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dimanche, octobre 6, 2024
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Benjamin Lavernhe : « Je crois qu’on est rarement autant agacé que par ceux qui nous ressemblent »

Lauren von Beust
Lauren von Beust
Amoureux du film «American Gigolo», ses parents la prénomme en hommage à l'actrice américaine Lauren Hutton. Ainsi marquée dans le berceau, comment aurait-elle pu, en grandissant, rester indifférente au 7ème art ? S'enivrant des classiques comme des films d'auteur, cette inconditionnelle de Meryl Streep a prolongé sa culture en menant des études universitaires en théories et histoire du cinéma. Omniprésent dans sa vie, c'est encore et toujours le cinéma qui l'a guidée vers le journalisme, dont elle a fait son métier. Celle qui se rend dans les salles pour s'évader et prolonger ses rêves, ne passe pas un jour sans glisser une réplique de film dans les conversations. Une preuve indélébile de sa passion. Et à tous ceux qui n'épellent pas son prénom correctement ou qui le prononcent au masculin, la Vaudoise leur répond fièrement, non sans une pointe de revanche : «L-A-U-R-E-N, comme Lauren Bacall !». Ça fait classe !

Lorsqu’il n’incarne pas Cléante dans « Le Malade Imaginaire », Benjamin Lavernhe, sociétaire de la Comédie-Française, poursuit sa carrière au cinéma. Moins à l’aise pour l’éloquence qu’il ne l’a été dans Le Sens de la fête (2017), dans Le Discours, son personnage s’attendait à tout, sauf à ce que son beau-frère lui demande de prendre la parole à son mariage.


Qui n’a jamais éprouvé le besoin dans un dîner de famille plombant, de s’évader dans ses pensées ou de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas ? Qui n’a jamais été mis en « pause » , et attendu fébrilement un SMS de réconciliation ? Et qui n’a jamais été pris d’une montée d’angoisse à l’idée de devoir faire un discours pour le mariage d’un de ses proches ? Pour Adrien (Benjamin Lavernhe), ce soir, c’est la totale, il coche toutes les cases.

Bonjour Benjamin Lavernhe ! Je ne vous demande pas de nous faire un discours…
Allez-y, pour l’instant, je suis payé pour ça ! (rires)

On vous a déjà demandé d’en faire un pour un mariage ? Vous êtes-vous déjà prêté au jeu ?
Bien sûr ! J’ai eu l’honneur d’être témoin deux ou trois fois dans ma vie et à chaque fois, je fais le même type de discours. Je retrace la vie de mon ami et je me déguise en lui. Je mets une perruque, j’enfile des costumes, je fais des imitations, etc. Ça devient un mini-spectacle dans lequel j’encourage les autres convives à participer aussi. À chaque fois, je me dis qu’il faut que je fasse quelque chose de simple et puis ça dure une demi-heure. J’essayerai de faire plus sobre les prochaines fois. Mais faut pas me demander aussi !

Il y a de l’ambiance avec vous alors…
Pas forcément… Parce que ça m’arrive de prendre des bides aussi ! (rires) Mais en tous cas, mettre l’ambiance, ça me fait moins peur qu’au personnage que j’incarne à l’écran.

« À la Comédie-Française, on n’a pas le droit de représenter une marque, mais on fait ce que l’on veut de nos fesses ! »

Est-ce ces constants apartés avec le spectateur et la narration originale qui en découle, qui vous a convaincu de devenir Adrien ?
Exactement, c’est la singularité du projet et la promesse de cinéma que ça allait être. Une forme particulière avec des face-caméra, une voix off qui permettait des retours dans le passé, des fantasmes qui permettaient une liberté burlesque et comique. C’était une promesse d’un grand terrain de jeu, de quelque chose de ludique. Et puis le personnage d’Adrien est touchant et complexe. Il faut que le public soit en empathie avec son chagrin d’amour et sa terreur de faire un discours. Un tel rôle n’arrive pas tous les jours.

Sur le tournage, on vous demandait de vous adresser à la caméra, alors qu’habituellement, au cinéma, on est censés l’oublier, justement. C’était un challenge supplémentaire ?
On n’oublie jamais vraiment la caméra. Ça serait difficile de l’oublier en réalité, puisqu’on doit toujours en avoir conscience. C’est comme si on avait deux cerveaux à la fois. D’un côté, un cerveau technique, qui comprend la gestion de sa voix, la notion de cadre et son propre placement dans l’image, et d’un autre côté, un cerveau qui est le siège des émotions. Il faut se laisser aller et accepter de ne pas être en maîtrise absolue. Dans « Le Discours », la caméra est un vrai partenaire de jeu puisque je m’adresse à elle pendant une bonne partie du film. C’est à la fois excitant, mais intimidant aussi. À travers le dispositif, il faut s’imaginer le public et en faire son confident, son allié.

Aviez-vous lu le livre de Fabrice Caro pour vous inspirer avant de tourner le film de Laurent Tirard ?
Oui, je n’ai pas pu m’en empêcher. J’adore lire l’œuvre originale pour en apprendre davantage sur le personnage, savoir d’où il vient et avoir un maximum de détails sur sa vie, sa personnalité et son caractère. Mais je reconnais que, parfois, mieux vaut ne pas le faire. On peut avoir tendance à se mêler de l’adaptation et à regretter les scènes qui ont été choisies pour le cinéma. Comme il faut faire un film en partant d’un roman, c’est nécessaire de couper des passages, même si ça peut être frustrant. Pour « Le Discours », Laurent Tirard a écrit toutes les scènes du roman sur des post-it, et les a réordonnées afin de construire une montée émotionnelle et de créer une dramaturgie. Et Fabrice Caro, pas du tout déstabilisé, a beaucoup aimé le point de vue du réalisateur. Il a été surpris de voir que l’histoire tenait, même dans un autre ordre. 

Une écriture aussi structurée laisse-t-elle place à l’improvisation ?
J’ai pu faire des suggestions d’effets Kiss Cool ou de blagues à Laurent Tirard. Il était moins preneur au moment du tournage par contre, parce que c’était très calé. Surtout pour la scène du dîner, où on est restés à table pendant 15 jours.

« Le théâtre est ma priorité. Je tourne des films quand j’en ai le temps. »

D’ailleurs, ce dîner de famille se relève être des plus universels…
Tout à fait ! Il se passe toujours mille choses à table dans un dîner de famille. Et j’espère que beaucoup de gens reconnaîtront des membres de leur propre famille à travers ces personnages. Je crois qu’on est rarement autant agacé que par ceux qui nous ressemblent. C’est d’un regard profondément agacé d’ailleurs qu’Adrien va apprendre à aimer les siens et à les accepter. En ce sens, il y a aussi de la nostalgie. On aime ces personnages dans leurs travers, c’est ce qui fait aussi la force du film. Chaque famille a ses drames. On a les drames qu’on mérite ! (rires)

Depuis quelques années, vous tenez régulièrement des rôles au cinéma, et ceci en étant sociétaire de la Comédie-Française. Vous en avez le droit ? Que dit votre contrat au Français ?
La seule chose qu’on n’a pas le droit de faire lorsqu’on fait partie de la Comédie-Française, c’est de la publicité. On a même le droit de faire du porno. En gros, on n’a pas le droit de représenter une marque, car on représente la troupe, mais on fait ce que l’on veut de nos fesses ! C’est un peu trivial comme je le résume là, mais c’est pour dire qu’en dehors de la publicité, ils n’ont pas à donner leur avis sur les projets qu’on fait à l’extérieur. Et l’administrateur a tout intérêt à ce que sa troupe soit heureuse et que les comédiens s’épanouissent. La seule contrainte finalement, c’est celle du planning. Mais c’est vrai qu’à une certaine époque, on empêchait beaucoup les acteurs de tourner au cinéma. C’était la Comédie-Française et rien d’autre. Aujourd’hui, on demande à ce que les comédiens soient là quand le rideau se lève. Si je ne peux pas être remplacé dans mon rôle de Cléante dans « Le Malade Imaginaire », alors je dois m’y tenir. Le théâtre est ma priorité, je tourne des films quand j’en ai le temps. Sans compter que les bons scénarios sont rares.

Et vous avez le droit de jouer dans les théâtres privés, par exemple ?
Non, à Paris, on ne peut jouer que dans les théâtres subventionnés en majorité par l’Etat, ce qui correspond à une petite liste, celle-ci s’agrandit de plus en plus. À la base, c’était pour éviter que la troupe ne s’éparpille trop et qu’elle ne soit trop demandée à l’extérieur. En revanche, je peux jouer dans n’importe quel théâtre en dehors de la capitale, donc c’est possible à Montreuil, en banlieue parisienne, etc.

Vous diriez que pour un acteur qui veut faire carrière au cinéma, la Comédie-Française est plutôt un handicap ou une carte de visite ?
Il y a toujours eu des acteurs qui ont à la fois du cinéma, tout en faisant partie de la Comédie-Française, même si c’était plus compliqué à une certaine époque. Mais il y a une dizaine d’années, l’administrateur de l’époque, Muriel Mayette-Holtz, a amené davantage d’ouverture. D’un côté, ça a amené un public nouveau à la Comédie-Française. Des jeunes sont venus voir Pierre Niney réciter des alexandrins dans le rôle d’Hippolyte dans « Phèdre », par exemple. Ça participe à redorer l’image du Français. Et d’un autre côté, les directeurs de castings se rendent aussi compte qu’il y a un grand niveau dans la troupe et que sur les 850 levers de rideau annuels, il y a des gens très doués. Ils vont s’intéresser de plus en plus aux spectacles qui y sont proposés. Donc je dirais qu’entre le cinéma et la Comédie-Française, c’est donnant-donnant.Moi, j’ai de la chance d’arriver à jongler entre les deux.

Le Discours
FR – 2020
Durée: 1h 28min – Comédie
Réalisateur: Laurent Tirard
Casting: Benjamin Lavernhe, Sara Giraudeau, Kyan Khojandi, Julia Paton, François Morel, Sarah Suco
Filmcoopi
09.06.2021 au cinéma

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