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mercredi, mai 1, 2024
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Becoming Giulia : Naissance et renaissance à l’opéra de Zürich.

Etienne Rey
Etienne Rey
Travailler pour une salle de cinéma, comme journaliste pour des médias ou organiser des événements pour le 7e art, ma vie a toujours été organisée autour de ma passion: le cinéma.

Après plusieurs mois de congé maternité, Giulia Tonelli reprend son poste de « prima ballerina » à l’opéra de Zürich. 


La cinéaste, danseuse et chorégraphe tessinoise Laura Kaehr a filmé durant deux ans l’intimité et le retour sur scène de la danseuse étoile Giulia Tonelli, une femme confrontée à la difficulté de mener de front vie professionnelle et familiale. Son documentaire suit durant une centaine de minutes la jeune femme lors de ses répétitions à l’opéra de Zürich, sur scène lors de sa première représentation publique post-partum ou encore en famille avec son mari, son fils Jacopo et ses parents. L’occasion donc de découvrir une femme pleine d’énergie, presque revitalisée et redoublant d’ambitions depuis la naissance de son fils mais trimant pour retrouver aussi bien sa pleine forme physique que sa place au sein de la troupe de l’opéra de Zürich. Surtout lorsqu’elle est confrontée à des esprits étriqués qui ne comprennent pas bien qu’elle puisse avoir d’autres désirs. Comme si une femme qui avait déjà la chance d’avoir un enfant tout en conservant son statut de « danseuse étoile » n’avait pas forcément la légitimité d’espérer plus ! Un point de vue difficile à concevoir pour Giulia qui ambitionne de pouvoir un jour diriger une troupe et peut-être même devenir chorégraphe, un métier qui serait semble-t-il généralement réservé aux hommes. 

Pour filmer l’intimité de Giulia Tonelli et le microcosme de l’opéra de Zürich, la réalisatrice Laura Kaehr a eu la bonne idée de prendre son temps et d’étaler les prises de vue sur deux ans, entre 2019 et 2021. Un choix qui permet, outre de voir grandir et se développer le petit Jacopo, de multiplier les œuvres sur lesquelles travaillent la danseuse (on passe de « Roméo & Juliette » à « Casse-Noisette » en passant par « La Lettre Ecarlate ») mais surtout, pour les protagonistes, de leur faire oublier la caméra. Une démarche payante qui permet de véritablement rentrer dans l’intimité de Giulia et de gagner en authenticité. Les moments d’épuisement, de doute mais également d’allégresse sont ainsi emprunt d’une vérité qui ne saurait être feinte et qui apporte un supplément d’émotions à de nombreuses scènes. L’une d’elles le montre d’ailleurs très bien. Assise dans sa loge après une répétition qui ne s’est apparemment pas bien passée, Giulia, dépitée, ne semble même pas remarquer l’entrée d’une tierce personne dans la pièce. Puis lorsque celle-ci lui adresse la parole, elle répond d’une manière fantomatique, comme si toute énergie vitale l’avait quittée. La réalisatrice s’autorise également quelques instants de respirations en filmant son personnage marchant dans la rue ou assise, pensive, dans le tram. Ces séquences, par ailleurs très belles (la place de l’opéra de Zürich en hiver est très cinégénique), entrecoupent les séquences en famille ou à l’opéra et brise une alternance de décors répétitifs qui auraient vite pu devenir lassante. 

D’ailleurs, Laura Kaehr a bien compris à quel moment son film devait se terminer. A savoir lorsque la crise sanitaire a pointé son nez et qu’elle n’a plus eu la possibilité de côtoyer son héroïne qu’à distance et, de toute manière, plus tellement trouvé de matière intéressante à documenter. Voir Giulia Tonelli s’entretenant et s’exerçant seule dans son appartement et via des vidéo-conférences avec un chorégraphe installé derrière son ordinateur à Paris a certes une valeur informative et un petit caractère absurde mais n’a plus la même richesse visuelle que les nombreuses très belles séquences de danse découvertes auparavant. Cette scène, puis celle de la répétition de « Trois Sœurs »  avec des masques hygiéniques, démontrent de manière limpide que Giulia a encore bien quelques défis devant elle…

Puis, comme pour finir sur une note d’espoir, le film se termine par une superbe scène de danse en contre-jour où Giulia, à l’arrière-plan, effectue ses pas chorégraphiés alors qu’au premier-plan son fils danse complètement à l’instinct, illustrant malgré lui le discours tenu par sa mère quelques instants auparavant, lorsqu’elle déplorait que la pratique de la danse professionnelle ait aujourd’hui perdu en spontanéité… Imparable ! 

Becoming Giulia
CH – 2022 – 1h40 min – Documentaire 
Réalisatrice: Laura Kaehr 
Actrice: Giulia Tonelli 
First Hand Films
06.09.2023 au cinéma

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