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« Je ne regrette rien de ma jeunesse » d’Akira Kurosawa

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En 1946, à peine quelques mois après la capitulation du Japon, Akira Kurosawa, encore à l’aube de son immense carrière, s’adresse directement à la génération d’après-guerre avec un film directement ancré dans l’actualité socio-politique de son époque.

« Je ne regrette rien de ma jeunesse » débute en 1933 par l’incident de l’université de Kyoto, évènement historique réel qui vit le gouvernement réactionnaire interdire un professeur d’enseignement pour ses idées politiques, déclenchant des protestations au sein des corps étudiant et enseignant. Dans ce contexte tendu, Yukie, la fille du professeur en question, se lie d’amitié avec deux étudiants protestataires, Noge, profondément pacifiste, et Itokawa, activiste plus modéré. Durant toute l’œuvre, dont la chronologie s’étale de cet évènement jusqu’à la fin de la guerre, soit plus de 10 ans, les parcours des trois jeunes ne cesseront de se croiser puis de se séparer, évoluant comme une forme de triangle amoureux et idéologique.

S’il est important en tant que témoin d’une période de troubles, il n’en demeure pas moins que le film n’utilise l’Histoire que comme une toile de fond où évoluent des individus complexes. Kurosawa ne cherche pas la représentation, mais l’exploration cinématographique de son époque, aussi bien sur le plan social qu’esthétique. Même si l’on peut craindre pour un temps avoir à faire à un banal film historique, il est clair que « Je ne regrette rien de ma jeunesse » est film de Kurosawa, aussi irrégulier et éloigné du génie pur qu’il atteindra dès « L’Ange Ivre » soit-il. Ce n’est pas dans sa véracité ni dans son militantisme que le film se distingue, mais bien lorsque le cinéaste se sert du contexte comme d’un socle à ses propres expérimentations.

D’abord, Kurosawa est sincèrement attaché à ses personnages et ce sont eux, même s’ils n’ont que peu d’importance historique, qui guident le récit et non les évènements politiques. Par exemple, l’engagement du Japon dans la guerre n’est signifié que par un court plan sur un calendrier affichant la date du 8 décembre 1941 alors que le visage de Yukie, même dans ses actes les plus insignifiants, est omniprésent à l’image. Les gens, d’un camp politique ou d’un autre, sont le cœur du film et le cinéaste les filme avec empathie et nuance, sans jamais s’imposer en moralisateur.

L’autre talent du cinéaste qui émerge ici est son sens de la synthèse par l’image. Kurosawa n’est jamais aussi éloquent que quand il privilégie le visuel au dialogue. Son film s’ouvre par la course insouciante à travers une forêt de Yukie et plusieurs autres étudiants et Kurosawa se servira de cette scène anodine pour la faire entrer en résonnance avec d’autres scènes et représenter l’évolution du contexte socio-politique. À cette course légère se substitue donc celle des étudiants protestataires puis celle, sévère, des jeunes en uniformes prêts pour la guerre, pour ne citer qu’un exemple de sa force d’écriture et de mise en scène.

Enfin, le maître japonais s’adonne, dans la deuxième partie du film, à un remarquable travail esthétique, annonciateur de son style noir, sans concession et proche de l’action. Sans jamais sacrifier la pertinence pour la poésie, il parvient à trouver un équilibre parfaitement maîtrisé entre violence symbolique et lyrisme.

Il est évident que « Je ne regrette rien de ma jeunesse » n’est pas un des grands films de son auteur, mais il ne peut que charmer les véritables amoureux de Kurosawa qui y verront les prémices d’un des plus grands réalisateurs de tous les temps.

  • D’Akira Kurosawa
  • Avec Setsuko Hara, Susumu Fujita,
  • Carlotta Films

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