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mardi, mars 19, 2024
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Interview : Alejandro Amenábar nous parle de « REGRESSION »

"Regression" - Alejandro Amenábar

Venu présenter « Regression » au Zurich Film Festival, Alejandro Amenábar était de passage en Suisse. Une belle occasion pour le Daily Movies de s’assoir une vingtaine de minutes avec ce prestigieux réalisateur et de discuter de son rapport à l’horreur, à la peur et à la religion.


Qu’est-ce qui vous a spécialement intéressé à faire un film sur les régressions psychologiques ?
L’intérêt m’est vraiment venu quand j’ai commencé à lire sur le sujet. Au début je voulais faire un film d’horreur, par pur plaisir, avant même que je réalise mon précédent film, « Agora ». Puis en repensant aux meilleurs films que j’ai vus – « Rosemary’s Baby », « L’exorciste », « La malédiction » – et je me suis dit que je devais faire quelque chose à propos du diable. Mais je ne parvenais pas à trouver la bonne approche, ni quelque chose de suffisamment réaliste pour pouvoir exprimer ce que j’avais en tête. J’ai ensuite lu à propos des abus lors de rituels sataniques et j’y ai trouvé quelque chose de très réel. Cela parlait de la peur en tant que telle, de psychologie et du fonctionnement de notre esprit. J’aime beaucoup apprendre des choses quand je fais un film, et ce que j’ai découvert avec « Regression » c’est que notre esprit est bien plus fragile qu’on pourrait le penser.

"Regression" - Alejandro Amenábar
« Regression » – Alejandro Amenábar

Qu’est-ce qui vous a le plus frappé lors de vos recherches ?
Il y a quelques années en arrière je me souviens avoir vu un documentaire sur les souvenirs refoulés et les personnalités multiples. J’ai l’impression que c’est un sujet oublié et dont personne ne parle – même pas aux États-Unis. Je me suis dit que c’était quelque chose d’impressionnant, que c’était lié à notre société et surtout à l’implication des médias. Dans « Agora », il y avait une confrontation entre la foi et la science ; dans « Regression », la foi et la science s’associent pour essayer de résoudre le même puzzle mais de manière différente. La morale dans tout ça, c’est qu’on fait tous des erreurs. Au final, c’est un film sur les erreurs.

Pourquoi est-ce que la question des croyances est si importante pour vous? Vous heurtez-vous vous-même à ces questions ?
Ma famille est catholique – pas forcément des gens très croyants – mais j’ai été élevé dans une école catholique. En tant qu’artiste, tu dois te confronter à ton côté irrationnel, même si personnellement je tends plutôt du côté rationnel. Dans des situations où il faut résoudre un mystère, j’aime bien confronter mes personnages aux différentes façons qui s’offrent à eux de savoir s’ils se laisseront submerger par la peur ou porter par un raisonnement logique. Ce qui me surprend le plus à propos de nous-mêmes ce n’est pas tant notre propension à mentir mais notre envie de croire.

Vous considérez-vous critique envers la religion ?
Je n’utiliserais pas le terme de  »critique » car je n’aime pas quand on me critique [rires] ! Évidemment, lorsque l’on est confronté à un élément qui ne s’intègre pas à votre façon de penser, on cherche toujours des explications compliquées. Parfois on s’est retrouvés à accuser le diable alors qu’on a réalisé qu’il s’agissait simplement d’un élément que nous avions oublié d’ajouter au début de notre équation. Dans mes films, j’essaie d’adopter un profil bas avec ces questions de religion et d’Eglise. L’idée du diable représenté de manière très réaliste dans les films, comme je l’ai mentionné auparavant avec « L’exorciste », est basée sur quelque chose de très concret, à savoir les enquêtes sur les abus sexuels sur mineurs. Les psychiatres et la police ont réalisé que parfois le danger ne venait pas de l’extérieur mais de l’intérieur de la famille. J’essaie de minimiser la responsabilité de l’Eglise parce que pour moi celle du monde des sciences est plus intéressante.

"Regression" - Alejandro Amenábar
« Regression » – Alejandro Amenábar

Le film se déroule dans les années 1990 pour des raisons évidentes [les faits ayant inspiré le film provenant de cette période – ndlr], mais pensez-vous qu’une telle histoire pourrait encore avoir lieu aujourd’hui ?
Et bien, je ne sais pas comment les choses que nous n’avions pas alors auraient pu nous affecter, comme internet et les téléphones portables, mais oui, je pense que cela pourrait se reproduire. Quand de nos jours vous visitez les églises évangéliques, les sermons tournent autour de la fin du monde et de la seconde venue du Christ – ce qu’ils appellent le Ravissement [the Rapture]. J’ai été confronté à ça quand je suis allé au Minnesota. La peur est toujours là, ou du moins il semblerait que parfois nous cherchons quelque chose qui peut nous effrayer. C’est comme une obsession. Prenez par exemple le passage au nouveau millénaire et ce soi-disant « bug de l’an 2000 ».

Toutes les séquences cauchemardesques dans votre film sont très efficaces, surtout en termes d’éclairage et d’ambiance. Comment avez-vous travaillé à l’élaboration de ces scènes ?
Je tenais à avoir la patte de ces films des années 1970. Pas seulement des films horrifiques, mais aussi des thrillers américains comme « Les hommes du président », « Marathon Man » ou « Conversation secrète ». Il y avait quelque chose de sérieux et de contenu dans ces films. Comme « Regression » est inspiré de faits réels je voulais retrouver cette forme de réalisme. Notre chef opérateur Daniel Aranyó et moi avons décidé d’essayer d’avoir une mise en scène contenue. Puis à travers les lumières nous avions quelque chose de très moody qui nous aiderait à maintenir le suspense. Cela dit, [Daniel] a essayé de justifier toutes les lumières depuis l’intérieur du plan et non de l’extérieur. Il s’agissait parfois simplement du positionnement des lumières – ou de leurs sources – dans le plan. Dès que nous pouvions simplement nous restreindre et ne pas trop bouger la caméra, et s’appuyer sur ces films classiques, nous le faisions. Je sais que c’est risqué de procéder ainsi aujourd’hui, particulièrement dans le domaine de l’horreur où le jeune public est habitué à des tonnes d’effets spéciaux et à un certain type de montage. C’était un défi.

"Regression" - Alejandro Amenábar
« Regression » – Alejandro Amenábar

Il y a plusieurs plans en vue subjective dans « Regression », autour desquels vous établissez même des connexions amusantes. Est-ce que c’était quelque chose que vous aviez déjà en tête avant le tournage ?
Nous avons prévisualisé tout ce qui touchait au domaine des rêves et aux scènes de régression. Pas seulement avec des images, mais aussi avec des sons et de la musique. Cela vous aide à construire une ambiance et à ne pas perdre de temps avec trop de choses. Je n’aime pas spécialement les plans en vue subjective : je préfère quand on se situe derrière les personnages et qu’on regarde juste au-dessus de leur épaule. Mais parfois les plans en vue subjective sont inévitables, notamment dans les scènes de régression où nous jouons avec les points de vue en raison du fait que le personnage raconte quelque chose qu’il ne pouvait pas voir lui-même.

Que pensez-vous des films d’horreur contemporains ?
Le cinéma horrifique a changé de telle sorte que tout son langage est devenu de nos jours beaucoup plus rapide et frénétique. Et bien sûr les « tricks » [astuces – ndlr] sont plus stylisés maintenant. C’est intéressant de constater à quel point le genre de l’horreur vieillit par rapport au drame ou aux comédies. L’horreur vieillit… plus rapidement. Peut-être parce que les gens connaissent ces astuces. Mais c’est plus facile de faire peur que de faire rire. Le problème avec le cinéma horrifique c’est qu’à force de trop s’appuyer sur les jump scares [procédé visant à faire sursauter le public – ndlr] on finit par oublier ce qu’on a à dire. C’est un problème fréquent. Cela dit, « The Visit » [le dernier film de Night Shyamalan – ndlr] est un film d’horreur récent que j’ai vraiment aimé.

Vous semblez choisir vos projets avec beaucoup de soin. Quel sera le prochain?
C’est trop tôt pour le dire. Si vous m’aviez posé cette question six années auparavant je vous aurais répondu « un film sur le diable » et ç’aurait été correct [rires] ! Mais c’était un coup de bol.

Regression – Bande annonce VOSTFR par TheDailyMovies

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