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Vercingétorix

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An 2000, juste après les célébrations bien arrosées du nouveau millénaire. Tout est aligné pour produire une grande fresque épique sur Vercingétorix, on y croit, on s’emballe. Vercingétorix, un personnage archi-connu des Français mais à qui on n’a consacré aucun film jusque-là (ou plus précisément un seul, en 1909), c’est un sujet en or. Ça va être le « Braveheart » français, un grand film historique avec beaucoup de soin apporté à la reconstitution. La civilisation gauloise va enfin sortir de l’ombre de Rome et retrouver sa gloire ! Sauf que…


Tout le monde était bourré…
Christophe Lambert accepte le rôle-titre. Il en a marre de jouer des mecs avec des épées mais il y va quand même. Ça va être un film important, qu’on montrera dans les écoles, dont les profs se serviront pour parler des Gaulois aux gamins. C’est l’occasion enfin de sortir des daubes pour ados style « Fortress » et « Beowulf » qu’il enchaînait à l’époque, et de rejouer dans une production un peu prestigieuse.

Tout le monde était bourré…
Le réalisateur, Jacques Dorfmann, part tourner en Bulgarie. Fan de rugby, il engage Vincent Moscato, Jean-Pierre Rives et Denis Charvet, des joueurs pros, solides sur les appuis. La descente solide aussi. C’est Moscato qui raconte : le réalisateur allumé du matin au soir, Lambert qui s’y met aussi, puis le reste du casting et de l’équipe. Le tournage est long, en plein air. On s’emmerde, on a froid et l’alcool n’est pas cher en Bulgarie.

Tout le monde était bourré…
Et pourtant on y croit. Ça va être une grande co-production avec un casting européen. Le premier blockbuster français du nouveau siècle, on va tourner simultanément en français et en anglais et aller vendre le film dans tous les pays ! Pour une princesse belge, prenons Inès Sastre et son accent espagnol ! Et Klaus Maria Brandauer pour jouer un Italien. Et Max von Sydow en druide celte !

Tout le monde était bourré…
La reconstitution est un naufrage. Pour chaque scène montrant le raffinement de la civilisation des Gaulois, la suivante les dépeint en barbares crasseux, au mieux en villageois querelleurs tout droit sortis d’Astérix. Les Romains ne s’en sortent pas mieux : mal peignés, mal rasés, on dirait qu’ils sont en vacances tellement ils n’en ont rien à foutre. Ils sont une trentaine de figurants pour faire 10 légions romaines, mais le réalisateur voit double alors ça passe. Plus personne ne compte les anachronismes, les consultants sont partis au bistrot.

Tout le monde était bourré…
Les costumes sont complètement nuls et visiblement achetés en gros. On a connu des armées modernes avec plus de variété dans leurs uniformes que ces Gaulois aux tribus innombrables. Et encore, les Gaulois avec leurs perruques mitées et leurs moustaches qui se décollent ne s’en tirent pas si mal par rapport aux Germains, qui ont les mêmes mais teintes en roux style mamie. Les Romains fument des clopes et gardent leurs montres pendant les prises. Faudrait pas rater l’heure de l’apéro.

Tout le monde était bourré…
Comme les acteurs, les dialogues sont pétés comme des coings. Vercingétorix entame ses discours par “Gauloises, Gaulois !”. Lambert proteste : c’est ridicule. Dorfmann lui rétorque “Où tu crois que de Gaulle a été chercher “Françaises, Français ?”. Tant pis, il aura essayé, il se ressert un shot. De toutes façons il a lâché l’affaire quand il a dû donner la réplique à “Si tu sais ce que tu veux, ton adversaire le voudra aussi.” Ou alors c’était quand on lui a sorti “Le savoir des rêves appartient seulement à celui qui rêve », il ne se rappelle plus. C’est pas grave. Éclair de lucidité ou emblème du renoncement total, à un moment Max von Sydow lui lance “Le bien n’engendre pas la force, le mal non plus, mais le mal appartient à ce monde des conflits humains où on est tous prisonniers, c’est là le véritable piège” et Lambert répond “Tes propos incompréhensibles ne m’aident pas”. Christophe Lambert qui d’ailleurs fait la même tronche pendant tout le film quoi qu’il arrive. Son non-jeu assure la nanardise même quand il ne se passe pas grand-chose.

Tout le monde était bourré…
Les scènes de bataille sont incompréhensibles. Gergovie est gagnée par les Gaulois en balançant des poulets sur les Romains pendant que les femmes montrent leurs seins. Alésia au moins c’est simple : il ne s’y passe rien. On comprend vaguement que ça se conclut quand ni Gaulois ni Romains n’ont plus rien à manger. Tant qu’il reste à boire…

Tout le monde était bourré…
Pendant le tournage, la critique est optimiste. Le grand projet prend forme, les articles de presse sont élogieux. En retournant à ses origines la France va revenir en force sur la scène culturelle internationale. En post-prod pourtant c’est la gueule de bois. Quasiment toutes les scènes de bataille sont bonnes à jeter, et vu ce qu’il reste dans le montage final on tremble en imaginant à quoi doivent ressembler les rush. Le film s’ouvre sur une vue du système solaire en images de synthèse et personne ne sait pourquoi. En anglais, le film s’appelle “Druids”, on ne sait pas trop pourquoi non plus mais sans doute en espérant draguer les rôlistes. Ailleurs qu’en France le film sort directement en vidéo, cette fois personne ne se demande pourquoi.

Tout le monde était bourré…
Les salles étaient vides. Et depuis 20 ans les nanardeurs rigolent car le film est finalement très agréable à regarder… à condition que tout le monde soit bourré !

Vercingétorix
De Jacques Dorfmann
Avec Christophe Lambert, Max Von Sydow, Klaus Maria Brandauer, Ines Sastre, Denis Charvet, Vincent Moscato

[Julien Gautier]

Retrouvez l’intégralité de cette critique – et des centaines d’autres – sur nanarland.com, le site des mauvais films sympathiques.

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