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L’indépendance avant tout!

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Retourne-toi de Marc Décosterd

Retourne-toi de Marc Décosterd

Rencontre avec Marc Décosterd, réalisateur de « Retourne-toi ». Après « Erwan et + si affinités », Marc Décosterd se lance dans le thriller tendu avec un film lorgnant du côté du film noir et du polar sec, brut de décoffrage ! Il y a quelque chose de très attachant dans le cinéma de Marc Décosterd, il nous explique sans retenue pourquoi il aime le cinéma et comment il le pratique d’une manière indépendante !

– Pouvez-vous en quelques phrases nous présenter votre parcours ?
– Depuis que je suis petit, je raconte des histoires. Quand j’avais 8-9 ans, je faisais des « pièces radiophoniques » sur K7 avec mes copains ; on inventait les histoires, on faisait les bruitages. Je faisais aussi beaucoup de BD. Puis j’ai fait des films d’animation avec mon père. C’est lui qui le premier m’a fait comprendre l’intérêt d’avoir un scénario. Et un jour, un caméscope est arrivé à la maison et je n’ai plus arrêté de tourner depuis. La caméra était une évidence. Après un bref passage à la section professionnelle d’art dramatique de Lausanne, vers 20 ans, j’ai intégré l’ECAL en arts visuels, d’où je suis sorti diplômé en 2002. Ont suivi trois longs métrages jusqu’ici.

– Vous produisez et réalisez vos films de manière indépendante, est-il difficile aujourd’hui de le faire ici, en Suisse ?
– Jusqu’ici c’était un moyen assez sûr de pouvoir tourner les films que je veux. Après, le système a ses limites et le manque d’argent demande du sacrifice et une énergie folle de la part de toute l’équipe d’un film. Et comme nous ne rajeunissons pas… Aujourd’hui j’ai envie d’avoir les moyens pour des films plus ambitieux techniquement. Cela dit, le crédo de Wake Up ! Films, ma boîte de production, sera toujours « less is more ». Cela me paraît saint et porteur.

– Pouvez-vous nous parler de votre nouveau film « Retourne-toi » : comment l’idée vous est-elle venue ?
– En fait « Retourne-toi » n’est pas vraiment un nouveau film. Simplement, il sort en DVD dans le désordre. Il a été tourné en 2009, entre « Erwan et compagnie » et « Erwan et + si affinités ». Il était d’ailleurs sélectionné au LUFF 2009. Toutefois le montage, l’étalonnage et le mixage ont été remaniés pour cette édition DVD de 2015. Il s’agit de la plus belle version possible du film. Avec ce film j’ai eu envie d’aborder des sujets plus graves qui me parlaient. J’avais envie d’aller gratter dans mes zones sombres, dans ma mélancolie et d’aborder ces histoires d’amour tragiques qui ne laissent pas indemne. Après, d’autres thématiques se sont greffées là-dessus.

– « Retourne-toi » s’éloigne de vos deux précédents films qui étaient très légers, fun et ouvertement potaches. Pouvez-vous nous expliquer vos envies de cinéaste avec ce nouveau film ?
– Ce film était pour moi l’occasion d’aborder un genre de cinéma que j’affectionne particulièrement. Une histoire avec une portée allégorique. Des environnements qui ramènent à des histoires millénaires : la forêt, les ténèbres, ce chalet perdu dans les bois. Un univers qui fait appel au conte et au cinéma de genre. Le tout au service d’une histoire tragique, touchante, haletante. Et parfois drôle aussi.

– Vous tournez beaucoup en décors naturels, comment se passe l’agencement des séquences, l’organisation des prises de vues, etc. Pouvez-vous nous expliquer comment se passe vos tournages, que l’on imagine riches en rebondissements ?
– Que ce soit sur les « Erwan » ou sur « Retourne-toi », ça a toujours été compliqué mais gérable. De façon générale, nous démarrons toujours le travail par des lectures, afin de gagner du temps au tournage. Une fois que nous commençons le tournage, nous tournons durant 30 jours non-stop à raison de 12-18 heures par jour. Les fusillades ou les poursuites en voitures d’Erwan ont demandé beaucoup d’organisation en amont, avec la police notamment. Sur « Retourne-toi » où nous étions isolés en nature, le problème était différent. La météo était notre ennemie, parce que nous n’avions comme QG que le chalet du film. Sans chauffage, sans électricité et sans eau potable. Un poêle et c’est tout. Du coup, en montagne, au mois d’octobre, c’était parfois difficile et certaines tensions se sont faites sentir par moment. Malgré tout, cela reste un souvenir magnifique. Et le film n’aurait sans doute pas été le même sans ces désagréments. On en a d’ailleurs un aperçu dans les bonus du DVD.

– Comment se passe la production d’un film comme « Retourne-toi », est-il difficile de recevoir des aides de la part des autorités cantonales et fédérales ?
– Plus que difficile puisque nous n’avons eu aucun soutien à ce niveau-là. En dehors de la Loterie Romande et de La ville de Nyon, nous avons surtout réuni des fonds privés qui représentaient la majeure partie du budget.

Marc Décosterd

– Comment travaillez-vous avec vos acteurs, qui, pour la plupart, vous accompagnent depuis le début ?
– C’est une chance de travailler avec des comédiens fidèles et des amis. Avant tout parce que ce sont d’excellents comédiens et ensuite parce qu’ils connaissent mon univers et qu’ils font des propositions en conséquence. Il y a une confiance réciproque qui facilite le travaille de lecture en amont et permet aussi un tournage plus efficace. Un luxe qui rend l’aventure plus joyeuse.

– Quelles sont vos influences majeures, vos modèles, vos cinéastes favoris ?
– J’aime beaucoup Bertrand Blier et Quentin Tarantino pour leur travail sur les dialogues. J’aime aussi les personnages outranciers de Tarantino. J’admire beaucoup l’économie et la profondeur des films de Clint Eastwood, j’ai beaucoup appris en regardant ses films. Sinon je ne me lasse pas des films de Wim Wenders et Martin Scorsese, surtout ceux des années 80. De façon générale je m’intéresse aussi beaucoup au cinéma indépendant américain, avec des cinéastes comme Mike Cahill (« Another Earth », « I Origins ») ou Jeff Nichols (« Shotgun Stories », « Take Shelter », « Mud »). Après j’imagine qu’ils m’influencent tous d’une manière ou d’une autre.

– Vos films ont souvent des dialogues très référentiels sur le cinéma, quels sont les films qui ont marqué votre vie, vos films de chevets ?
– Il y a « Dirty Harry » de Don Siegel : c’est brut, presque fauché mais ça fonctionne encore 40 ans après. Et surtout j’aime les personnages iconiques. Sinon, je revois régulièrement « Les Ailes du Désir » de Wim Wenders qui me bouleverse à chaque fois, il n’y a rien à jeter, tout est beau et humaniste, tout comme « The Wrestler » de Darren Aronofsky qui représente quasiment un idéal de cinéma pour moi. Tout à l’opposé « Massacre à la tronçonneuse » me fascine toujours et je le revois de temps en temps, parce qu’il y a quelque chose du film d’art et essais là-dedans, et ce rapport au conte horrifique qui m’intéresse profondément.

– Et vos prochains projets ?
– Je travaille actuellement sur un « survival » fantastique qui se déroule entre Nyon et Lucerne. Je ne peux pas en dire plus pour l’instant, sinon qu’il s’agit pour la première fois d’une coproduction entre Wake Up ! Films et Seven Prod à Lausanne. C’est le projet le plus complexe dans lequel je me suis lancé à ce jour. Nous envisageons un tournage début 2016. Après, plusieurs autres projets sont dans les tiroirs… Erwan pourrait bien revenir faire un tour de piste. J’ai envie de retrouver cette équipe de bras cassés qui n’ont pas encore dit leur dernier mot !

www.wakeupfilms.ch

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