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jeudi, novembre 7, 2024
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Interview : le jeune réalisateur français, Germain Aguesse, nous parle de son premier film « Le Dernier Vermouth »

Jonathan Tholoniat
Jonathan Tholoniat
« Désespoir, amour et liberté. L’amour. L’espoir. La recherche du temps perdu. » Comme Pierrot, j’aime la Littérature. Comme Godard, j’aime le cinéma. Après avoir étudié la Philosophie à l’université de Lyon III, je poursuis mes études en Master de Littérature et français moderne à Genève pour me diriger vers l’enseignement et le journalisme. L’écriture et le cinéma : un univers en perpétuel mouvement que je suis heureux de partager. Godard ne disait-il pas : « Avec le cinéma, on parle de tout, on arrive à tout ». De quoi assouvir mon inlassable curiosité.

À l’occasion de la sortie du Dernier Vermouth dans quelques salles françaises, en février, nous avons eu le plaisir d’avoir un échange téléphonique avec le réalisateur et scénariste, Germain Aguesse.


Vous êtes un jeune réalisateur. Pourriez-vous nous offrir quelques éléments autobiographiques ?
Germain Aguesse : J’ai 24 ans. Je suis né dans le nord de la France à Lille. J’ai fait des études de cinéma et audiovisuel en région parisienne à l’Institut International de l’image et du son ( 3iS ). L’école est basée à un quart d’heure de Versailles. J’en suis sorti diplômé en novembre 2017. Durant la fin de mes études, nous avons commencé – mon frère et moi – à écrire ce projet (Le Dernier Vermouth). Ce n’est qu’après avoir obtenu mon diplôme que nous avons pu nous y consacrer entièrement.

Vous avez donc réalisé dernièrement un court-métrage, Le Dernier Vermouth. C’est une comédie horrifique à la limite de l’absurde. Comment cette idée loufoque vous est-elle apparue ?
Mon grand frère est conducteur de travaux en Savoie, à Saint-Jean-de-Maurienne ( France ). Il est arrivé là-bas en 2015, lorsque je commençais ma première année à la 3iS. À ce moment-là, nous regardions la série Walking Dead qui nous a beaucoup inspirée. C’est mon frère qui a pensé à intégrer des paysans savoyards dans un univers apocalyptique qui comprendrait des zombies. Dès que nous nous sommes penchés dessus, nous avons directement songé aux paysans de Kaamelott (Roparzh et Guethenoc). L’année suivante, je devais trouver un stage dans une entreprise en lien avec l’audiovisuel. J’ai alors choisi de le faire dans une télévision locale où vit mon frère ( Maurienne TV ). Là-bas, j’ai rencontré Daniel Gros qui était venu saluer les personnes qui travaillaient dans cette petite société. En discutant avec lui, j’ai appris qu’il était ami avec Serge Papagalli. J’en ai parlé à mon frère, et nous nous sommes dit que nous devrions faire quelque chose avec eux. Nous avons appelé Daniel et Serge qui nous a mis en relation avec Gilles Graveleau, puis avec Gilles Arbona.

Ont-ils tout de suite été séduits ?
Je pense que oui. Daniel a été le premier à connaître le projet. Il a tout de suite trouvé cela sympa et décalé. Je crois surtout qu’ils ont été séduits par l’idée de jouer ensemble, car ce sont quatre amis de longues dates. De plus, ils ont tout de suite vu que c’était un projet très sérieux. Ce n’était pas un truc fait rapidement dans un jardin, un dimanche après-midi. Quand on s’est rencontrés, on s’est tout de suite bien entendu. Il y a eu une bonne organisation.

J’imagine que cela devait être formidable de travailler avec eux ?
Oui, c’était incroyable. Ils ont été bienveillants avec nous, notamment en proposant des choses, en améliorant certains points ou en restant fidèle à ce que nous voulions. Ce fut très enrichissant. Evidemment, j’étais un peu stressé à l’idée de diriger des comédiens qui ont quasiment cinquante ans de plus que moi… Cela impressionne ! Ils sont très simples et très sympas. Tout s’est bien passé, et je crois que cela se ressent dans le film.

Je trouve par ailleurs que vous avez su trouver un bel équilibre dans ce fabuleux trio. Nous avons le meneur, Serge, avec son franc-parler, le second, Raoul, qui est quelque peu aigri, et le dernier, Marius, plus jeune, un peu benêt. Est-ce que ce sont les acteurs qui les ont modelés à leur façon, notamment en reprenant certaines caractéristiques de personnages qu’ils ont déjà interprétés ( cf. Kaamelott )?
Nous avons entièrement créé les personnages tels que nous les trouvons dans le film. Nous nous sommes tout de suite dit que Serge serait le meneur du groupe. Marius (Gilles Graveleau) est effectivement le personnage le plus « benêt ». Il suit les autres et son avis ne compte pas vraiment.    

Lors de la scène du banc, nous pensions redonner le dessus aux deux autres personnages, mais en filmant et en discutant avec eux, nous nous sommes dit que ce statut était parfait. Nous avons écrit ses rôles en pensant spécifiquement à ces acteurs. Nous nous sommes également inspirés de ce qu’ils avaient fait avant. Ils ont évidemment apporté toute leur expérience. Cela collait donc bien.


Pouvez-vous nous parler du prêtre ? Le saint sauveur de nos trois héros.

À l’origine, nous voulions un personnage plus jeune, afin de créer un contraste avec les autres personnages. Quand Daniel nous a parlé de Gilles Arbona, nous nous sommes dits que cela pourrait parfaitement correspondre à nos attentes. Nous avons donc dû remanier un petit peu le personnage du curé. C’est sans nul doute le plus loufoque des quatre. Il est habité par une certaine justice divine. Les trois autres personnages ne pensent qu’à boire, alors que le curé est un peu plus rationnel, et semble avoir d’autres priorités. La costumière et mon frère en ont fait un genre de cow-boy qui règle ses comptes. Je dois avouer que c’est l’acteur que j’avais le moins vu jouer, malgré qu’il ait fait plus de films que les autres. La première scène que nous avions faite avec lui, lorsqu’il est sur le rocher avec une mitraillette à la main, et qu’il lâche sa première phrase avec une intonation particulière, nous nous sommes dit qu’il avait bien cerné le personnage.

Il y a un personnage qui m’a vraiment intrigué, c’est Mr. Henry. Est-il l’élément annonciateur que tout va foutre le camp ?
Le personnage a été réduit au montage. À la base, il avait un rôle un peu plus important. C’est le voisin qui est là depuis toujours, mais qui ne s’entend avec personne. Il symbolise effectivement le problème et les confronte indirectement à l’invasion de zombies.

Est-ce que cela a été difficile de monter ce projet ? De le financer ? De monter une équipe qui serait prête à vous suivre dans cette folle aventure.
Nous avons commencé l’écriture du film en janvier 2017 pour le proposer aux acteurs au mois d’avril suivant. Nous les avons rencontrés la première fois en décembre de cette même année. Dès qu’ils ont été d’accord pour ce projet, j’ai commencé à monter une équipe en faisant appel à des amis qui viennent de la même école que moi, comme Félicien Forest, le chef-opérateur. Mais, il manquait encore du monde. Le tournage a commencé le 22 juin 2018. Cela nous a laissé trois mois après la fin de la campagne Ulule pour rassembler la totalité des personnes dont nous avions besoin. Parmi celles-ci, il y avait, par exemple, le maquilleur, David Scherer, qui est basé à Strasbourg et que j’ai repéré grâce à internet.

En janvier 2018, nous avons réalisé un teaser pour lancer la campagne de financement participative sur la plateforme Ulule. Nous l’avons commencé le 15 janvier, et elle s’est terminée le 1er mars 2018 avec 150% de financement. C’était pour nous une première expérience de tournage dans des conditions professionnelles. Nous n’avions pas de société de production pour appuyer le projet. Malgré tout, nous avions obtenu un certain soutien, car nous avions réalisé cette campagne de financement sur Ulule et avions également apporté des fonds. Du coup, nous avions eu accès à une caméra numérique de cinéma (Alexa) de la marque Arri. C’était donc très professionnel. De plus, les acteurs le sont aussi. Cela fait des années qu’ils tournent et enchaînent les projets.

Au début du moi de mai, nous sommes allés faire du repérage pour trouver des lieux de tournages idéaux. Cela se situait dans la vallée de la Maurienne (Savoie). Les paysages se prêtaient bien à l’histoire.

Ensuite, nous avons trouvé des partenaires locaux pour nous aider. La ville de Saint-Jean-de-Maurienne nous a par exemple prêtés des chaises et des tables, afin que nous puissions manger le midi. L’entreprise Dolin, qui fait du Vermouth, nous a offert des bouteilles pour le film. Bref, Ce n’était pas que des aides financières. Nous avons notamment parfois eu la chance de manger gratuitement chez des restaurateurs de la région.

Dans l’ensemble, tout s’est donc très bien passé, la météo a été plus que clémente et nous avons pu filmer tout ce qu’on voulait. Heureusement, car nous n’avions pas la possibilité de faire des reshoots.

La qualité des images et du montage est assez remarquable. Je trouve que c’est aussi une belle réussite de ce côté-là. Même au niveau du récit, vous avez été très efficace, nous sommes directement immergés dans le contexte, le lieu et l’époque.
L’immersion dans le film est très importante pour moi. Il y a parfois des introductions très longues dans les films. Ce n’est pas toujours quelque chose de facile à faire. Bien que nous ayons voulu faire davantage, nous sommes plutôt contents du résultat. Nous nous sommes dits qu’il fallait des premières scènes percutantes. Par exemple, tous les plans aériens de la voiture sont selon moi très efficaces pour rentrer tout de suite dans le film.

Vous nous offrez certes une belle comédie, mais pouvons-nous également parler d’un hommage à la Savoie, et particulièrement à la Maurienne?
C’est une région dans laquelle nous avons passé beaucoup de temps. Mon frère travaille là-bas, j’ai effectué deux stages dans cette région et nous y allions très souvent en vacances, lorsque nous étions petits. La montagne est quelque chose de très beau. Pouvoir mettre en valeur ces paysages à travers les images d’un film, c’est une véritable chance ! Nous avons voulu montrer les endroits qui nous plaisent le plus et mettre en avant la beauté de cette région. 

Est-ce aussi une façon de rendre hommage au patois savoyard ? Dans les années 70, Brassens parlait de l’uniformisation de langue, et s’insurgeait contre la disparition des langues locales.
Je suis content que vous parliez de Brassens, car c’est un de mes artistes favoris. Je ne sais pas si cela était conscient ou non de le faire, mais effectivement, c’est important de montrer toutes ces belles expressions. Il est essentiel que chaque région conserve son langage, son vocabulaire, son originalité et ses différences. Nous avons effectué des recherches pour trouver des termes savoyards, afin d’enrichir le vocabulaire des personnages. Cela développe forcément leur attachement à la région. Les acteurs ont parfaitement su l’intégrer. Serge Papagalli en a l’habitude. Il a un certain accent, et l’amplifie très souvent lors de ses spectacles. C’était très naturel.

C’est un film sur l’alcool, mais surtout sur l’amitié, la fraternité et l’amour pour une région. Tout ceci se situe en 1998, pourquoi ?
Le fait de le faire en Savoie nous permettait d’avoir un isolement géographique parfait que nous voulions exploiter au maximum. De plus, se situer en 1998, c’est éviter les récents appareils de communications comme internet, le téléphone portable ou les chaînes d’informations en continue. Cela faisait parti de notre volonté d’isolement. De plus, l’an 2000 faisait peur à certaines personnes, donc c’est une idée amusante. Et puis, je dois bien avouer qu’il y a eu un petit clin d’oeil au foot et à cette belle coupe du monde.

Lorsque nous finissons le film, nous pouvons être à la fois déçu et songeur. Déçu, car nous aurions voulu poursuivre l’aventure avec ces personnages. Songeur, car nous pouvons pressentir une suite. Est-ce le cas ?
Effectivement, le film se coupe de manière très brutale, mais cela correspond à notre volonté de laisser une ouverture, afin d’amorcer une suite. Nous sommes en train de travailler sur l’écriture d’un long format. Nous voudrions reprendre les éléments du court-métrage pour introduire une histoire plus longue avec des personnes en plus. Nous garderions en tout cas le trio principal et le curé. Ce sera plus une adaptation qu’une suite. Cela dévoilera évidemment la suite, mais nous apporterons des éléments supplémentaires. Le court-métrage sert en quelque sorte de pilote à une potentielle adaptation.

Enlevez-nous un doute, un mort-vivant, c’est mort ou c’est vivant ?
Eh bien, c’est à la fois mort et vivant ( rires ). C’est une réplique qu’il y a dans Kaamelott. Le comédien qui la prononce ne le savait pas. Nous l’avons gardé, car nous trouvions cette anecdote très rigolote.

Quels sont vos futurs projets ?
C’est clair que ce projet me prend beaucoup de temps. Nous prévoyons les projections et travaillons sur un potentiel long-métrage. J’ai également d’autres projets d’écritures, comme un scénario autour de l’exorcisme. Je fais beaucoup de recherches pour avoir quelque chose de solide. Cela aboutira sans doute à un court-métrage. J’ai également un projet d’écriture autour des capsules temporelles. J’essaye de m’occuper de cela, mais c’est le Dernier Vermouth qui occupe 90 % de mon temps et de ma réflexion.

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