LA PEUR
Nous aimons nous faire peur. Depuis petits, nous jouons à des jeux pour s’effrayer pour rire afin de comprendre le monde et de nous y adapter. L’art n’a pas oublié les représentations des cauchemars. Le cinéma, plus précisément en inventant le style de l’épouvante, met en scène nos fantasmes de frayeur, délivre notre imaginaire morbide et joue avec les légendes terrifiantes. Il y en a pour tous les goûts et surtout pour toutes les sensibilités, car ma peur n’est pas celle de mon voisin. Je vais néanmoins tenter d’exposer une liste non exhaustive des genres du cinéma d’horreur en sept catégories. Il est à noter que plusieurs films dansent dans plus d’une catégorie :

- Les Possessions, la Démonologie, les Malédictions, la Religion et ses Dérives, l’Ésotérisme
- Slasher ou film de Tueurs Sanglants
- Les Films d’Auteur, les Films Noirs
- Les Comédies horrifiques
- Les Serial Killers, les Psychotiques, les Déviances et autres Pervers narcissiques
- La Science-fiction, le Fantastique
- Le Gore

Les Possessions, la Démonologie, les Malédictions, la Religion et ses Dérives, l’Ésotérisme :
Ce genre est très prisé du grand public ces quelques dix dernières années avec des franchises comme les Dossiers Warren ou Conjuring (2013-2025) ou encore le récent Tarot : les Cartes du Mal (2024). La grande figure du genre est bien entendu L’Exorciste (1973) de William Friedkin qui a fait tellement de bruit à sa sortie qu’il a été interdit en premier réflexe, avant que la censure ne revienne rapidement sur cette décision. Une démonstration relativement crédible sur la possession d’une enfant par le démon Pazuzu à partir d’une histoire vraie. Son succès lui valut une suite et une courte série télévisée ainsi qu’une préquelle. Ensuite, bien que plusieurs films s’essaient au genre sans beaucoup de succès, la démonologie voit ses couleurs se raviver avec le début de la franchise de Conjuring, elle aussi basée sur des faits réels. Ce sont les dossiers des affaires traitées par le couple américain Warren, qui en est la source. Depuis, plusieurs cas ont été accusés de faux ou d’exagération, mais les films n’en sont pas moins intéressants. L’ésotérisme et les religions font un vivier de croyances et de mythologies riches en fantasmes. Ce qui naturellement est une aubaine pour le cinéma d’horreur. Plus le domaine comporte des zones d’ombres plus il est une source d’inspiration et de créativité. Les dimensions paranormales, les mondes au-delà de notre entendement sont aussi fascinants qu’ils sont terrifiants. Toucher à ce que l’humanité à de plus sacré, à savoir le spirituel, et pousser ainsi les limites de l’acceptable et de la provocation dans le même temps est trop tentant pour s’en abstenir.

Slasher ou Film de Tueurs Sanglants :
Massacre à la Tronçonneuse (1974), Scream (1996-2023), Happy Birthdeath (2017) ou encore 31 (2016) et même Les Griffes de la Nuit (1984-2003) avec le célèbre Freddy Krueger, les films où le sang gicle et se répand au-delà de la capacité en litres d’un corps humain sont salissants à l’écran et nourrissent le plaisir de dérision de son public. Un public à la recherche de l’exagération visuelle plus que du réel. Je peux inclure également la franchise de Terrifier qui a fait parler d’elle avec des spectateurs écœurés à la sortie des séances, bien qu’elle est plus à sa place dans le Gore. Le maître mot de ce genre est, on l’aura compris, le sang en litres et le plus collant et glissant possible. Dans les Slashers, on trouve bien entendu les Screaming Queens qui ajoutent une dimension de terreur avec leur gamme de cris plus stridents les uns que les autres et lancés à gorge déployée. Le style flirtent souvent avec d’autres catégories histoire de donner plus de corps au scénario. La trame est toujours la même, avec des codes précis. Des jeunes gens en quête de liberté le temps d’un week-end ou lors de vacances, un tueur sanguinaire extrêmement tenace, des tueries en série sans que l’auteur ne semble se fatigué contrairement à ses victimes et enfin une fausse fin, puisque les assassins reviennent allègrement dans des suites plus ou moins douteuses, pour la plupart. Le but est de repousser les limites du supportable visuel, mais pas à la hauteur non plus du cinéma d’horreur gore. A noter, qu’un décalage humoristique léger est souvent présent.

Les Films d’Auteurs, les Films Noirs :
Ici, le style est plus graphique, plus pur. C’est un concept et un projet, une vision de l’esprit, de la peur et de la terreur pas toujours effrayante visuellement, mais terriblement dérangeante dans la psychologie. Une esthétique propre à chaque réalisateur démontrant une photo de sa propre identité terrifique. Nombres de ces films ne sont d’ailleurs pas toujours reconnus comme horrible par le public non connaisseur. Le premier du genre est réalisé en 1922, Häxan, est un bon exemple d’interprétation de la sorcellerie en l’occurrence. Un film en noir et blanc avec un scénario naïf et osant explorer les frontières de ce qui devait devenir un genre particulièrement prolifique. Pêle-mêle, des œuvres qui sont toutes devenues cultes : Shining (1980), Carrie (1976), The Witch (2015), Project Blair Witch (1999), Psychos (1960), Jaws (1975). On remarque que certaines sont la porte à un style encore recherché aujourd’hui et quelle que soit la qualité, même parfois approximative. Ces films ont en communs d’être déroutants pour le grand public à leur sortie, mais de ravir les amateurs. Réalisés comme des films à suspens plus que d’horreur, ils questionnent et exposent les talents aussi bien techniques que narratifs de leurs auteurs. Souvent, ces longs métrages contiennent des explications tangibles et scientifiques ou médicales réelles, en tout cas pour l’époque de la réalisation.

Les Comédies Horrifiques :
Il faut en rire, aux larmes si possible, mais en tout cas pas jaune ! La dérision, le ridicule par l’épouvante et l’horreur sont les ingrédients essentiels de ce genre. Des protagonistes largement pas à la hauteur de la tâche face à des démons, ou zombies ou encore requins qui ne sont clairement pas les plus vifs ni les plus zélés du panier. Dans Shaun of the Dead (2004) le héros ne s’aperçoit pas de l’épidémie tout de suite et échappe de justesse aux hordes de zombies par chance et hasard. Pour Ashley Williams le héros malheureux de la franchise Evil Dead (1981-1992), bien qu’il fuit plus qu’il n’affronte les force du mal, il arrive à s’en sortir par suite de décisions toutes aussi idiotes les une que les autres. Sharknados (2013-2018) voit une suite absurdités, qui créent la couleur humoristique, dans les actions et dans les moyens employés pour lutter contre des tornades emportant des requins qui ont un seul réflexe : mordre dans tout ce qui passe à la portée de leur gueule. On ne présente plus Chucky (1988) ou Beetlejuice (1988) qui sont des figures d’horreur choyées et adorées par le public, même sans avoir vu les films. Dans cet onglet il y a également les Nanars. Ces films, qui ne sont pas forcément tournés dans le but de faire rire ou de servir de pastiche après leur sortie, mais deviennent malgré eux des références de mauvais films du genre. Remplis d’illogisme, d’exagération trop forcées, de mauvais jeu d’acteur et de décalage kitsch, les Nanars sont cultes et forment les enseignes très lumineuses d’une communauté de cinéphiles friands de ce que le cinéma a de pire dans le ridicule et l’absurde non programmé. Depuis, certains Nanars sont écrits dans un but conscient de parodier sans en avoir vraiment l’air. Une célébration annuelle leur est d’ailleurs consacrée en France et a connu de joyeuses éditions à Genève sous la direction de Daily Movies. L’avenir en verra sûrement d’autres.

Les Serial Killers, les Psychotiques, les Déviances et autres Pervers narcissiques :
Alors là, on plonge dans les méandres de la psychiatrie. Des esprits torturés, des conséquences directes de maltraitance familiale, de génétique douteuse ou encore de recherche d’identité en dehors d’un cadre social réprimant. Des tueurs exclus et incompris, mal ou pas du tout diagnostiqués. Pour les maladies spécifiquement psychiatriques il y a pas exemple : Identity (2003), Halloween (1978), Saw (2004-2025) ou la franchise d’Hannibal Lecter (1991-2007). Provenant de traumatisme ou d’héritage génétique, ces films sondent les dysfonctions du cerveau, de la psyché. Par contre, étonnement, aucune solution de thérapies réellement adéquates n’est jamais proposée dans ces films. Ce n’est sans doute pas le sujet nécessaire.

Il y a également dans cette catégorie les manipulations de l’esprit et du libre arbitre par des pervers narcissiques pas forcément violents, mais absolument résolus à utiliser leur proie jusqu’au bout de leurs possibilités. Get out (2017), Immaculée (2024), The Ring (2002) ou Chère Petite (2023) qui est une mini-série télévisée illustre en particulier ces agissements de destruction de l’être par le contrôle de la conscience presque en douceur. Une horreur bien vivante et toujours actuelle. L’emprise douce, lancinante et difficilement détectable dans les ravages qu’elle occasionne, surtout après libération de la victime.

La Science-fiction, le Fantastique
Le bestiaire d’abord de toutes les créatures mythologiques non-humaines et humanoïdes, assurément difformes et terrifiantes par leur aspect et ensuite par leurs agissements. Souvent, un fossé culturel provoque une incompréhension des mœurs résultant sur une série de meurtres. En se penchant, sur les raisons du carnage, nous pouvons facilement ressentir une forme de compassion atténuant la responsabilités des actes. D’ailleurs ces monstres sont aimés, adulés et déclinés en produits dérivés infinis. Sur ce vaisseau sortit de l’enfer ou d’autres planètes, nous avons les zombies The Walking Dead (2010-2025) ou 28 jours plus tard et suite (2003/2007/2025)), les vampires Entretien avec un Vampire (1994), Nosferatu (1922) et un remake (2024), les extraterrestres It (1986 et 2017) ou Alien (1979-2024), les lycans Underworld (2003) et autres goules et ainsi de suite, Frankenstein (1931 ou 2025 ). Le thème est simple, peindre un portrait terrifiant des créatures fantastiques et mythiques. L’important c’est d’avoir peur. On ne cherche pas le réalisme, mais bien le fantasme, le cauchemar, voir la séduction.

Le Gore
Le genre le plus salissant de l’Horreur. Avec des prises de vues cadrées très très près et clairement de l’exposition de boyaux brillants et encore vivants. Des scènes de tortures plus vraies que nature et bien entendu une mythologie urbaine de réalisme non feint entoure le Gore. Certains réalisateurs ont même connus des épisodes juridiques et de censure à cause de ces rumeurs de vérité. Le Dernier Monde cannibale réalisé en 1977 par Ruggero Deodato est un excellent exemple de ce que les films plus que dérangeants peuvent engendrer sur le public. Non content de son effet, le réalisateur italien récidive en 1979 avec Cannibal Holocaust. Les fans sont enchantés et l’opinion public vomit. Le pari est donc réussi. Plus récemment la trilogie Terrifier (2016/2022/2024)a surtout retenu l’attention des foules avec les détails de régurgitations lors des premières séances. Le reste du film a été pratiquement occulté. Ceux qui ont effectivement visionné ces films savent qu’il n’y a pas de quoi casser trois pattes à un canard. Les Terrifier frisent même les Nanars, au point qu’ils en deviendront bientôt des membres cultes.

Le Gore est simple, il a surtout un code à respecter : être le plus écœurant possible et ne rien épargner à la pellicule. Sans être catalogué dans le cinéma d’horreur, d’autres productions sont pourtant assez gore, comme Salò ou les 120 Journée de Sodome (1976). Réalisation italienne également, ce film est basé sur le livre du Marquis de Sade, Les 120 Journées de Sodome. On pourrait le ranger dans le Gore horrifique, mais pas selon les critères bien spécifiques du 7ème art. Attention ! Que ce soit les films ou les livres, le Gore n’est vraiment pas à mettre entre toutes les mains. Même adulte et averti le public n’est pas forcément prêt. Vous voilà prévenus…

Et nous voici déjà rendus à la fin de cet exposé naturellement pas exhaustif sur les films d’horreur. Un florilège pour agrémenter votre soirée d’Halloween et les autres. Considéré comme un sous-genre pendant longtemps et reconnu récemment à sa juste valeur dans l’Histoire du Cinéma, ce genre d’art est riche en créativité autant qu’en cauchemars. Chacun a ses peurs et donc les possibilités de scénarios sont infinies. Il y a une vérité sociologique qui dit que tout ce que nous imaginons est imaginé par au moins une autre personne. Ce qui ne rassurera pas les sensibles et qui stimulera les amoureux de la terreur sous toutes ses formes, absolument toutes ses formes.
Tremblez avec plaisir ! Frissonner avec délice ! Savourez toutes vos sueurs froides !
Après tout, si vous en êtes conscient…c’est que vous êtes encore en vie.



