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vendredi, novembre 8, 2024
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Silent Night : Ne vous rendez pas à la nuit

Le festival bruxellois Offscreen s’est clôturé dimanche dernier avec une double représentation de Silent Night, une comédie noire de Noël sur fond de guerre et d’apocalypse, écrite et réalisée par Camille Griffin.


 Silent Night, commence comme un film au scénario basique, une situation comme on en connaît beaucoup avant de virer franchement en cauchemar. Il illustre les dilemmes de la vie moderne face à l’imminence de la destruction de la planète et de l’espèce humaine… entérinée par elle-même! 

Le jour de Noël, chéri par tous mais peut-être spécialement par nos amis d’outre-Manche, un couple (Knightley-Goode) invite ses amis d’enfance les plus proches à se joindre à leur famille pour le dîner de Noël dans leur maison idyllique de la campagne anglaise. Il s’agit de trois autres couples de la classe moyenne – Art, petit génie insolent et Thomas et Hardy (!) les jumeaux – . Le groupe se réunit pour festoyer mais derrière les rires et la gaieté, quelque chose dérange, déroute et dégoûte. Les faux semblants cachent une réalité résolument pourrie. On révèle au public via les écrans de smartphone et les conversations naïves des enfants – la vérité sort de leur bouche après tout ! – que le monde extérieur lutte face à une catastrophe – probablement biochimique et martiale – imminente.

Noël semble s’être transformé en une farce fatiguée, redite nostalgique d’un monde « d’avant » le nuage de gaz mortel et l’impossibilité de respirer et de (continuer à) vivre. Face à l’imminence d’une mort certaine, les cadeaux, jeux et danses de Noël semblent totalement dérisoires. Survivre aux fêtes, aimer son prochain, régler ses comptes et décider de sa vie ou de sa mort sont en effet devenus inimaginables dans cette urgence.

Porté par beaucoup de grands noms du cinéma populaire, comme Keira Knightley en hôtesse mesurée et sensible, c’est surtout les rôles de Matthew Goode (un hôte nerveux) et d’Annabelle Wallis (une mère meurtrie) qui plairont au public tant ils livrent des interprétations survoltées. Le casting nous présente aussi le jeune Roman Griffin Davis dans le rôle du petit garçon de Nell (Keira Knightley), fils de la réalisatrice du film, qu’on a pu découvrir dans le conte de guerre Jojo Rabbit. N’oublions pas Lily-Rose Depp, au patronyme-star, qui offre une interprétation mesurée et tout en pudeur, dans la lignée de son personnage empathique de The King et qui reste une actrice dont le travail est vraiment à suivre.

Venu à point ce printemps pour enterrer Father Christmas, le film s’ouvre sur une présentation plutôt conventionnelle des protagonistes dont les traits sont exagérés, à la façon d’une gentille comédie romantique britannique. On y croise en autres le couple de lesbiennes conflictuel, la femme fatale frustrée et son mari soumis, le docteur charmant et sa jeune copine ingénue, rivale par sa jeunesse. La réalisatrice fait jouer ses interprètes au cœur de leurs vieilles querelles afin de mieux dérouter le spectateur. Effectivement, le ton change rapidement au rythme de l’intrigue, ficelée en une heure et demie au bout de laquelle le spectateur n’échappe pas à la fatalité croquée dans ce conte sombre et semi-prophétique (écrit en 2020, l’addition au récit de la « Exit pill de cyanure » et son débat est mise en parallèle avec l’apparition du récent vaccin). Les rires succèdent à l’ahurissement, et l’inverse. Embellie d’une photo et d’une scénographie soignée et poétique – les morts sont « endormis » sans plus, il y a très peu de sang – la subtilité a d’autant plus d’impact sur le public surpris et impliqué.

Silent Night est une oeuvre réellement engageante, dans son fond et sa forme, qui vient perturber le quotidien de celui qui la regarde, et ne lui laisse pas le choix. C’est un coup de génie absolu  puisque l’audience est entraînée irrémédiablement et se place dans la réflexion au coeur de ce huis clos – davantage comédie dramatique noire et philosophique que récit dystopien survivaliste – pour réfléchir, (sur)vivre et débattre avec les personnages flamboyants.

Ecrit par Krisztina Kovacs

Silent Night
Royaume-Uni, 2021, 92′
De Camille Griffin
Avec Keira Knightley, Matthew Goode, Annabelle Wallis

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