« Pas si méchant que ça »; un film pas si mal

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Loup-Gabriel Alloati
Loup-Gabriel Alloatihttps://www.senscritique.com/L-G-Alloati
Jeune passionné (entre autres) de cinéma, je vois en cet art une opportunité fascinante de réunir un grand nombre de domaines dans l’enceinte d’une même œuvre. Lorsque conscientisées et exploitées avec caractère et ambition par les artistes et techniciens qui le composent, la diversité et l’ampleur phénoménales du potentiel créatif du cinéma ne cessent de me fasciner.

Parfois, on cherche simplement des films sympathiques. Sans grandes réflexions, mais sans être des idioties. Sans spectaculaire complexité, mais non sans charme. Et c’est cette approche légère et détendue qui caractérise « Pas si méchant que ça ».


Ce film franco-suisse, inclus dans la sélection de filmo.ch[1], sorti en 1975 et réalisé par Claude Goretta, raconte l’histoire de Pierre Vaucher, interprété par Gérard Depardieu fils d’un entrepreneur contraint de reprendre la tête de l’entreprise de son père, la santé de ce dernier ne lui permettant plus de supporter la fonction. Pour faire face aux problèmes financiers que rencontre l’entreprise, il se lancera dans le braquage de banques et bureaux de poste, et croisera dans le cadre de cette activité le chemin de Nelly (jouée par Marlène Jobert), dont il s’éprendra, et ce, malgré son mariage avec Marthe (Dominique Labourier). Le tout sous les paysages verts des campagnes suisses, les arbres en fleurs et les ambiances décontenancées des bistrots du village. On risque de vite être déçu si l’on se repose sur le scénario et sa relative simplicité, qui à mon sens est totalement secondaire à l’appréciation de l’œuvre.

Une question fondamentale se pose, et ceci à la lecture même du titre ; qui est-ce qui n’est pas si méchant que ça ?!

Mais pardi ! C’est Gérard ! Depardieu ! Gérard Depardieu !!!

Bien loin de l’approche délinquante et décadente qui faisait son succès la même année dans Les Valseuses, de Bertrand Blier, ce monument du cinéma français, protagoniste du métrage, apparaît ici comme un personnage extrêmement sympathique et attachant. Maladroit, ses expressions innocentes nous le font voir comme un gros nounours, sans méchanceté aucune. Pour se donner du courage, avant les braquages, cet ange blond boit sa liqueur de pomme (même deux) et HOP, c’est parti, quand faut y aller, faut y aller ! Il en devient d’autant plus touchant lorsqu’on le voit trébucher sur les difficultés auxquelles il fait face dans le cadre du braquage en tant qu’amateur, ne sachant pas vraiment comment s’y prendre (un peu comme Jack dans The House That Jack Built, bien que le cas soit moins extrême évidemment, et bien moins cynique). Ne souhaitant faire de mal à personne, il emploie l’unique balle de son pistolet pour tirer dans les lampes, souhaitant simplement faire peur.  C’est ici par contrainte qu’il se prête aux activités , et non pas par décadence morale comme chez Bertrand Blier. C’est donc ce qu’on pourrait appeler un « gentil braqueur », ou « criminel malgré lui ».

Évidemment, l’acteur oblige, il ne sera pas épargné d’un esprit légèrement canaille et provocateur. Il préfèrera défier ses collègues de travail au bras de fer ou autres jeux similaires plutôt que travailler. Père aimant, il se comportera avec son jeune fils comme un grand enfant, joueur et bagarreur, ce qui ne sera pas pour le rendre moins attachant, en plus du fait que le Guillaume qui joue son fils s’avère être le véritable fils de l’acteur.

Marlène Jobert lui donne la réplique, dans son dynamisme radieux et jovial. Son personnage oscille entre un attachement pour Pierre et pour son fiancé, Julien, une hésitation que traduit un travail des contrastes et des expressions sur le visage et surtout le ton de l’actrice (dont le talent n’est plus à prouver) tout à fait charmant.

Les acteurs portent ainsi le film, dans des jeux d’interaction constants, se donnant la réplique, entrant constamment en conflit ou en union, ce qui laisse paraître leur capacité expressive légèrement théâtrale et apporte un aspect dynamique, surtout dans l’usage des surjeux souvent corporels dans l’exploitation des cadrages, mécanique assez inhabituelle au cinéma et ici relativement charismatique.

Le réalisateur exploite la beauté des corps de ses deux protagonistes, faisant à une ou deux reprises recours à la nudité, et se témoignant le reste du temps d’un intérêt marqué pour le visage de l’acteur et de l’actrice.  

On l’avait dit dans l’introduction, le film ne doit pas être d’une intelligence virtuose, mais ne doit pas non plus en devenir stupide. Et le scénario aborde de façon assez frontale un problème politique d’une importance non-négligeable ; le gaspillage et la gestion des stocks.

En effet, le protagoniste, dont l’entreprise est incapable d’écouler les produits, se voit contraint de s’en débarrasser en les brûlant. Il s’agit pour lui d’un gaspillage absurde, qu’il doit faire par contrainte, devant se plier aux lois d’un marché capricieux et déraisonnable. Dévorée par un système, la criminalité apparaît comme la seule alternative à la survie de l’entreprise dont il est à la tête.

Traitant donc des difficultés des petites entreprises, cette approche sociale et politique apporte une touche assez anodine à ce film, élevant le niveau scénaristique de ce qui serait sans cela une simple comédie de campagne.

Ainsi, Pas si méchant que ça est un film charismatique, sans grande prétention, un film de chez nous, du terroir campagnard, divertissant, même amusant, enfin bref ; pas si mal. Et puis… Gérard Depardieu (!)

Pas si méchant que ça
Suisse/France – 1975 – 112 min
Réalisé par Claude Goretta
Avec Gérard Depardieu, Marlène Jobert, Dominique Labourier, Philippe Léotard, Guillaume Depardieu
Société de production : Artco-Film, Citel Films, Action Films, MJ Productions


[1] Filmo.ch

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