Page 14 - Daily Movies 109 - Octobre 2020
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Interview
« le film n’idéalise pas non plus l’enfance »
Pablo Briones :
Le premier long métrage suisse du cinéaste argentin Pablo Briones décrit le quotidien de deux enfants cubains.
Un film qui suscite les rires avec une touche de nostalgie positive, qui le rend d’emblée très sympathique.
La Berlinale a d’ailleurs été conquise. Rencontre avec son réalisateur qui nous en dévoile un peu plus sur ce premier
long-métrage.
C’est un premier long-métrage documentaire ou fiction ? l'occasion de le faire lors d'un atelier, à l'école de cinéma
Ou les deux ? même, qui était dirigé par Abbas Kiarostami (ndlr :
Oui, c'est un premier long métrage et c'est un film… célèbre réalisateur iranien). Et pendant cet atelier-là, j'ai
Disons que dans tout le processus j'ai essayé justement réalisé un court métrage qui s'appelle « Pezcal » et avec
d’ignorer cette frontière entre documentaire et fiction, les mêmes protagonistes du long-métrage. Donc, je les ai
de ne pas trop me faire de soucis à savoir ce qui était rencontrés pour ce court et l'expérience a été tellement
étranger à la vraie histoire ou bien l'inverse, mais plutôt profitable, si on peut le dire comme ça, que j'ai voulu
de travailler librement en essayant quand même de retourner travailler encore avec eux. Six mois plus tard,
toujours rester assez fidèle et même très fidèle à mes j'étais de retour avec un scénario en ayant entretenu ma
personnages, aux lieux dans lesquels ils existent. Mais relation avec eux à distance, par téléphone et avec une
bien sûr, là-dedans, il y a quand même beaucoup de histoire écrite sur leur vie, pour le temps d'un été, donc,
fiction, même s’il est difficile de voir où elle est. vivre un été avec eux.
Du coup, comment vous avez fait pour surfer entre la Vous filmez des gens heureux dans un pays pauvre.
fiction et le documentaire ? C’était voulu ?
Alors, il y a eu une écriture de scénario de fiction basée Alors c'est marrant. Je pense que c'est aussi une question
sur leur vraie histoire, en anticipant un petit peu l'histoire de perspective. Parce qu'il y en a qui voient dans le film
des protagonistes. Et ensuite, on a organisé un tournage beaucoup de nostalgie et même un peu de tristesse, alors
comme si c'était un tournage de fiction basé sur le que c'est vrai, quand même, ce qui est le plus représenté
scénario, mais en ayant de la marge pour qu'il y ait de c'est quand même des moments d'enfance qui ne sont pas
l'improvisation à chaque fois qu'on était à un endroit forcément joyeux, mais des moments pleins où il y a des
pour tourner une scène. Voilà, ce qui est important, c'est belles choses qui se passent. Toutefois, le film n’idéalise
que les enfants, les protagonistes du film, soient habités pas non plus l'enfance. Donc, il y a justement cette
par l'énergie du moment de la scène et puis de ce que intention d'essayer de montrer autre chose, pas un cliché
je souhaitais produire chez eux comme personne, pour d'enfance, mais une enfance dans laquelle il y a aussi, par
que ce qui se passe à l'image soit vrai, pour qu'ils vivent exemple, comme c'est le cas dans le film, soudainement
vraiment ce qui est en train de se jouer dans le scénario. beaucoup de solitude et on doit faire face à ça. Et voilà
donc, ces enfants-là se retrouvent justement dans ce
Pour revenir aux origines du film. Comment est né le moment de la vie où elle commence gentiment à nous
projet ? mettre à l'épreuve.
Depuis assez jeune j'ai un intérêt pour Cuba, je sens
une sorte d'affinités avec. Et donc, j'ai eu l'occasion de
me rendre à Cuba une première fois pour présenter un
court métrage à l'école de San Antonio de Los Baños, et
je voulais absolument revenir pour faire des repérages,
pour m'intéresser davantage à la réalité cubaine. Et j'ai eu
14 DAILY MOVIES • #109• OCTOBRE 2020