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« Le Cousin Jules » : une odyssée de l’intime

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Le Cousin Jules

Le Cousin Jules

« Il a toujours eu raison trop tôt, nous l’avons compris trop tard ». Cette phrase au sujet du réalisateur ouvre la version restaurée du « Cousin Jules » et synthétise parfaitement le parcours du film. Petit retour sur une pépite retrouvée.


Avril 1968. Dominique Benicheti part en Bourgogne pour filmer la vie de Jules Guiteaux, vieux forgeron octogénaire, et de sa femme Félicie. Le couple accepte de se montrer dans son quotidien pour la caméra de l’artiste.

Mars 1973. Le film est bouclé et commence à faire la tournée des festivals, récoltant partout un accueil unanimement enthousiaste, et même élogieux (Prix du Jury à Locarno 1973). Malheureusement, le format particulier du film (Techniscope et son stéréo) ne peut être projeté que dans très peu de salles de l’époque et Benicheti ne trouve pas de distributeurs pour son œuvre. Le film est alors oublié et archivé.

2007. Benicheti récupère les négatifs filmés 35 ans plus tôt et décide de les restaurer et de les numériser lui-même (Il en explique d’ailleurs le procédé dans les bonus du DVD publié par Carlotta Films). Malheureusement, il meurt subitement, en 2011, avant la fin de la numérisation, mais le laboratoire Arane-Gulliver reprend le projet. « Le Cousin Jules » peut enfin être diffusé en version restaurée dès 2013, soit près de 40 ans après sa création. Mais, au final, quid de l’œuvre en elle-même ?

Le Cousin Jules

« Le Cousin Jules » s’ouvre sur l’atelier du forgeron, puis se fixe sur ses mains allumant le feu qui lui servira à forger. Dès lors, on suit les gestes simples de la vie de Jules et sa femme, petit couple de campagnards bourguignons. Lui. Elle. Lui, martèle ses pièces de métal chauffées à blanc, elle, épluche les patates. Lui, manipule ses outils, Elle va chercher l’eau au puit pour préparer le café. Puis vient le temps de la rupture. Un fossoyeur creuse, sans bruit et sans pathos, une tombe, celle de la femme de Jules décédée avant la fin du tournage. Désormais, Jules doit s’occuper seul de sa vie. C’est lui qui épluche les carottes, c’est lui qui passe le balai, c’est lui qui recoud le bouton de sa veste. Et son atelier est toujours jonché d’outils de forgeron, mais le feu est éteint.

Difficile donc de définir si le film est une fiction ou un documentaire. On y retrouve la mise en scène parfaitement orchestrée et l’esthétique d’un film de fiction et le réel du documentaire. « Le Cousin Jules » n’est certainement ni l’un ni l’autre, c’est les deux à la fois. Qu’importe, de toute manière, puisqu’il s’agit dans tous les cas d’une œuvre magistrale.

Le Cousin Jules

En premier lieu, chaque image est sublime de simplicité et nous apprend à contempler même les détails les plus anodins avec des yeux émerveillés. Le travail manuel et quotidien trouve une nouvelle dimension dans cette œuvre, qui y apporte une certaine poésie de la banalité. Tout devient possiblement beau à travers la caméra de Benicheti.

« Le Cousin Jules » est également un long-métrage qui, bien que ponctué par la mort de Félicie, déborde de vitalité. Même si Benicheti se veut volontiers contemplatif de la beauté campagnarde, balancée en silence de saison en saison, le film parait être en mouvement perpétuel. Jules et sa femme vont continuellement de tâche en tâche, sans jamais s’arrêter. Et Benicheti filme, avec une tendresse infinie, ce qui semble être le combat quotidien de ces héros de l’intime.

Le Cousin Jules

L’autre aspect du film à ne pas négliger est évidemment son contenu sonore. « Le Cousin Jules » ne contient aucune musique et presque pas de dialogues. Seulement voilà, les sonorités rustiques jouent un rôle considérable dans la création de l’ambiance de calme qui enveloppe toute l’œuvre. Le film est simplement bercé par les bruits de marteaux, les cris de coq et les murmures de la campagne. Tout est réuni pour que l’intimisme du récit se mue en véritable poème sensoriel, offrant au spectateur quelques larmes et quelques sourires attendris.

Aussi simple que le film puisse paraître, il s’agit d’une œuvre complexe et bouleversante, qui redonne tout bonnement foi en la simplicité. Rien n’est sûr au sujet de la nature du « Cousin Jules » (fiction ou documentaire ?) mais, en revanche, ce qui est certain, c’est qu’il fait partie de ces chefs-d’œuvre que l’Histoire a oublié d’emmener avec elle.

Le Cousin Jules
De Dominique Benicheti
Avec Jules et Félicie Guiteaux
Carlotta Films

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