3.5 C
Munich
samedi, avril 20, 2024
- Publicité -

« Alice et le maire », un regard satirique sur l’institution politique

Vincent Rohrer
Vincent Rohrer
« Je suis un passionné de cinéma depuis ma plus tendre enfance, et j’ai grandi avec les films de ma génération à savoir les années 80-90. Les films de Steven Spielberg et Joe Dante font parti de ces longs-métrages dit cultes et qui pour la grande majorité sont entrés au Panthéon de la pop culture. Ma passion pour le 7ème art est née grâce à ma maman et mon oncle qui m’ont fait découvrir des pépites sur grand écran. À côté de ça, j’apprécie énormément la nature et son « silence » cela me permet de me ressourcer. Dans un autre registre, j’adore photographier les couchers de soleil où que je sois. J’affectionne énormément les bords du lac et les couleurs célestes de fin de journée. »

« J’aurais aimé les hommes en dépit d’eux-mêmes ». Cette citation de Jean-Jacques Rousseau, extraite de Rêveries du promeneur solitaire, reflète assez bien la démarche du réalisateur français Nicolas Pariser. Décryptant les systèmes à travers des péripéties individuelles sans jamais porter de jugement sur les faiblesses humaines et réussissant ainsi à faire émerger un vaste champ de réflexion sur la place des idées et des idéaux dans le champ d’action complexe de la politique.


« Ton poste, c’est de travailler aux idées, prendre du recul par rapport à l’action municipale quotidienne, faire de la prospective ». C’est de cette manière qu’Alice (la pétillante et attachante Anaïs Demoustier), une jeune philosophe qui a notamment enseigné à Oxford, se retrouve propulsée à la mairie de Lyon, dans un monde dans elle ignore totalement les us et coutumes et qu’elle va découvrir à vitesse accélérée. Appelée à la rescousse, car le maire (le toujours excellent Fabrice Luchini qui livre ici une prestation dans la retenue), un politique chevronné, a pris conscience d’un épuisement total de sa pensée (« j’ai l’impression d’être à court de carburant, une voiture de course au moteur puissant qui n’est pas loin de la panne sèche« ), Alice va vivre une ascension fulgurante dans la hiérarchie au gré de ses discussions en face-à-face avec le dirigeant municipal qui prend goût à ces échanges.

Des confrontations d’idées qui éclairent avec simplicité et justesse ce que peut faire aujourd’hui la politique, ce qu’elle ne peut pas faire et ce qu’elle ne peut plus faire, tout en brossant un tableau sans fard du travail dans la mairie d’une grande métropole, des équipes de communication aux conseils municipaux, des commémorations et inaugurations aux événements culturels, des réunions de brainstorming à la rédaction des discours, des grands projets nourris de concepts marketing creux abondés par des experts en tous genres aux manœuvres en coulisses liées aux partis et aux ambitions nationales. Le tout dans une passion de tous les instants qui vampirise la vie privée, attise les jalousies professionnelles, mais qui a des conséquences bien réelles sur l’existence de tous les citoyens dans un environnement contemporain où la gestion de la pénurie est déjà en œuvre…

Tissant une exploration très fine et captivante d’un sujet d’intérêt public très difficile sur le papier à transposer au cinéma, d’autant plus qu’il se refuse à truquer l’intrigue avec des coups de théâtre narratifs, Nicolas Pariser réussit à donner corps, sans aucun manichéisme, aux différentes facettes d’un état de crise démocratique. Centré sur la parole, le film se déploie harmonieusement, non sans humour, grâce à la profondeur de dialogues dont s’emparent avec un grand talent ses deux interprètes principaux. Et si la dernière ligne droite pourra sembler à certains manquer un peu de mordant, dans la lignée d’un parti-pris de réalisme assumé jusqu’au bout, l’ensemble n’en constitue pas moins un bel exemple de l’espace d’une pensée utile à tous que le cinéma peut injecter sous couvert d’une comédie intelligente délicatement maîtrisée.

Alice et le maire
FR, BEL – 2019 – 103min
Comedie
Réalisateur: Nicolas Pariser
Acteur: Fabrice Luchini, Anaïs Demoustier, Nora Hamzawi, Léonie Simaga, Antoine Reinartz, Maud Wyler, Alexandre Steiger, Pascal Rénéric, Thomas Rortais, Thomas Chabrol
Agora Films
02.10.2019 au cinéma
A voir en ligne sur cinefile.ch

- Publicité -
- Publicité -