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Bernard Weber et Martin Schilt en interview

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Die Wiesenberger
Bernard Weber et Martin Schilt
Bernard Weber et Martin Schilt

Les réalisateurs Bernard Weber et Martin Schilt nous expliquent comment ils ont pu rendre intéressant un documentaire sur des yodleurs de la Suisse profonde qui ont rencontré la célébrité.


D’où est venue l’idée de faire un film sur les yodleurs de Wiesenberg?
– Bernard Weber: Au début, nous voulions tourner un film sur un chœur d’hommes et montrer comment dans cette institution, traditionnellement suisse, on rencontre des milieux sociaux très différents. Cet objectif a entraîné des questionnements importants sur la société.

– Martin Schilt : Ce qui est surtout intéressant est la façon dont un groupe de vingt hommes réussit à trouver et à conserver l’harmonie – même si dans la vie quotidienne il n’en va pas toujours ainsi. Nous avons cherché un chœur enraciné dans le terroir. Nous voulions situer ce groupe d’hommes « progressistes » dans un environnement apparemment conservateur. Au cours des recherches, nous sommes vite tombés sur les yodleurs de Wiesenberg.

– Bernard Weber : Au départ, le contraste entre l’origine des yodleurs – la plupart sont des agriculteurs de montagne ou des artisans – et le monde du show-business où ils plongeaient la nuit, nous intéressait. Lors de la première rencontre, nous avons assisté à une de leurs répétitions dans une petite chapelle. Nous observions comment les tonalités essentielles jaillissaient. Ensuite venaient des sons qu’on pourrait davantage associer à des « vibrations émotionnelles » qu’à un chant. Pendant un instant, la scène ressemblait plus à un rituel antique qu’à une répétition chorale. Nous, qui ne sommes pas spécialement des connaisseurs de musique populaire, étions surpris d’être aussi touchés. Ce moment était réellement crucial, car il est devenu évident que la musique jouerait aussi un rôle important dans le film, à côté des étonnants contrastes dans la vie des yodleurs.

– Martin Schilt : Cela arrive souvent dans les documentaires: on ne peut pas lutter contre les ironies du destin. À une époque où les télé-crochets se succèdent, où de plus en plus de gens cherchent leur fameux « quart d’heure de célébrité », le destin récompense ou punit vingt hommes, qui chantent et yodlent chaque mardi depuis plus de vingt ans, avec le plus grand succès possible. Ce fut en effet un point de départ fabuleux.

Die Wiesenberger

Quel est le sens de la musique des hommes de Wiesenberg dans le film?
– Martin Schilt : Ce qui m’a sans cesse fasciné pendant le tournage, c’était le moment où quelque chose de nouveau, de plus grand et de plus beau surgissait de vingt voix individuelles. L’idée de «l’homme» devenant plus fort et épanoui en groupe n’a jamais été mise en cause par les hommes de Wiesenberg, même à l’époque de leurs plus grands succès. Et, probablement, c’est la raison pour laquelle ils continuent de faire de la musique ensemble depuis plus de vingt ans. Leurs fermes sont dispersées dans le Wiesenberg, et la communication entre elles se fait seulement à travers un réseau de remontées mécaniques et de chemins ruraux. La musique, le yodel, maintient les liens dans cette communauté. Aussi, pendant les premiers jours de tournage et d’entretiens au sujet de leur chœur, nous avons constaté que derrière leur chant il y avait quelque chose de plus que le cliché, que la vision idéalisée et patriotique d’une « Suisse de Ballenberg». Quand Silvia, Sepp ou Fredy parlent de leur musique, vous sentez vite que le chant est pour eux beaucoup plus qu’un passe-temps et qu’il tient un rôle essentiel dans leur vie.

– Bernard Weber : En tournant un film, j’aime toujours regarder derrière les masques, et j’aime ainsi déconstruire des préjugés. Pour cela, les hommes de Wiesenberg étaient des personnages parfaits. Car les gens du Nidwald subissent la plupart des préjugés à propos de notre pays. Ils sont décrits comme des rustres barbus qui conduisent tous des Subaru et s’habillent chez Helly Hansen… C’était amusant de voir que cette image correspondait en partie à la réalité ! Par conséquent, nous avons décidé d’organiser la dramaturgie du film autour des préjugés existants. Ainsi, on trouve au début du film tous les stéréotypes : les Subaru rouges dans le paysage montagnard, les paysans barbus portant des vestes Helly Hansen qui se déplacent dans la vallée au moyen de remontées mécaniques archaïques. Dans le film, nous avons démonté peu à peu ces clichés en montrant dans chaque scène un aspect différent des gens du Wiesenberg. On a fait de même avec leur musique. Le public doit découvrir au fur et à mesure que leurs compositions reflètent leurs expériences personnelles et comprendre la signification du chant dans la vie quotidienne locale. Les chansons accompagnent la communauté lors des enterrements, naissances, mariages etc.

– Martin Schilt : Aussi, c’était important pour nous de rendre perceptible la façon dont ils travaillaient le yodel, qui ressemblait aux « jam sessions » des musiciens de jazz. Pour nous, c’était le moment fort dans la déconstruction des clichés sur les Nidwaldiens. Le moment où, à Shanghai, ils commencent à chanter dans un parc, avec des gens de là-bas, ils ne pouvaient se comprendre que dans le langage de la musique. Les Nidwaldiens décrits comme des « rustres » devenaient soudain amicaux, curieux et ouverts au monde!

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Comment les membres du Jodlerklub Wiesenberg ont-ils réagi en regardant le film achevé?
– Après la première projection, il y a eu un long moment de silence. Nous craignions que chacun regrette sa propre séquence, coupée au montage et absente du film. Mais le président Thomas a alors pris la parole et dit : « C’est bel et bien nous », ce que les autres yodleurs ont également confirmé. C’était vraiment le plus beau compliment qu’on pouvait espérer. Nous avons été heureux de les voir reconnaître ce que nous avions essayé de faire dans le film, de restituer leur histoire, avec ses hauts et ses bas, que nous avions partagé pendant plus de deux ans.

Die Wiesenberger
De Bernard Weber et Martin Schilt
Avec le Jodlerklub Wiesenberg
Xenix Films
Sortie le 22/08

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