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La Ville méditerranéenne au cinéma

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C’est un sujet vaste, qui s’étend sur plusieurs époques, évoquant des réalités très différentes selon que l’on se trouve en Europe, en Afrique ou en Asie. Cet ouvrage collectif, organisé en une série d’articles, en français pour la plupart, avec quelques textes en anglais, dédiés à des films ou des réalisateurs associés à une géographie méditerranéenne concrète, tente d’analyser la façon dont le cinéma représente l’espace méditerranéen et les cultures qui y sont enracinées. Un espace clos, relativement petit, où les décors ne sont pas les grandes métropoles prisées des metteurs en scène ; mais un espace à l’histoire millénaire, tourné vers la mer et vers les interactions entre les cultures. Cette réalité géographique est bien plus qu’une suite de lieux communs et de cartes postales. Marseille, par exemple, est décrite comme un « espace de visibilité historique », où le cinéma des années 30 a crée, à partir des personnages de Marcel Pagnol (Marius, Fanny, César…) des archétypes qui vont durablement incarner la ville. Également entre authenticité et cliché, c’est un autre genre de film qui va définir par la suite la vie marseillaise aux yeux du public : le film de gangsters, le film noir, font que Marseille est désormais associée à des récits incluant le banditisme, le meurtre ou la drogue. La topographie de la cité, faite de ruelles étroites à l’allure de labyrinthe, et de vues maritimes, se prête à des mises en scène très diverses. Aussi, à Marseille, comme dans d’autres villes méditerranéennes, la présence de communautés étrangères, a laissé une réelle empreinte dans le cinéma, ce qui est le cas pour les villes portuaires en général. D’autres lieux sont évoqués dans les articles : Alger, Venise, Benidorm, Beyrouth, Sarajevo, Athènes… Les films cités appartiennent par ailleurs à toutes les époques du cinéma.

Venise est un ville polysémique, qui a joué un rôle essentiel dans la culture européenne. Lorsque les cinéastes s’en emparent, ils évoluent sur des nombreuses strates picturales ou littéraires. Les perspectives vénitiennes, avant de faire partie de l’univers cinématographique italien, ont été celles des tableaux de Canaletto, Tiepolo ou Guardi, entre autres. Si les réalisateurs ont souvent utilisé la géographie vénitienne comme simple décor, la ville crépusculaire est devenue en même temps un symbole du raffinement et de la décadence, intégré dans certains schémas narratifs comme dans Mort à Venise (1971) de Visconti, ou dans Le Casanova de Fellini (1976). À l’opposé extrême du contexte vénitien -quoique les deux régions soient également livrées au tourisme de masse- se situent les petites villes de la côte espagnole envahies par les gratte-ciels. Là-bas, pas de vieilles pierres, ni de sophistication culturelle, mais une spéculation immobilière effrénée, et des films qui explorent les thème de l’arrivisme et de la crise de la masculinité, tels Huevos de oro (1993) de Bigas Luna, où il sera question de villes qui fascinent pour leur rapport à la sexualité et à l’argent facilement gagné, même si la séduction qu’elles opèrent se révèle être un dangereux mirage par la suite. La quête de la définition et de la place de l’homme dans la ville se retrouve aussi dans le cinéma consacré aux pays ou régions en guerre. C’est le cas pour Beyrouth et Sarajevo, où les films montrent une architecture en ruines, et certains effets secondaires des guerres, comme l’enfermement, la méfiance, la violence inter-communautaire, le huis-clos d’une situation qui se prolonge indéfiniment, qui sont notamment analysés ici dans les films de Maroun Baghdadi Hors la vie (1991) et No Man’s Land (2001) de Danis Tanović. Des villes fantomatiques ou dévastées par les conflits, mais aussi des villes hostiles et incompréhensibles, comme l’Athènes des années 2000. L’identité citadine est toujours présente, même sans les repères de l’architecture ou d’autres endroits typiques ou connus du spectateur; présente dans les langues parlées, dans les liens qui se tissent entre les personnages, et aussi dans la narration. Parmi les chapitres de cet ouvrage, on peut enfin citer celui consacré à la vision du monde méditerranéen développée par le cinéma hollywoodien, déjà intéressé par la Méditerranée dans les années 1920-1930. Par la suite, le dépaysement et la recherche d’un certain exotisme, des conditions économiques intéressantes pour les studios, et surtout l’existence de décors naturels ou antiques qui rappellent l’arrière-plan mythique de productions comme Suddenly, Last Summer (1959) de Joseph L. Mankiewicz, ou Pandora and the Flying Dutchman (1951), d’Albert Lewin, expliquent l’attirance des cinéastes américains pour la côte catalane. De nombreux autres lieux, films et réalisateurs sont également cités dans cet ouvrage, très dense et bien référencé.

La Ville méditerranéenne au cinéma, sous la direction de Alain Brenas et Toufic El-Khoury, ed. Orizons, coll. Cinématographies, 2015.

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