Le scénario de «LOL 2» n’est pas encore bouclé, mais le tournage approche à grands pas. À quelques semaines de crier «Action», la réalisatrice française Lisa Azuelos s’est confiée à «Daily Movies» sur ce deuxième volet. Si elle n’est pas sûre que ce métier l’accompagnera encore des années, elle s’est néanmoins fixé un objectif professionnel de taille. Elle nous raconte.
Bonjour Lisa Azuelos! On a tout de suite envie de vous questionner sur «LOL 2», dont le tournage va commencer en mai. Le premier volet, sorti en 2008, a marqué toute une génération. À quoi peut-on s’attendre pour cette suite?
Ce film sera une interrogation sur les transitions de la vie. Mais beaucoup de merdes ont été écrites là-dessus, malheureusement. J’ai pu lire dans des magazines: «Sophie Marceau va devenir grand-mère. Personne n’a envie de voir ça à l’écran.» En fait, c’est une vraie transition pour son personnage. Son enfant va avoir un enfant et revenir vivre à la maison. Elle pensait qu’elle était encore jeune, mais tout lui fait comprendre qu’elle n’est pas une femme libre et qu’elle devra toujours vivre avec le boulet de la famille à la cheville. Et en même temps, elle va se rendre compte de tout l’amour que cette famille lui donne. Et je crois que les gens ont envie de retrouver cette famille et cette Sophie Marceau là.
On va donc aussi retrouver les plus jeunes, qui ont bien grandi…
Oui, on va notamment suivre la petite dernière, qui a aujourd’hui 25 ans. Elle se retrouve à devoir choisir sa vie et elle a tout le temps l’impression qu’elle va faire les mauvais choix. Quand elle panique trop, elle se bourre la gueule et fait des conneries. En fait, elle se met trop la pression. C’est d’ailleurs ce qu’est en train de vivre ma propre fille.
Vous aviez déjà fait tourner Thaïs Alessandrin dans «Mon Bébé». Est-ce plus facile de travailler avec elle, ou au contraire, plus difficile de diriger sa propre fille à l’écran?
Je ne dirige pas les acteurs. Je les choisis parce qu’ils sont les personnages. Je n’ai pas tellement envie qu’ils travaillent, et surtout pas les jeunes, car ils sont naturellement ce que j’attends d’eux. Il faut qu’ils soient eux-mêmes. Et faire tourner sa fille, c’est un avantage, puisqu’on se connaît vraiment bien toutes les deux. Elle est en confiance.
Que reste-t-il encore à faire avant de pouvoir crier «Action»?
Trouver le bon casting! Ça, c’est mon boulot. On a déjà choisi des gens, qu’on va revoir dans quelques jours. Je vais les faire tourner ensemble, et voir qui s’entend bien, qui est sympa, qui est chiant, qui est bien, etc. À partir de là, je créerai le petit groupe qui fera le film.
Il paraît que pour «LOL», 40% des dialogues n’étaient pas écrits au moment où vous avez commencé à tourner. C’est vrai ça?
Tout à fait. Je leur ai dit d’improviser. À l’heure où on parle, le scénario de «LOL 2» n’est pas encore bouclé, d’ailleurs.
Vous qui êtes dans le métier depuis de nombreuses années, on imagine que vous avez un certain recul sur votre métier. Une autre réalisatrice française, Noémie Saglio, a dit récemment qu’il était aujourd’hui très, très compliqué de convaincre les producteurs. Vous partagez son avis?
Oui. J’ai eu moi-même beaucoup, beaucoup de mal à convaincre de faire «LOL 2». Même en sachant le succès du premier volet.
Pourquoi est-ce si difficile?
Je crois que les gens du cinéma sont complètement paumés. Ils savent que c’est très difficile de faire venir du monde en salles. Il y a malgré tout plein de films qui marchent, mais ils ne savent pas lesquels et ils perdent beaucoup d’argent. En fait, c’est compliqué pour tout le monde. Mais en France, on a quand même la chance d’avoir une économie qui permet d’en faire. En Angleterre, il doit y avoir 20 films qui sortent par an, alors qu’il y en a 350 chez nous.
C’était moins difficile au début de votre carrière?
Clairement! Je pense qu’il y a aussi un petit backlash depuis #MeToo. On a dit qu’il fallait des femmes réalisatrices, qu’il fallait de la diversité, etc. Et là, ça commence un peu à coincer parce qu’il y a eu trop de choses théoriques, et ça a un peu niqué les histoires. Et puis je pense aussi que les gens sont fascinés par leur propre vie. Il n’y a qu’à le voir sur les réseaux sociaux. Quelque part, qui va être mieux qu’eux?
Les gens n’ont plus envie qu’on leur raconte une autre histoire que la leur, d’après vous?
Je pense, oui. Il faut bien se rendre compte que malheureusement ou heureusement – je ne sais pas -, Snapchat, Instagram et TikTok ont pris le relais. Le drame, c’est que c’est par d’autres histoires qu’on comprend la sienne. Ce n’est pas en se regardant dans un miroir qu’on va apprendre la vie, mais justement quand on le traverse. Et c’est ce que propose le cinéma. Mais les gens ont peur de le traverser, parce que c’est l’inconnu. On est tous tellement terrifiés par plein de choses aujourd’hui…
On imagine que la concurrence avec les plateformes de streaming n’aide pas non plus…
C’est vrai, elle est énorme. Et avec la pandémie, les gens se sont habitués à rester chez eux. Certains estiment que l’image, ils peuvent la voir autrement. Ils ne se rendent pas forcément compte de l’expérience du cinéma. Entrer dans une salle noire et se donner deux heures, sans son téléphone, c’est aussi sa magie.
Est-ce qu’avec tout ça, vous craignez de ne plus pouvoir faire ce métier un jour?
Oui. Entre l’intelligence artificielle, les jeunes qui ont perdu l’habitude d’aller au cinéma, le prix du billet trop élevé et la non motivation des producteurs, on peut le craindre, oui. Mais a-t-on la l’intention de garder le cinéma? Je pense que oui. De mon côté, je cherche d’autres solutions au cas où ça s’arrêterait pour moi.
À ce point là?
Peut-être qu’à un moment donné, je n’aurai plus envie de me battre pour demander de financer mes films. Si «LOL 2» marche, ça va me relancer un peu. Mais si ça ne marche pas, les gens du métier vont dire: «Ça y est, elle est ringarde. Elle est finie.» Je n’ai pas tourné depuis quatre ans, et c’est énorme en termes de revenus…
Mais vous ne vous arrêterez en tout cas pas avant d’avoir eu l’Oscar de la meilleure réalisatrice. La statuette est même en fond d’écran de votre ordinateur!
Oui, c’est vraiment mon objectif! J’ai toujours voulu en avoir un. Mais je sais que ça ne m’apporterait rien, et peut-être même que des emmerdes. Parmi ceux qui l’ont reçu, certains ont enchaîné avec les galères. Ils se sont séparés, ils ont divorcé… Je me demande d’ailleurs si l’objet ne porte pas un peu malheur. Mais ça reste un but énorme pour moi.
En attendant de le décrocher, vous avez un projet de série pour le moins original: «The Trip», sur les champignons hallucinogènes. À première vue, ça semble très loin de votre univers…
Eh bien non, pas du tout. Bon, je n’en ai pas pris depuis six mois, et je ne fonctionne pas beaucoup avec ça. C’est médical et c’est pour offrir des vacances à mon cerveau. Mais je trouve que c’est important d’aller explorer d’autres réalités que ce qu’on croit être la réalité. J’ai écrit cette série en anglais, mais si elle trouve des acheteurs, je l’adapterai en français.
Y a-t-il d’autres thèmes qui vous touchent et que vous voudriez aborder dans les années à venir ou avant de vous arrêter?
J’aimerais beaucoup faire un truc sur la danse et le disco. Un genre de «Saturday Night Fever». Sinon, c’est toujours la famille et la rencontre homme femme qui m’intéressent. J’adorerais aussi réaliser un film podcast. J’aimerais aussi faire des comédies romantiques pour Netflix. J’ai des idées.
Vous en avez tant parlé dans vos films et pourtant, vous avez récemment confié ne jamais avoir connu le grand amour…
J’en parle justement parce que je ne le connais pas. J’ai vécu des passions, mais ce n’était pas de l’amour. L’amour, c’est un truc qui se construit dans le temps, avec quelqu’un en qui on a confiance. J’en avais une autre image, avant. J’allais vers des garçons qui avaient peut-être envie de me détruire, parce que j’en avais probablement envie aussi. Mais aujourd’hui, si je vois un mauvais garçon, je fuis! En fait, je voudrais quelqu’un qui ait envie de m’aimer.
Donc ça aussi, c’est un objectif?
Ouais, et même plus qu’un Oscar!