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vendredi, mars 29, 2024
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Oliver Stone défend son cinéma au Festival du Film de Rome

Lauren von Beust
Lauren von Beust
Amoureux du film «American Gigolo», ses parents la prénomme en hommage à l'actrice américaine Lauren Hutton. Ainsi marquée dans le berceau, comment aurait-elle pu, en grandissant, rester indifférente au 7ème art ? S'enivrant des classiques comme des films d'auteur, cette inconditionnelle de Meryl Streep a prolongé sa culture en menant des études universitaires en théories et histoire du cinéma. Omniprésent dans sa vie, c'est encore et toujours le cinéma qui l'a guidée vers le journalisme, dont elle a fait son métier. Celle qui se rend dans les salles pour s'évader et prolonger ses rêves, ne passe pas un jour sans glisser une réplique de film dans les conversations. Une preuve indélébile de sa passion. Et à tous ceux qui n'épellent pas son prénom correctement ou qui le prononcent au masculin, la Vaudoise leur répond fièrement, non sans une pointe de revanche : «L-A-U-R-E-N, comme Lauren Bacall !». Ça fait classe !

Oliver Stone au Festival du Film de Rome

À l’occasion de la sortie du biopic sur Edward Snowden, Oliver Stone a conquis le public international au Festival du Film de Rome par une masterclass. Le réalisateur américain s’est dévoilé en toute sincérité et avec beaucoup de conviction sur les films à la visée souvent politique qui ont marqué sa carrière.


Cette année, le Festival du Film de Rome a fait appel à une large palette d’artistes, dont de nombreux acteurs américains, pour embellir son prestige. De Meryl Streep à Tom Hanks, en passant par Viggo Mortensen, Oliver Stone a lui aussi fait le chemin jusqu’à la capitale italienne. En pleine promotion européenne de son nouveau film « Snowden », biopic retraçant le parcours de l’informaticien du même nom qui a dévoilé les pratiques illégales de surveillance massive opérées par le gouvernement américain, Oliver Stone a donné une masterclass malgré un emploi du temps chargé. Lors de cette rencontre, c’est avec un regard plus politique qu’esthétique que le cinéaste a été encouragé à répondre aux questions d’Antonio Monda, le directeur artistique du festival. A l’image de son caractère militant et utopiste, Oliver Stone a toujours ressenti le besoin de partager des histoires authentiques à travers ses films. Malgré l’amour qu’il porte à son pays natal, Stone s’est livré sans aucune retenue à l’égard de la politique souvent controversée des Etats-Unis, allant même jusqu’à en pointer les injustices, quitte pour le réalisateur à perdre un peu de son patriotisme.

Oliver Stone

Ce réalisateur qui a fêté ses 70 ans le mois dernier a vu changer le cinéma et son mode de fonctionnement au cours des décennies. Quand on lui demande à quoi ressemblaient ses premières années dans le métier, Stone ne cache pas son désarroi : « Pendant plus de dix ans, mes films ont été rejetés par les studios. J’ai donc dû me débrouiller pour les porter à l’écran et j’ai en fait des films indépendants ». C’est notamment le cas du film « Salvador » en 1986, produit par Hemdale Film. Difficile à croire lorsqu’on repense à des succès tels que « Wall Street » (1987) et « JFK » (1991). « Sans le soutien des studios, cela n’a pas été facile mais j’y suis tout de même parvenu ». Manque de confiance à l’égard du scénario ou tout simplement longs-métrages aux sujets dérangeants, Hollywood a ses raisons, mais peut-être pas toujours les bonnes.

« Le capitalisme a toujours été très dangereux et il le sera toujours davantage »

Son père banquier lui inspira « Wall Street » en 1987, dans lequel il exposa le monde de la finance et ses dérives. « Le capitalisme a toujours été très dangereux et il le sera toujours davantage. Aujourd’hui, la seule chose à laquelle pensent les banques, c’est au moyen le plus rapide de se faire un maximum d’argent. Je regrette de ne pas avoir suffisamment connu le temps où mon père travaillait dans les banques de New York. La société a perdu de ses valeurs au fil du temps », confie-t-il.

Oliver Stone
Oliver Stone

Quelques années plus tard, l’expression artistique d’Oliver Stone est une nouvelle fois mise à rude épreuve. Il faut dire qu’il ne choisit pas non plus la facilité en réalisant « JFK », dont l’approche soutenait la thèse de l’assassinat du président Kennedy victime de plusieurs tireurs. L’avant tournage a constitué une période charnière pour le cinéaste : « C’était difficile pour moi car comme la plupart des Américains, je ne savais pas quoi penser, ni qui croire à propos de ce drame du 22 novembre 1963. Tellement de documents imaginaient une infinité de possibilités et de plans concernant l’assassinat, qu’il était difficile de se forger une opinion personnelle ». Avec son regard d’historien, Stone affirme que de tous les bouquins qu’il ait lus sur le sujet jusqu’à présent, « Reclaiming History : The Assassination of President John F. Kennedy » de Vincent Bigliosi reste celui offrant la meilleure approche, livre dont il s’est inspiré pour la réalisation de « JFK ».

« La société a perdu de ses valeurs au fil du temps »

Avec la confiance et la lucidité dont il fait preuve, Oliver Stone a soutenu que les médias américains s’en étaient donnés à cœur joie pour rendre les choses encore plus floues pendant cette période d’hésitation nationale. « Les médias pensent détenir un droit sur nos croyances. Ils sont prêts à imaginer n’importe quoi pour nous faire adhérer à leurs idées ».

En 1995, Stone subit cette fois une avalanche de critiques pour son biopic sur Richard Nixon, film pour lequel il présente une image désillusionnée du président américain lors de son mandat, affiché comme trop peu sûr de lui pour endosser la responsabilité de leader du pays. « Nixon a été un désastre pour les Etats-Unis. J’ai détesté la politique qu’il a appliquée, et je n’ai pas aimé ce qui l’a fait de notre pays. Il a semé la pagaille au Vietnam, une guerre dans laquelle les Américains n’avaient nullement leur place. La seule raison pour laquelle Nixon ne retirait pas ses troupes c’est parce qu’il craignait de ne pas être réélu pour un deuxième mandat ». Malgré ce regard critique à l’égard de Nixon, Stone affirme que dans ses films, il souhaite avant tout raconter la réalité de la manière la plus authentique possible, et que ce qu’il affiche à l’écran ne reflète pas forcément son opinion personnelle : « Le président Nixon n’a pas eu une vie facile. Il souffrait réellement de cette situation ».

En parlant de guerre, celle du Vietnam a également constitué la toile de fond de « Né un 4 juillet » (1989) pour lequel Stone a dirigé Tom Cruise : « J’ai adoré travailler avec lui. C’est un très bon acteur, très professionnel et avec beaucoup de discipline. Il avait beau avoir remporté le pactole avec « Top Gun » (1986), il a interprété le rôle de Ron Kovic pour une bouchée de pain ! ». Cruise y interprétait un fervent patriote, volontaire pour un combat à cause duquel il reviendra paraplégique. « En fait, je me retrouve beaucoup dans l’ambition de cet homme courageux qui s’est battu pour un avenir meilleur mais qui restait toutefois méprisé par les gens qui l’entouraient ». À noter que le cinéaste s’est lui aussi engagé dans la guerre du Vietnam. Coïncidence ou connaissance de cause ?

« Les films qui placent le football au centre de leur intrigue font partie de mes préférés »

Snowden d'Oliver StoneLes sujets politiques façonnent la carrière du cinéaste Stone. Des symboles qui ont marqué les Etats-Unis avec leurs idéaux sont une caractéristique continue de ses œuvres, toujours inspirées de faits réels. « J’ai beau avoir retracé le parcours de personnes hors du commun, mon genre de film favori reste les films policiers et ceux qui placent le football au centre de leur intrigue. Je suis un grand fan de football américain, ce que j’ai eu l’occasion de prouver avec « L’Enfer du Dimanche » en 1999 ».

Pour son dernier film « Snowden », Oliver Stone endosse à nouveau la casquette d’historien. Il a entrepris de longues recherches pour livrer de la manière la plus authentique possible, le parcours exceptionnel de cet informaticien. Fidèle à son objectif premier, Stone ravit par son retour au cinéma, avec une histoire à nouveau fortement ancrée dans le paysage américain. « Snowden » est disponible dans les salles romandes depuis le 2 novembre.

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