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lundi, octobre 7, 2024
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Tony Leung en interview pour le film The Grandmaster

Yamine Guettari
Yamine Guettari
se promène souvent dans les bois avec un tronc d'arbre sur l'épaule. Aime respirer l'odeur du napalm au petit matin. Et quand il tire, il raconte pas sa vie !

L’action-man chinois Donnie Yen avait déjà filmé en 2008 et 2010 un diptyque semi-biographie fort sympathique du maître de Bruce Lee, le fameux Ip man. On attendait pas forcément Wong Kar Wai sur ce même sujet. Nous partageons avec vous cette interview de l’acteur principal Tony Leung, tirée du dossier de presse et réalisée par l’auteur et traductrice Linda Jaivin, qui l’a rencontré à Bangkok, au moment de la post-production.

– On a beaucoup entendu parler de votre entraînement physique pour le rôle. Quelle préparation mentale avez-vous suivie ?
– Au départ, le réalisateur m’a donné pas mal de livres sur les maîtres du nord, mais très peu de choses sur Ip Man.

– Ah bon ? Je pensais qu’il existait beaucoup d’ouvrages sur lui.
– C’est le cas, mais il m’en a donné très peu. Bien entendu, il a fait pas mal de recherches de son côté. Mais il voulait surtout que je me documente sur Bruce Lee. Car mon personnage était censé être à mi-chemin entre Ip Man et Bruce Lee. Cela fait plus de dix ans que je travaille avec Wong Kar Wai. Nous nous faisons vraiment confiance. Ce film ne se présente pas comme un documentaire : on a plutôt cherché à camper une sorte d’Ip Man « idéal » et parfait. Selon moi, Ip Man était un grand esprit, un homme très élégant, très doux et très cultivé. Quand il se battait, il se métamorphosait et devenait cruel, presque bestial. Je me suis dit qu’il y avait chez lui un mélange fascinant. Issu d’une famille fortunée, il était le fils d’un grand propriétaire terrien et il avait tout à sa disposition jusqu’à l’âge de 40 ans. Et puis, il a connu la misère et subi de nombreux traumatismes – et pourtant, jusqu’au bout, il n’a pas fléchi. C’est ce qui m’a vraiment fasciné. Du coup, grâce aux recherches du réalisateur sur Ip Man et aux miennes sur Bruce Lee, et grâce aussi à notre travail d’équipe, on a échafaudé une conception idéale du protagoniste. C’est un personnage très positif. Je n’avais jamais joué de rôle aussi positif chez Wong Kar Wai.

– Que voulez-vous dire par « positif » ?
– Il était extrêmement optimiste. Sinon, comment aurait-il pu faire pour garder la tête haute malgré toutes les épreuves qu’il a traversées ? J’ai entendu mon maître de Wing Chun, Duncan Leung, parler de l’état d’esprit d’Ip Man quand il est arrivé à Hong Kong. C’est comme s’il était passé du paradis à l’enfer. Il n’avait plus rien. Il avait perdu sa maison, sa fortune, sa famille. Ses deux filles étaient mortes. Mon maître m’a raconté qu’Ip Man n’avait même pas de couverture pour se protéger du froid. Il a dû en emprunter une à l’un de ses disciples, qui a ensuite dû la lui reprendre. Mais il faisait face à l’adversité en gardant le sourire. Pour moi, c’est vraiment quelqu’un de positif. Je pense que le kung-fu a inspiré et guidé sa conception de la vie. Chez Bruce Lee, en revanche, c’était l’inverse : c’est la vie qui a guidé son approche du kung-fu. Bruce Lee a étudié la philosophie et le taoïsme. En réalité, Ip Man et Bruce Lee ont suivi des chemins différents pour arriver au même résultat.

Dans ses écrits, Bruce Lee mentionne souvent Ip Man, qu’il considère comme l’un des plus grands maîtres du kung-fu au monde. Ip Man lui a permis de comprendre que le kung-fu n’était pas seulement une activité physique ou une technique d’autodéfense, mais une forme de spiritualité et de philosophie de vie. Ce n’est qu’en apprenant moi-même le kung-fu que je l’ai vraiment compris. Grâce aux entraînements, mes scènes de combat sont plus réalistes à l’écran. Dans le même temps, cela m’a permis de m’approprier le personnage, bien plus que si je m’étais contenté de me documenter sur cette discipline. Du coup, j’ai compris pourquoi le réalisateur m’a demandé de m’atteler à un entraînement physique aussi long et rigoureux – au cours duquel je me suis cassé le bras à deux reprises.

– Avant cette phase d’entraînement, que pensiez-vous du kung-fu ?
– J’étais fan de Bruce Lee quand j’étais gamin. J’ai vu ses films à l’âge de 7 ou 8 ans. Mais dans les années 60, on nous racontait qu’il n’y avait que deux genres de personnes qui apprenaient le kung-fu : les policiers et les gangsters ! (rires) On avait l’impression que le kung-fu ne consistait qu’à se battre, à se bagarrer et à se donner en spectacle. Ce n’est qu’en m’attelant à ce rôle que j’ai vraiment compris la nature profonde du kung-fu. Ces quatre années ont été difficiles, mais c’est aussi une période très gratifiante. Je voudrais montrer aux jeunes ce en quoi consiste vraiment le kung-fu. L’esprit de ce sport. La rigueur de l’entraînement, le sens de la discipline et la mise en condition mentale peuvent aussi s’appliquer à la vie en général. Idéalement, il s’agit de parvenir à un niveau proche du zen : il faut être en harmonie avec son adversaire. Ce n’est pas un ennemi, pas plus que notre environnement est un ennemi. Le but à atteindre n’est pas la victoire, mais la possibilité de s’ouvrir l’esprit. Plus j’ai étudié le kung-fu, plus cela m’a fasciné.

www.thegrandmaster-lefilm.com

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