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« Baracoa » : Pablo Briones en interview

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Le premier long métrage suisse du cinéaste argentin Pablo Briones décrit le quotidien de deux enfants cubains. Un film qui suscite les rires avec une touche de nostalgie positive, qui le rend d’emblée très sympathique. La Berlinale a d’ailleurs été conquise et il sort en Suisse ce mois-ci. Rencontre avec son réalisateur qui nous en dévoile un peu plus sur ce premier long-métrage.


C’est un premier long-métrage documentaire ou fiction ? Ou les deux ?
Oui, c’est un premier long métrage et c’est un film… Disons que dans tout le processus j’ai essayé justement d’ignorer cette frontière entre documentaire et fiction, de ne pas trop me faire de soucis à savoir ce qui était étranger à la vraie histoire ou bien l’inverse, mais plutôt de travailler librement en essayant quand même de toujours rester assez fidèle et même très fidèle à mes personnages, aux lieux dans lesquels ils existent. Mais bien sûr, là-dedans, il y a quand même beaucoup de fiction, même s’il est difficile de voir où elle est.

Du coup, comment vous avez fait pour surfer entre la fiction et le documentaire ?
Alors, il y a eu une écriture de scénario de fiction basée sur leur vraie histoire, en anticipant un petit peu l’histoire des protagonistes. Et ensuite, on a organisé un tournage comme si c’était un tournage de fiction basé sur le scénario, mais en ayant de la marge pour qu’il y ait de l’improvisation à chaque fois qu’on était à un endroit pour tourner une scène. Voilà, ce qui est important, c’est que les enfants, les protagonistes du film, soient habités par l’énergie du moment de la scène et puis de ce que je souhaitais produire chez eux comme personne, pour que ce qui se passe à l’image soit vrai, pour qu’ils vivent vraiment ce qui est en train de se jouer dans le scénario.

Pour revenir aux origines du film. Comment est né le projet ?
Depuis assez jeune j’ai un intérêt pour Cuba, je sens une sorte d’affinités avec. Et donc, j’ai eu l’occasion de me rendre à Cuba une première fois pour présenter un court métrage à l’école de San Antonio de Los Baños, et je voulais absolument revenir pour faire des repérages, pour m’intéresser davantage à la réalité cubaine. Et j’ai eu l’occasion de le faire lors d’un atelier, à l’école de cinéma même, qui était dirigé par Abbas Kiarostami (ndlr : célèbre réalisateur iranien). Et pendant cet atelier-là, j’ai réalisé un court métrage qui s’appelle « Pezcal » et avec les mêmes protagonistes du long-métrage. Donc, je les ai rencontrés pour ce court et l’expérience a été tellement profitable, si on peut le dire comme ça, que j’ai voulu retourner travailler encore avec eux. Six mois plus tard, j’étais de retour avec un scénario en ayant entretenu ma relation avec eux à distance, par téléphone et avec une histoire écrite sur leur vie, pour le temps d’un été, donc, vivre un été avec eux.

Vous filmez des gens heureux dans un pays pauvre. C’était voulu ?
Alors c’est marrant. Je pense que c’est aussi une question de perspective. Parce qu’il y en a qui voient dans le film beaucoup de nostalgie et même un peu de tristesse, alors que c’est vrai, quand même, ce qui est le plus représenté c’est quand même des moments d’enfance qui ne sont pas forcément joyeux, mais des moments pleins où il y a des belles choses qui se passent. Toutefois, le film n’idéalise pas non plus l’enfance. Donc, il y a justement cette intention d’essayer de montrer autre chose, pas un cliché d’enfance, mais une enfance dans laquelle il y a aussi, par exemple, comme c’est le cas dans le film, soudainement beaucoup de solitude et on doit faire face à ça. Et voilà donc, ces enfants-là se retrouvent justement dans ce moment de la vie où elle commence gentiment à nous mettre à l’épreuve.

Comment avez-vous réussi à rendre les dialogues des enfants si naturels ?
Alors, il y a peut-être deux choses qui tiennent à ce sentiment de proximité avec les protagonistes. Et donc, d’un côté, il y a mon travail de direction d’acteur avec eux et puis d’écriture de scénario en écrivant un scénario et des dialogues qui leur étaient très proches. Et d’un autre côté, il y a aussi un travail de la caméra remarquable de Jace Freeman de Moving Picture Boys et aussi de la prise de son de Sean Clark. Eux, ils sont dans une tradition de documentaire, d’observation et de proximité avec les personnages donc ils ont une façon de travailler, cette capacité à être très proches des personnages sans les déranger et ça, c’était un gros avantage. Et moi, je prépare le terrain et je les dirigeais pendant. Mais disons que pour avoir ce côté naturel, c’est qu’ils ne sont pas en train de faire semblant. Ils font vraiment ce qu’ils vivent et ils vivent vraiment ce qu’ils parlent.

Avez-vous des nouvelles des enfants ?
Alors, le plus grand, au risque de spoiler le film, habite maintenant à La Havane. C’est en lien avec la trame du film. Il habite à La Havane et il a un compte Instagram, plusieurs comptes Facebook, des choses comme ça, où il se met beaucoup en valeur. Et il essaie de garder cet élan du cinéma… il aimerait bien. Et Leonel est dans une réalité un peu différente parce que lui, il habite toujours au Pueblo Textil et c’est aussi en lien avec la trame du film et ils sont très grands maintenant. De Leonel, je n’ai plus vraiment d’images parce qu’il habite dans une réalité très différente à celle d’Antuán.

Comment voyez-vous l’avenir d’Antuán ?
Il se profile plus dans une vie cubaine avec un rôle qui servirait au pays. Il est plus pris par cette envie de prendre soin de son pays. Et puis, il songeait à la possibilité de devenir marin parce qu’il aimait bien l’idée d’aller un peu partout dans le monde pour amener les bonnes choses à Cuba.

Avec le succès du film à la Berlinale, c’était plus facile de trouver un distributeur ?
Il y a eu beaucoup d’intérêt de la presse internationale pour le film une fois qu’on l’a présenté à la Berlinale. Par contre, la distribution, c’est un terrain qui est beaucoup plus difficile parce qu’il y a quand même beaucoup de beaux films chaque année et les distributeurs font leurs choix et leurs choix ne sont pas forcément ceux du cœur. Par exemple, on avait plusieurs grands distributeurs – des distributeurs importants – qui étaient intéressés parce qu’ils aimaient beaucoup le film. Mais c’était en contradiction avec d’autres choix qu’ils devaient faire, qui étaient peut-être plus stratégiques par rapport à… des fois, ça se joue sur ce qui se passe sur la scène politique à l’international. S’ils ont déjà un film avec des enfants qui sont en train de devenir adolescents, mais qui se passe dans une région où il y a un conflit plus important sur le plan de la politique internationale, là, tout à coup, ils privilégient celui-là. Et donc, il y a ça. Et il y a aussi une question de stratégie, de savoir quand proposer le film au distributeur au bon moment et qui est aussi un jeu très difficile à faire et qui ne m’appartient plus. Pour le coup, toutefois, on a eu quand même un bon distributeur, Sweet Spot Docs, dont on est très content.

Baracoa
CH, USA, ESP – 2019 – 90min
Documentaire / Fiction
De Pablo Briones
Avec Leonel Aguilera, Antuan Aleman
C-Side Prod
09.09.2020 au cinéma
www.baracoa.film

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