hunting ». Avec Cuarón, la mise en scène a toujours quelque chose de différent… Il y a même des idées, mais ce genre de film, on en a tellement vus… Des pauvres types qui se font pourchasser par des tarés, enfin, rien que dans la bande-annonce je voyais déjà quelque chose germer, quoi. L’acteur qui est dedans, euh… Qui s’était un peu égaré dans le cinéma d’auteur, ben, ça lui a pas porté bonheur pour sa popularité quoi (ndlr : Jeffrey Dean Morgan, on imagine). Et ça c’est un problème du cinéma dans sa globalité. Ce snobisme de penser que moins on touche le public, plus on grandit. Heureusement que les Beatles et les Stones n’ont pas fait ça parce que… (rires). C’est marrant parce que, dans le monde de la musique, on n’a pas de complexe à le dire. On fait même une vertu de toucher le public, de vendre un max de disques. Mais dans le cinéma, il y a ce syndrome du « moins on touche de gens, plus on est grand ». C’est d’un grotesque à pleurer ! (rires) Comme si le cinéma c’était autre chose que le reste. Alors que pour moi, le vrai art, c’est la musique, loin devant le cinéma. Et encore, loin devant le cinéma je mets la littérature. Le cinéma c’est quand même quelque part une usine. Même s’il y a un metteur en scène…

Mesrine de Jean-François Richet
Mesrine de Jean-François Richet

Et là je suis en train d’en vivre l’expérience parce que je ne suis pas seulement scénariste, je suis aussi coproducteur et réalisateur de mon film sur la guerre d’Algérie (ndlr : hélas le projet est sinon secret, du moins très discret). C’est la première fois que ça m’arrive, donc on va voir si je suis bon ou si je suis naze, hein ? On sait si on est un soldat courageux que quand on est au front, hein ? Donc là, je vais savoir qui je suis. D’après les retours qui me revenaient, j’avais un putain de scénario, vraiment quelque chose de fort. Je voulais que ce soit un metteur en scène qui le fasse, un metteur en scène pour lequel j’avais du respect. Mais le problème c’est que tous les metteurs en scène de France, qui sont des Français blancs, m’ont dit, enfin, tout au moins mon ami Jean-François Richet qui était le réalisateur de « Mesrine » : « J’ai pas la légitimité pour faire ça, et je n’arriverai pas à être aussi brutal que toi dans ta vision des choses. L’idéal, ce serait que ce soit toi qui le réalise. » Donc j’ai dû m’y coller.

« L’Ennemi Intime » de Florent Emilio-Siri est le film français le plus récent dont l’action se situe durant la guerre d’Algérie. Qu’en pensez-vous ?
C’est de la merde !

Sérieusement ?
Non mais il faut être très très clair. Ça n’a aucun intérêt mais je vais vous expliquer pourquoi. Parce que ça fait un peu malin, ça fait un peu mariolle de dire « c’est de la merde ». Je vais expliquer : primo, Siri, et vous pouvez le citer, fait une très grosse erreur sur la scène d’ouverture, il pompe la séquence d’un très bon film, un film de Roger Spottiswoode qui s’appelle « Underfire ». Vous le retrouverez d’ailleurs très facilement. Avec Joanna Cassidy, Nick Nolte et Gene Hackman et le brillantissime Jean-Louis Trintignant qui a des scènes en tant que pourriture d’agent de la CIA… Bref, la scène d’ouverture ; je ne sais pas si vous vous souvenez de la scène d’ouverture de « Underfire ».

Nous avons une savane africaine, comme ça, qui semble très calme, mais vraiment très calme. Et tout d’un coup, vrouuuf’ ! On voit des Africains, des soldats, qui étaient confondus dans le décor qui se lèvent et qui avancent. La scène d’ouverture de « L’Ennemi Intime », c’est un pompage d’« Underfire », c’est un pompage de la scène d’ouverture d’« Underfire ». Vous pouvez les comparer ! La première fois que j’ai vu celui de « L’Ennemi Intime », j’ai dit: « what the fuck, il a osé ? » (rires). C’est la même ! Et en plus, elle est mensongère sur un plan historique. Parce que s’il y a bien une chose que l’armée française ne maîtrisait pas, c’était le terrain. A titre d’exemple : un Fellaga, un rebelle algérien, parcourait entre 8 et 10 kms à pieds par jour dans le Djebel. Un soldat français, entre 3 et 5. Là, dans la scène d’ouverture, que fait Siri ? Il nous dit : « Nous, les militaires français, nous étions confondus dans le décor, en plus de nuit ». Et les opérations de nuit étaient très rares, elles étaient appuyées par des véhicules mobiles avec mitrailleuses (rires).

La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo

Il faut le savoir. Et il y avait au moins 200 hommes. Donc il ment sur tous les niveaux et en plus, il se permet de pomper un type qui a du talent. Ensuite, le reste du film, je vous le demande, où sont les Arabes dans le film? Où sont les Arabes ? On a des Français qui font de la torture, etc. Il crée ces deux figures qui sont celles de Benoît Magimel et de Dupontel. L’un pour la torture, l’autre contre. Qui est un discours, en temps de guerre, complètement stupide. La torture ne sert pas à avoir des renseignements pour prévenir des attentats, la torture sert à envoyer un message aux autres populations. Quand quelqu’un revient fracassé, il a le message de ce qu’il va se passer quand tu rentres dans le centre untel ou dans le centre untel. Quand tu tombes aux mains de l’ennemi, qui est supérieur en force et en moyens, quand tu reviens tu n’es plus toi-même. Ça fait réfléchir les autres. Ça ne sert qu’à ça, la torture. Moi j’ai lu, et je vous le conseille, « Ma Bataille d’Alger » par le général Massu. Massu avait été très énervé que Pontecorvo fasse le film « La Bataille d’Alger » et le présente comme une espèce de dingue tortionnaire. Il a écrit son livre pour dire « Ma Bataille d’Alger », en opposition au film de Pontecorvo. Et Massu dit la chose suivante, et c’est extraordinaire, on lui pose une question sur la torture et il dit : « La torture, il est évident que nous en avons abusé, qu’elle ne servait pas à grand-chose » (rires) et on lui demande : « Est-ce que les gens parlent sous la torture ? » et il répond : « Il y a deux sortes d’individus ; il y a le frustre, c’est-à-dire le paysan, alors celui-là, il mourra sous la torture, il niera mordicus. Et puis nous avons l’intellectuel… » – dans l’esprit de Massu, l’intellectuel regroupait le médecin généraliste, l’instituteur, etc. – et il disait : « Celui-là, la question du « à quoi bon » se pose très vite ! » (rires). Sous-entendu, l’intellectuel a moins de cojones que le frustre. Parce qu’il est plus lucide, dirons-nous, voilà. (rires) Donc euh oui « L’Ennemi Intime », c’est vraiment très très mauvais quoi.

« …Jacques Audiard. Celui que j’appelle grand metteur en scène, c’est celui qui est capable de faire un cinéma très intelligent qui touche le plus large public. »

Vous parliez tout à l’heure de Jean-François Richet : vous avez déjà eu l’occasion de collaborer avec plusieurs « grands » réalisateurs français !
Deux, il n’y en a pas beaucoup en France, hein ? Il y a beaucoup de bruit mais pour moi, il y en a deux grands. Tout d’abord, il y a Jacques Audiard. Celui que j’appelle grand metteur en scène, c’est celui qui est capable de faire un cinéma très intelligent qui touche le plus large public. Martin Scorsese, personne ne parle de lui comme un réalisateur ou un auteur réalisateur, d’ailleurs il n’écrit pas ses scénarios, il le reconnaît lui-même. Il utilise sa propre grammaire à partir du scénario de base – et d’ailleurs, il donne des idées à l’intérieur. Mais c’est quelqu’un qui a l’ambition, tout comme Francis Ford Coppola, de toucher le plus large public. Tout comme William Friedkin. En France, non, on a des gens, qui sont dans le business depuis 20-25 ans et qui font des films que quasi personne n’a vus mais ils continuent de faire des films. Audiard comme Jean-François, n’ont qu’une idée en tête, c’est faire un très bon film, qui leur ressemble, mais qui touche le plus large public. Ils n’ont pas ce mépris de classe. Ils ne regardent pas avec un air suffisant ce que certains politiques ont appelé pendant un moment « la France bambin ».

Moi, mes références, c’est Verneuil, pas Eric Robert. Je pense que si on veut vraiment être très intelligent, très cultivé et apprendre des choses sur l’âme humaine, il y a la littérature pour ça. J’en suis arrivé là en tant que scénariste grâce aux livres, pas grâce au cinéma. Maintenant, oui, le cinéma j’ai compris sa grammaire parce que quand j’ai commencé, j’étais journaliste, animateur radio, j’ai fait des films d’entreprise puis, j’ai écrit un premier court-métrage qui a été réalisé par un ami nommé Jean-Philippe, et qui, en France, avait fait un peu de bruit. On s’était retrouvé dans les deux festivals. Jean-Philippe a lui, voulu aller au festival de Clermont-Ferrand où on a été sélectionné, moi j’ai préféré aller à celui de Cognac (rires). Je pensais que je pouvais y voir de vrais polars, mon genre de prédilection. J’ai eu, je pense, les meilleurs metteurs en scène. Pour moi il y a Audiard et Richet, Basta. Après, les autres…

Un Prophète (Scénario Abdel Raouf Dafri)

Quel est le film que vous avez scénarisé qui correspond le plus à votre vision (que vous aviez lors de l’écriture) ?
En tant que scénariste ? Bon je vais vous répondre très clairement : « Mesrine », tout ce que vous voyez à l’écran, c’est tout ce qui a été écrit. Parce que Jean-François, il est dans la veine américaine. Par exemple, je ne sais pas si vous avez vu la série « Boardwalk Empire », Scorsese disait du travail de Terence Winter : « J’avais le scénario, je n’avais plus qu’à réaliser, basta ». Par exemple quand il a fait « Shutter Island », écrit, je crois, par Dennis Lehane, j’ai été déçu du livre : arrivé page 80, je me suis dit : « Non, ne me dis pas que c’est ça la fin ? Soit Lehane est fatigué, soit je suis un putain de génie ». Je suis arrivé à la fin et je me suis dit : « il est fatigué, voilà. »

Donc pour répondre à votre question, quand j’ai écrit le scénario de « Un Prophète », il faut savoir que j’avais travaillé dessus pendant 3 ans, j’avais pris un jeune scénariste qui s’appelle Nicolas Peufaillit, j’avais dit au producteur que j’avais besoin de ce mec-là. Parce qu’à l’époque – c’était il y a plus de 10 ans – j’étais très très en colère contre ma société, j’en avais ma claque. Je suis venu dans le cinéma pour voir des Arabes et des Noirs qu’il n’y avait pas dans le cinéma français. Ou alors quand il y avait un Arabe ou un Noir, il y avait toujours un Blanc pour lui dire : « Ne t’inquiète pas, je suis là ». Et ça, ce genre de truc, ça me casse les couilles. Ce truc colonial, ça m’énerve. Parce qu’en France on n’a pas encore réglé notre passé colonial. On est encore à regarder les Noirs comme des êtres inférieurs, la classe blanche regarde les Noirs comme des êtres inférieurs. Et elle regarde les Arabes comme des dérangés ou des malades mentaux, alors qu’à la base c’est des Français, vous voyez ? Moi, par exemple, quand un curé viole un enfant je ne me dis pas que tous les curés jusqu’au pape sont des pédophiles. Mais en France, il suffit qu’il y ait un mec qui, au nom de l’Islam, commette un acte terroriste, on met tout le monde dans le même panier.

C’est extraordinaire quand même ! (rires) Ce sens de l’intelligence et de la retenue c’est WOW ! Bref, j’étais très en colère à l’époque, et j’étais au revenu minimum d’intégration, c’est-à-dire le RMI, qui s’appelle le RSA maintenant, le welfare français. Et j’ai écrit l’histoire de ce type, j’en voyais l’émergence, je me disais : « Si j’étais Michael Corleone et que je n’étais pas né d’un papa comme Don Vito, d’où je viendrais ? ». J’écrivais l’histoire de ce mec-là, de Malik El Djebena, qui était un mec ignare qui ne savait ni lire ni écrire, qui n’avait même pas de connexion réelle dans le milieu criminel et qui avait fait une grosse connerie. Et cette connerie était tellement grosse qu’il devait se retrouver chez les pros des pros, c’est-à-dire les centrales. Parce qu’il y a les maisons d’arrêt et il y a les centrales : les centrales, c’est là où vous avez les gros caïds. Et là, il se retrouve avec les Corses. Et j’aimais l’idée de ce mélange avec les Corses, les Arabes et Malik qui doit apprendre. Et l’idée du titre « Un Prophète »… Moi je ne suis pas croyant, mais j’ai lu la Bible sans être chrétien, j’ai lu le Coran sans être musulman. Donc je me suis dit, c’est des bouquins qui réunissent à eux deux près de 3 milliards et demi de fans, faut quand même les lire pour savoir ce qu’il y a dedans (rires). On ne peut pas faire l’impasse là-dessus quoi ! Et j’ai même lu « Les Malheurs De Sophie » mais je m’en suis remis, tout comme le Coran et puis la Bible (rires).

La Commune (Abdel Raouf Dafri )

Le premier mot dans le Coran que Dieu, enfin Allah, dit à Mahomet à travers Gabriel, c’est le mot arabe qui dit : « Iqra », ça veut dire « lis, éduque-toi ». Et, l’idée c’était d’écrire, de dire à tous mes compatriotes que moi, je suis un fils d’immigrés. Mes parents sont algériens à la base, ils sont arrivé en 63, je suis né en 64 à Marseille. C’était de leur dire, à tous les Arabes – parce que quand on parle avec un Arabe, tout de suite, il s’énerve et il se dit « je vais les défoncer » (rires) – et l’idée, c’était de leur dire : « Sois plus malin, un peu moins, même beaucoup moins Tony Montana et un peu plus Michael Corleone. Et soit rusé, soit Machiavel ! » C’est la phrase du parrain : « Keep your friends close and your ennemies closer » (rires). Commence pas à monter dans les tours parce qu’alors là, tu es disqualifié d’entrée, on sait qu’il va falloir t’éliminer. Bref, et donc Malik arrive là-dedans et il apprend. Il apprend les codes de la prison, il se retrouve tout seul à apprendre le corse. Et il écoute les mecs parler. Quand j’ai rencontré Jacques Audiard, il faut être très clair ; Jacques c’est le fils de Michel Audiard, il a grandi dans un quartier. Parce que Paris c’est quand même des petits villages, c’est des petits Neuchâtel. Il y a des arrondissements, c’est des petits Neuchâtel, dont on ne sort jamais. Pourquoi on en sortirait ? On y est bien. Moi je me suis promené dans Neuchâtel, c’est super quoi ! Bon donc pourquoi on en sortirait ? Donc Jacques, globalement n’avait jamais vu d’Arabes de sa vie. Bon, il les avait vus aux informations mais quand il m’a vu, il m’a regardé comme ça et il m’a dit : « d’où ça sort ça ? » (rires).

Ce n’était pas son monde. D’ailleurs, quand vous regardez toute la filmographie de Jacques avant « Un Prophète », on ne voit pas énormément les Arabes. Ce qu’il s’est passé, c’est que moi, j’avais fait 3 ans, donc j’ai écrit une version 1 et une version 2 du scénario et Jacques me dit : « Fais-moi un mail dans lequel tu me dis les dix choses que tu veux ». Et je lui ai répondu : « écoute, va pas me chercher des mecs comme Sami Bouajila, va pas me chercher des mecs comme Roschdy Zem, va pas me chercher des Arabes, des Français d’origine maghrébine qu’on a déjà vus partout et que les Français connaissent. Va me chercher des mecs que moi j’ai connus, qui ont fait de la prison, qui vivent dans les quartiers et qui ont des gueules qui font peur. Comme ça, le Français de base, quand il est dans la salle, il se dit : « Lui, je veux pas qu’il sorte de prison, je veux pas le croiser dans mon quartier ». Donc trouve-moi des gueules comme ça. » A l’époque, c’est les hasards de la production, « Mesrine » était en tournage, les deux « Mesrine » étaient en tournage, et moi j’avais ma première série « La Commune » qui était en tournage. Et Jacques était venu sur le plateau de « La Commune » et il avait vu le casting, et c’est là qu’il a rencontré Tahar (Rahim). On est rentré un jour avec la voiture de la production, et dedans, il y avait Tahar, qui ne connaissait pas Jacques, et Jacques ne connaissait pas Tahar, plus deux-trois autres acteurs et moi. Il y avait aussi un autre acteur, Slimane Dazi, qui jouait dans « La Commune », et qui ensuite jouera le Marseillais dans « Un Prophète ». Donc Jacques avait vu une espèce d’autre planète, qui est à l’intérieur du système social français. Il a vu d’autres gueules, d’autres acteurs, et il s’est dit : « Ça c’est intéressant ! Je veux travailler avec ces mecs-là ». C’est pour ça que les 90% des mecs qui sont dans le casting du film (sauf Tahar) ont eu, plus ou moins, maille à partir avec la justice (rires).

« … le communautarisme dans les prisons françaises, il existe hein ? C’est comme dans les films américains, il ne faut pas se leurrer. »

C’est pour ça que dans le film, aussi, dans leurs comportements, dans la façon dont ils bougent, dont ils parlent, c’est clair qu’on a des mecs qui savent ce que c’est que le bitume, qui savent ce que c’est que d’avoir un calibre. Donc le film, c’est l’histoire de ce type qui apprend en prison et qui, quand il sort, monte son organisation criminelle. Le truc qui a changé fondamentalement, c’est que mon script était divisé en deux. Je suis un fan de Stanley Kubrick, et en particulier de « Full Metal Jacket ». Et quand j’ai écrit sur mon scénario la première version du « Prophète », Malik n’arrive pas en prison. D’abord, il arrive dans un centre pour mineur parce que moi, au départ, je voulais en faire une série télé, une saga télévisuelle. Il arrivait dans le centre pour mineur, il commettait un truc impardonnable et ensuite, il arrivait en centrale. Et quand il arrivait en centrale, là, il commençait à rencontrer les Corses, les Corses avaient besoin d’un Arabe pour atteindre un autre Arabe. Parce que le communautarisme dans les prisons françaises, il existe hein ? C’est comme dans les films américains, il ne faut pas se leurrer. Alors, vous avez le corpus des Arabes qui ne sont pas croyants, vous avez les Musulmans qui ont aussi leurs propres quartiers qui sont entre eux dans la cours. Enfin, vous voyez, les différents clans dans une cours quoi. Vous les voyez, vous voyez qui est avec qui. Bref, et ceux qui tenaient le banc, c’est-à-dire les Corses, c’était eux les patrons. Et Malik arrive là-dedans et il ne connaît personne. Donc il se fait dépouiller, et ensuite de ça, les Corses ont besoin de lui, ils s’en servent pour choper un autre mec. Et après, la suite, vous la connaissez.

Bon moi, j’avais fait tout l’enseignement en prison donc quand il sortait de prison, il montait l’organisation dehors avec les mecs des cités. Et Jacques me dit : « Je préférerais terminer le film sur la prison, à la sortie. Parce que là, dans ton scénario, il y a deux films ». C’était mon tout premier scénario, j’étais un débutant. Et lui, c’était quand même pas n’importe qui à l’époque, il avait quand même déjà une filmographie derrière lui. Ensuite, il a trouvé un autre scénariste qui s’appelle Thomas Bidegain qui a eu une idée : les permissions le week-end. Parce que dans mon scénario, Malik accomplissait certaines choses dehors. Donc Jacques disait : « C’est vachement intéressant les missions qu’il fait à l’extérieur pour pouvoir continuer à exister, à se faire un réputation. Comme ça, quand le mec il sort, il est déjà intronisé ». C’est pour ça qu’à la fin du film, les voitures l’attendent. Par exemple, le cancer qu’a son frère, en fait c’était normalement César qui l’avait dans mon scénario. Donc il y a des petits ajustements comme ça.

Un Prophète (Scénario Abdel Raouf Dafri)

Pour le reste, tout est là. Je dirais que le film m’appartient, en tant que scénariste, à 80%. Ça c’est clair de chez net. D’ailleurs, il faut que vous compreniez bien une chose, parce que les journalistes ne comprennent pas et les gens qui sont en dehors du cinéma ne comprennent pas : Scorsese, quand vous regardez ses films, c’est ce qu’il est lui. C’est comme Flaubert, ce n’est pas Proust. Parce que la mentalité de Flaubert, ce n’est pas Proust. Regardez Zola, même s’il partage beaucoup d’idées avec Victor Hugo, ce n’est pas Victor Hugo. Il faut comprendre que ce que vous voyez à l’écran, c’est ce que le metteur en scène est. Ce que le film vous envoie comme information. Et sur « Un Prophète », pour être très clair, c’est le mix de Dafri et Audiard, de lui et de moi. C’est-à-dire que lui, n’avait jamais vu des Arabes, et quant à moi, je n’avais jamais bossé avec des types qui faisaient du cinéma d’auteur. Tout d’un coup, il y a eu cet échange. Il a sa vision, lui, sur les humains. Moi par exemple, mon personnage était très calculateur dès le départ. Lui m’a dit : « moi j’ai besoin de l’aimer ». Donc il en a fait quelqu’un de plus innocent. Moi j’ai dit : « Ok, pas de soucis, de toute façon pour moi c’est un gros enculé. Fais-en un film innocent, hein ? Moi aussi je peux faire un film avec Hitler et montrer comment il aimait bien sa maman.

Au final il va quand même faire la chose, ce bâtard. ». C’est pour ça que Tahar était une figure innocente – déjà dans ma série « La Commune » – mais qui voulait gravir des choses. Et Jacques était très intéressé ; Tahar a été exceptionnel là-dedans. Le problème de Tahar aujourd’hui, c’est que son niveau de talent est trop fort pour le niveau des scénaristes français, hélas. Il le sait, Tahar, il en est conscient, c’est ça la problématique. Et donc, moi j’étais content de retrouver des gars de « La Commune » à l’intérieur d’« Un Prophète » ; Jacques a fait ses courses là. Donc le scénario m’appartient à 80% : quand vous connaissez un peu ma personnalité et quand vous connaissez celle de Jacques, vous voyez. Après, Jacques a travaillé avec Thomas Bidegain et ils ont fait « Dheepan », c’est génial les choses ! C’est pas le même type, pourtant, c’est globalement le même sujet, mais ce n’est pas le même type. Là, on prend un Français pour jouer un Arabe. Je veux bien tout ce qu’on veut, mais bon, faut se calmer quoi. Par exemple, là-dessus, Jacques Audiard et moi on n’est pas d’accord. Mais, par exemple, le producteur exécutif sur « Mesrine » connaît Thomas Langmann, connaît Jean-François Richet, Vincent Cassel et moi. Et il a dit la chose suivante : « ‘Mesrine », c’est vous 4.

Quand je regarde « Mesrine », les deux « Mesrine », je vois un moment Thomas, je te vois Abdel un moment, je t’entends. ». Et comme Vincent Cassel et moi on a à peu près la même mentalité entre guillemets de « vitelloni italiani », branleurs français (rires)… Donc il y a des humeurs assez similaires. Il est aussi dans ce délire-là mais dans un autre registre. Quand on nous connaît personnellement et qu’on voit les deux films, c’est ça, la magie du cinéma, elle est là : c’est que, quoi que vous fassiez, le film va montrer qui vous êtes. C’est pour ça que les films de Coppola sont les films de Coppola. Les gens attribuent ça à un effet de style parce qu’il aimerait ci, il aimerait ça. Non, non, non, le mec, ce qu’il transpire émotionnellement c’est lui ! Moi, le jour où j’ai vu Jacques Audiard pour la première fois, j’ai compris tous ses films !

 « La série Braquo est vendue dans plus de 100 pays, on a gagné un Emmy Award avec la saison 2 – parce que moi je suis arrivé sur la série à partir de la saison 2. »

Vous parlez de Jacques Audiard mais y a-t-il un autre réalisateur français, ou même international, avec lequel vous aimeriez travailler ?
Alors je vais vous dire un truc : actuellement, j’ai un projet, il y a un Américain qui m’a appelé – enfin il n’est pas tout à fait américain, il est européen – enfin, les Américains, à la base, c’est des Européens. Vous connaissez le dicton américain : un Américain, lorsqu’il vous dit « c’est quoi un Américain ? » et vous, vous répondez : « Je sais pas, c’est un type qui est né en Amérique ? », il dit : « Non, c’est un Européen qui a eu les couilles de venir jusqu’ici ! » (rires) Non mais c’est la réalité, c’est très américain. Donc il y a ce réalisateur, ça m’est tombé dessus avant que j’arrive au NIFFF, il y a 3 semaines, qui m’a envoyé un mail via mon agent et il m’a dit : « Faut qu’on travaille ensemble ». On a fait un skype. Il a un projet qui est démentiel, barbare au possible, et c’est un putain de metteur en scène qui a déjà été à Cannes, qui a déjà reçu des prix, et qui est connu. Mais je vais attendre, on doit se rencontrer. Lui, il veut absolument qu’on bosse ensemble. Je lui ai dit : « Mais je ne parle pas anglais !» et il m’a répliqué : « Mais on s’en fout ! On prendra un traducteur ou une traductrice, ce sera cool ! ». Et donc, l’action de cette série est tirée d’un bouquin et ça se déroule à Paris. Ça met en scène la mafia calabraise, les mecs des quartiers, et ça va être très très violent (rires). Donc dans l’immédiat, on doit se voir au mois d’août, le metteur en scène et moi, afin de discuter. C’est très intéressant parce que, moi, j’ai dû être un chien dans une autre vie – un pitbull, pas un teckel, encore moins un caniche – et donc j’ai dû être un chien dans une autre vie parce que je fonctionne au pif. Et quand je l’ai vu en skype, on se parlait et voilà, c’est vrai qu’il a beau être blanc, ça va, j’ai repéré un mec de quartier quoi.

Je suis venu dans le cinéma pour faire des choses bien précises. Mais dans le cinéma français ; je dis cinéma français parce que, je précise, j’écris en français et je m’intéresse à des thématiques françaises. Quand vous voyez « Un Prophète », les prisons c’est ça. Quand vous voyez Jacques Mesrine, tout est vrai, et encore, on a retiré des trucs mais tout est vrai. Le mec a vraiment fait ça. Et quand je montre « La Commune », j’extrapole aussi, même « Braquo », les barjos qu’il y a dans « Braquo » existent dans la réalité. C’est un cop show, les américains ont adoré, la série est vendue dans plus de 100 pays, on a gagné un Emmy Award avec la saison 2 – parce que moi je suis arrivé sur la série à partir de la saison 2.

Braquo d’Olivier Marchal

« Braquo » est une série qui est vraiment propre à Olivier Marchal, à son cinéma. Elle est fortement inspirée de son vécu. Vous, vous arrivez à la saison 2 et vous « renverser » la série en vous inspirant de votre propre vécu : une véritable réappropriation…
Ça n’a pas plu à Marchal, hein !

Oui, justement, ce n’est pas forcément une évidence vu vos parcours totalement différents !
Non c’est simple, je vais vous expliquer pourquoi. On en revient toujours à nous sommes ce que nous faisons. Dans la littérature, je le redis, Flaubert et Proust, ce n’est pas la même chose. Alexandre Dumas, Victor Hugo, etc. Même chez les Russes, Pouchkine, Dostoïevski et Tolstoï, ce n’est pas la même chose, ce n’est pas le même discours ! Même si les idées de fond sur l’humain sont là, ce n’est pas le même discours. Enfin bref, quand je suis arrivé, Marchal avait fait la saison 1 et vous voyez, la saison 1 c’est lui. Olivier Marchal croit en ce truc des flics dépressifs, il est très très mal dans sa peau, il a très mal vécu la police, il était un inspecteur à Versailles. C’est un type qui avait un mental associatif, vous voyez ? Celui d’un éducateur. Et tout d’un coup, il passe les concours, il devient policier, et puis il voit la réalité des crimes, il voit la réalité des viols, il voit la réalité de la violence. Et il est comme ça et il fait « WOW », c’est pas son monde, donc il se met à boire, etc. Et moi quand il m’a proposé son truc, il a appelé Canal, il a appelé le producteur et il a dit : « Je veux que ce soit Abdel Raouf Dafri qui écrive la saison 2 ! ». Et à l’époque je lui ai dit les yeux dans les yeux parce que j’aime bien être au clair, je lui ai dit : « Moi, je ne suis pas dépressif, je ne prends pas d’alcool, je ne prends pas de drogues, je ne fume pas. Je préfère l’humour pour dédramatiser des choses graves. ». J’aime bien l’humour qu’on pourrait appeler l’humour noir quoi. J’ai un humour un peu décalé, j’ai ce que côté un peu je prends les choses jamais vraiment au sérieux parce que je reviens de loin.

Braquo d’Olivier Marchal

Moi à 38 ans je suis au RSA et à 40 j’ai un César (rires). C’est une blague ! Moi, quand je me suis retrouvé à Cannes et qu’on nous a dit qu’on avait le Grand Prix, tout le monde était comme des fous et moi je me suis dit qu’il devait y en avoir un qui devait être en train de se foutre de ma gueule. Aujourd’hui t’es une star mais t’inquiète pas demain tu vas être un clochard. En ce qui me concerne, ce qui est bien c’est que j’ai fait le chemin en sens inverse. Bref, j’ai toujours eu ce truc de l’humour comme recul. Je suis un fan des comédies italiennes des années 70. Moi, je suis un fan de Nino Manfredi. Marchal, lui, il a pas du tout d’humour. C’est un mec qui a eu un problème avec la drogue, avec l’alcool, etc., et tout ça, c’est dans la saison 1. J’ai regardé la saison 1 et je me suis dit : « Mais qu’est-ce que je vais aller foutre là-dedans ? ». En plus, je n’aime pas trop la police. Les gens disent « Ah les policiers sont pas trop sympas ». Mais ils sont tarés ou quoi, les policiers sont là pour t’arrêter si tu fais de la merde ! C’est un outil répressif : le policier, c’est les couilles de l’homme politique, il faut bien comprendre cela. C’est son bras armé, il n’est pas là pour être gentil. C’est pas un éducateur, il est pas là pour discuter. Bref, ce qui m’a donné envie quand j’ai regardé la saison 1, c’était ses acteurs : Jean-Hugues Anglade en premier, Karole Rocher, Joseph Malerba (Walter Morlighem), Nicolas Duvauchelle. Il y a avait aussi Olivier Rabourdin, l’acteur qui joue Max et qui se suicide dans la saison 1. Et je me suis dit « Wouah, les acteurs sont là ! ». Et j’aimais bien aussi Alain Figlarz qui fait Serge Lemoine.

Je me suis dit, toujours dans cette logique de mettre des Arabes et des Noirs, je me suis dit : « merde ça manque de basanés là-dedans. Faut mettre des Arabes et des Noirs ! Je vais faire venir des potes, on va se marrer. » Et dès la saison 2, j’ai mis des Arméniens, j’ai mis la mère juive ; Madame Arifia. Aussi, j’ai mis les Belges parce que j’ai grandi dans le Nord, juste à côté de la Belgique, donc je voulais entendre parler néerlandais. Tout d’un coup, c’est le producteur Claude Chelli qui me dit : « tu as ramené le monde à l’intérieur de « Braquo ». C’est ce qu’il aurait fallu toujours faire. Et Marchal, quand il a vu ça, il en est resté bouche bée. Après quoi, il est parti en live avec la presse en disant : « C’est de la merde, j’ai été trahi ! ». Il est devenu fou parce que ça ne ressemblait plus à sa première saison. Alors c’était un truc sur la police. J’ai donc ajouté des références, dans lesquelles je me foutais un peu de l’histoire de la société française.

Braquo d’Olivier Marchal

Par exemple, quand Caplan dit à l’Arménien, qui est joué par Arsène Jiroyan : « dis-moi c’est quand la dernière fois que les Français ont gagné une guerre ? » Et le complice de l’Arménien lui dit : « avec ou sans Américains ? ». Donc il y avait toutes ces références sur la société française. Comme Dashiell Ammet, qui est un immense auteur le dit : « Si vous faites de la littérature mais que vous ne parlez pas de la société dans laquelle vivent ceux qui vous lisent et si vous n’avez pas un point de vue et un regard sur la société dans laquelle vous êtes ça ne sert à rien d’écrire, c’est du vent ! » Donc moi, ce que je voulais c’est qu’on voit des Noirs, des Arabes, qu’il y ait un esprit un peu plus sarcastique. Et ça, Marchal ça lui a pas plu du tout puisque, comme il est dans un truc de dépression permanente, tout d’un coup il voit ça et il se dit : « c’est pas possible, c’est pas possible ». C’est pas grave, il y a une saison 1 qui lui appartient et qui appartient aux fans de Marchal. Moi, je voyais des fans de Marchal qui me disaient que la 2 c’était pas la même que la 1. Moi je leur disais la 1 c’est Marchal et la 2, c’est moi. C’est pas pareil, c’est très différent comme mentalité

Une dernière question : est-ce qu’il y a un livre en particulier que vous aimeriez adapter ? Vous dites beaucoup aimer les polars !
Ah oui ! Il y a un livre que j’aimerais adapter, qui est extraordinaire ! On ne peut pas le faire au cinéma parce que c’est un livre qui est très volumineux, ça s’appelle « La Griffe du chien » de Don Winslow. Vous n’avez pas lu ça ?

La Griffe du chien de Don Winslow

Non…
Je voudrais l’adapter parce qu’il y a une scène de meurtre, dans le bouquin, qui est hallucinante. C’est sur les mafias mexicaines et colombiennes. Ça se passe aux Etats-Unis. Et Don Winslow est un auteur qui est un tueur ! Il y a un autre bouquin que j’aimerais adapter, de Nick Tosches, qui s’appelle « Trinités ». C’est sur les mecs de la mafia italienne, à New York, qui commencent à entrer en deal avec les Chinois. Il y a une scène dans un avion avec des mules, c’est à dire des individus qui transportent de la drogue. Les mules en question c’est des Noirs, des voyous de Brooklyn. Il faut voir la scène dans l’avion : à un moment l’avion dépressurise et les types ont le bide chargé de coke. Concernant « La Griffe du chien », il y a un personnage qui séduit une femme qui est mariée à un gros narcotrafiquant. En fait, elle est mariée avec un porc alors qu’elle, c’est juste une bombe. Et l’autre est invité, le beau gosse, il va lui faire du rentre-dedans en silence. Ce n’est que raconté avec des échanges de regards, etc. Ils n’ont même pas besoin de se parler. De toute façon, il ne peut pas lui parler directement, il y a le mari, il y a les hommes de main, etc. Donc il la séduit sans dire un mot. Juste avec des regards et ils se comprennent. Et vous allez voir ce qu’il se passe après.

On parlait de Dennis Lehane : avez-vous lu « Un Pays à l’aube’ » ? Et si oui, qu’est-ce que vous en pensez ?
C’est celui avec la guerre de 14 et les mecs qui reviennent ? Non, je ne l’ai pas encore lu. Je l’ai acheté mais je n’ai pas eu le temps de lire parce que j’étais en train de travailler sur la guerre d’Algérie depuis 2 ans, je me tape donc la blinde de bouquins, vous imaginez. Mais je l’ai chez moi et je l’ai offert à un ami commissaire divisionnaire m’ayant conseillé sur la saison 4 de « Braquo ». Il s’appelle Jean-Marc Souvira, c’est un auteur lui aussi français et il est commissaire divisionnaire toujours en activité. Jean-Marc est en train d’écrire un roman qui parle des Chinois qui sont venus dans le nord de la France construire des tranchées. Et je lui ai dit qu’il fallait qu’il lise le livre de Dennis Lehane. Il y a très très longtemps je voulais adapter un livre, mais hélas il a été très très mal adapté, c’est le livre de Westlake, « Le Couperet ». Quand j’ai vu ce qui en avait été fait, j’étais un peu consterné mais bon, tant pis.

Donc « La Griffe Du Chien », et « Trinités ». Ce sont des livres qui, en plus, hélas, ne sont pas très connus. Ils feraient des séries télé du niveau de « Narcos », surtout « La Griffe du chien » qui est documenté d’une telle force ! Et doté d’un humour, mais un humour sarcastique où on voit la barbarie s’exprimer. Il y a un passage où il y a un personnage – et je ne vous dirai pas lequel – qui rencontre les Colombiens dans une forêt amazonienne. Le décor est un pont en liane au-dessus d’un immense ravin, comme dans les « Indiana Jones » mais en un peu plus costaud. Le type est accompagné d’une gamine de 11 ans et d’un gamin de 6 ans qui sont les enfants de son ennemi. Les Colombiens le regardent et le prennent pour un trader car le type est plutôt bien habillé. Ils se demandent donc s’il a les couilles pour faire du business avec eux. Le type prend alors l’enfant de 6 ans par la main et le jette dans le ravin. La gamine se précipite au secours de son frère, il la jette aussi dans le ravin, puis, il se tourne vers les Colombiens. Et les mecs lui disent en espagnol ; « On peut dealer maintenant. » C’est ce monde-là, c’est dans « La Griffe Du Chien », je vous ai spoilé ça. Moi, quand j’ai vu la scène du meurtre, quand j’ai lu ça, je me suis dit que nous étions vraiment chez les fous, que c’était un autre monde, voilà.

Propos recueillis par David Cagliesi et Jean-Yves Crettenand, retranscription de Mathilde Coquillat.

3 COMMENTS

  1. D’une grande arrogance et assurance le dafri. En revanche ça reste un bon dans son domaine et personne ne peut renier cela.

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