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vendredi, avril 26, 2024
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Vincent Adatte : « Avec La Lanterne Magique, nous voulions pallier le manque d’éducation à l’image »

Lauren von Beust
Lauren von Beust
Amoureux du film «American Gigolo», ses parents la prénomme en hommage à l'actrice américaine Lauren Hutton. Ainsi marquée dans le berceau, comment aurait-elle pu, en grandissant, rester indifférente au 7ème art ? S'enivrant des classiques comme des films d'auteur, cette inconditionnelle de Meryl Streep a prolongé sa culture en menant des études universitaires en théories et histoire du cinéma. Omniprésent dans sa vie, c'est encore et toujours le cinéma qui l'a guidée vers le journalisme, dont elle a fait son métier. Celle qui se rend dans les salles pour s'évader et prolonger ses rêves, ne passe pas un jour sans glisser une réplique de film dans les conversations. Une preuve indélébile de sa passion. Et à tous ceux qui n'épellent pas son prénom correctement ou qui le prononcent au masculin, la Vaudoise leur répond fièrement, non sans une pointe de revanche : «L-A-U-R-E-N, comme Lauren Bacall !». Ça fait classe !

La Lanterne Magique fêtera ses 30 ans en septembre. L’occasion d’évoquer l’évolution de ce club de cinéma, destiné aux 6-12 ans, avec Vincent Adatte, l’un des quatre cofondateurs de l’association.  


Le 30 septembre 1992, au Cinéma Apollo à Neuchâtel, La Lanterne Magique organisait la première séance destinée aux 6-12 ans, avec la projection de « La Ruée vers l’or » (1925) de Charlie Chaplin. « L’Express » de l’époque raconte une salle « archicomble », avec « 200 enfants restés sur le trottoir ». Le club de cinéma conquiert rapidement Lausanne, Genève, puis le reste de la Suisse romande, la Suisse alémanique, jusqu’à atteindre l’Helvétie toute entière. En trois décennies, près d’un demi-million d’enfants ont assisté aux quelque 30’000 projections de La Lanterne Magique, qui compte aujourd’hui 18’000 membres. 

La Lanterne Magique, c’est quoi ? 
Avec Frédéric Maire, Francine Pickel et Yves Nussbaum, Vincent Adatte est le co-fondateur de l’association. Outre l’ambition de faire découvrir le 7ème art en salles aux plus jeunes, « le club a été créé dans le but de pallier le manque d’éducation à l’image », se souvient le Neuchâtelois, scénariste de profession. « Ce n’est d’ailleurs toujours pas inscrit dans le plan d’enseignement en Suisse. Cela dépend du bon vouloir des enseignants, alors que les jeunes sont, de nos jours, bombardés d’images », poursuit le scénariste. Par éducation à l’image, il entend à la fois le mécanisme de création d’un film et son message, mais aussi la sensibilisation aux fake news. « Ce besoin d’éducation est encore plus pressant aujourd’hui qu’il y a 30 ans », insiste-t-il.  

La Lanterne Magique, c’est d’abord un rituel. Quelques jours avant chaque séance, les enfants reçoivent à domicile un journal illustré qui leur présente le film qu’ils découvriront en salle. Le jour de la projection, des animateurs accueillent les membres du club, et un artiste invité leur explique, de façon ludique, les particularités du long-métrage auquel ils vont assister. « C’est un moyen de les faire entrer plus facilement dans l’histoire, confie Vincent Adatte. Des études ont démontré que, de manière générale, notre faculté de concentration est moindre, sauf au cinéma. En effet, le grand écran, les émotions que l’on peut ressentir dans une salle et l’expérience collective, encouragent notre concentration. Et c’est pareil pour les enfants! » 

Plusieurs lectures possibles 
Malgré une grande préparation en amont, pas de discussion organisée à la sortie du cinéma, si ce n’est celle que les jeunes échangeront certainement avec leur entourage. « C’était vraiment notre souhait de les laisser libres de leur propre appréciation », ajoute le sexagénaire. Avec 30 ans de recul, « Le Kid » (1921) de Chaplin est, d’après lui, l’un des films les plus plébiscités par les enfants. « Ce qu’ils apprécient dans le personnage de Charlot, c’est qu’il lutte constamment avec les armes du rire pour être respecté et préserver sa dignité d’être humain. Et puis, Chaplin, c’est un langage universel! »  

Pourtant, à entendre certains parents, sont présentés parfois à l’écran, des récits « inadaptés » aux 6-12 ans, car trop « complexes ». Vincent Adatte rappelle que chaque film à plusieurs lectures possibles. « Ce qui est beau, c’est de le prendre à son niveau, dit-il. Un enfant comprendra toute une série de messages, qui échapperont à l’adulte. C’est ça aussi, la magie du cinéma jeune public… »

Au fil des années, le numérique a ouvert une palette plus étoffée. « Un film comme « Nosferatu le vampire » (1922) de Friedrich Wilhelm Murnau, on ne le montrerait plus. Dans le cinéma muet, on dispose aujourd’hui de choses plus intéressantes à projeter à un jeune public. » 

Futurs adeptes des salles ? 
Si les salles obscures se battent pour garder leur public, le scénariste constate que le streaming a moins d’effet sur les 6-12 ans : « La plateforme est clairement une alternative, mais qui oriente l’enfant dans sa lecture, qui l’accompagne ? Là encore, La Lanterne Magique fait tout pour encourager un regard critique. »

Peut-on considérer que les membres d’aujourd’hui seront les adeptes des salles obscures de demain ? « Difficile à dire… Mais ce qui est sûr, c’est que de nombreux parents qui ont été membres inscrivent, à leur tour, leur progéniture. À force d’en parler à la maison après la projection, certains enfants donnent à leur papas et mamans, une envie irrépressible de découvrir les films qu’ils ont vus à La Lanterne Magique et que leurs parents, souvent, ne connaissent pas. »

Pour fêter son jubilé, La Lanterne Magique propose des séances de cinéma gratuites aux familles jusqu’en octobre. « Voir un film au cinéma, c’est une école de la vie. Ça nous prépare. Et plus tard, on a tendance à mieux gérer les situations lorsqu’elles se présentent à nous. »

www.lanterne-magique.org

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