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lundi, avril 22, 2024
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Jérôme Salle : «J’admire Cousteau pour sa puissance créative mais au final c’est Simone que j’aime»

L'Odyssée

Le réalisateur français Jérôme Salle présentait «L’Odyssée» en avant-première au dernier Zurich Film Festival, biopic sur la vie de Jacques Cousteau avec Lambert Wilson. Nous l’avons rencontré pour parler de ce tournage pour le moins épique et complexe.


L'Odyssée de Jérôme Salle
L’Odyssée de Jérôme Salle

Comment êtes-vous arrivé jusqu’à ce projet ? Vous connaissiez déjà Jacques Cousteau ?
Jérôme Salle : Oui ! Tout d’abord, j’aimais le personnage quand j’étais gamin. Il a marqué mon enfance car j’ai grandi en partie en Suisse, à Lausanne mais aussi dans le Sud de la France, près de la mer, là où tout a commencé pour Jacques Cousteau. Donc j’étais plus sensible à son aventure et aux films quand je les regardais à la télé. J’ai également beaucoup navigué enfant. Puis un jour, j’ai voulu parler de Cousteau à mes enfants et ils ne savaient pas qui il était…

Mais quel âge avaient vos enfants quand vous leur en avez parlé ?
14 ans, 15 ans, donc pas si jeunes. Je me suis rendu compte que parmi les gens de moins trente ans, beaucoup ne le connaissaient pas ou ils en avaient vaguement entendu parler. J’étais très surpris et cela a fait germer cette idée de film. En ce qui me concerne, mes souvenirs de Cousteau, c’était les documentaires qui passaient à la télé. J’ai alors commencé à regarder des vidéos sur internet pour rafraîchir ma mémoire. Et c’est justement en fouillant sur le net que j’ai réalisé à quel point son image était très brouillée. Il y avait deux facettes : d’un côté les gens qui clamaient haut et fort que c’était un saint laïque et les autres qui disaient que c’était la dernière des ordures. Toute cette ambivalence m’a beaucoup intrigué.

Comment avez-vous pu écrire ce personnage à deux facettes ?
J’ai tout d’abord essayé de le comprendre. En fait, c’était un homme qui montrait beaucoup en apparence et très peu en réalité. Il contrôlait parfaitement son image. Il a inventé la télé réalité d’une certaine manière dans ses films avec les membres de la Calypso autour de lui. Il apparaissait pour les gros plans dans son bateau et à côté de cela, ce qu’il était de lui en tant qu’être humain, c’était verrouillé, caché, secret, à une époque où on pouvait encore garder les choses secrètes ! Aujourd’hui ce serait plus compliqué… J’ai lu tout ce qui existait sur lui. J’ai eu une démarche journalistique. J’ai ouvert des portes qui étaient fermées. Ce qui m’intriguait sur cet homme, c’était pourquoi les avis étaient aussi contrastés à son sujet. Au-delà des bouquins, des articles, c’est surtout les rencontres avec les gens qui ont travaillé avec lui, tous les membres de sa famille avec qui j’ai appris beaucoup de choses. C’est en discutant avec eux que j’ai pu peu à peu commencer à cerner l’homme, qui, en dehors de sa complexité en tant qu’individu, a eu une carrière tellement riche, tellement longue que cela rend la perception encore plus difficile.

L'Odyssée

À partir de là, vous avez donc construit votre histoire autour de ce personnage. Vous saviez que c’était un film de grande envergure. Comment avez-vous fait pour convaincre les producteurs de le financer ?
J’ai fait comme j’ai pu ! Cela fait aussi partie de mon boulot de réalisateur. J’ai tout d’abord écrit le scénario, un qui allait plaire aux acteurs et qui tiendrait la route pour les producteurs. Puis je ne vais pas mentir, on galère, on rame pour trouver l’argent.

Alors c’était quoi votre budget, la presse annonçait 30 millions d’euros ?
Non, non pas du tout. j’aurais adoré avoir 30 millions ! Non c’était 20 millions d’euros et 10 de moins c’est énorme… Même avec 20 millions, on a tous fait des efforts.

L'Odyssée

Le film a des allures de production américaine ?
Non ce n’est pas vrai et je m’insurge contre cela. Je voudrais juste rétablir quelque chose : On est parti sur un principe de nos jours que tout film qui est beau visuellement et soigné dans sa fabrication est à l’américaine. Et bien c’est faux ! Les américains n’ont pas le monopole des grosses productions. On a aussi le droit en France de faire des films soignés visuellement sans pour autant être réalisés à l’américaine. Est-ce que Jean-Pierre Melville est à l’américaine, est-ce que Verneuil est à l’américaine ? Je n’aime pas cette attitude de nous cantonner comme des indiens dans une réserve, ça m’énerve. J’ai donc fait un film de divertissement familial ! Et puis je n’aurais pas pu proposer à des acteurs américains ce que j’ai proposé à mes acteurs français quand on est partis tourner en antarctique. On devait tous partager nos cabines par exemple. Il y avait beaucoup de mecs et moins de filles. Je suis allé voir Audrey Tautou et je lui ai dit qu’il fallait qu’elle partage sa cabine avec une assistante caméra qu’elle n’avait jamais vue de sa vie. Elle n’a pas râlé ! Allez proposer cela à une actrice américaine, je ne suis pas certain qu’elle accepte. Je n’accuse pas les actrices américaines de comportement de diva mais le système du cinéma aux Etats-Unis est différent. Nous, on l’a fait à la française, système D du début à la fin. Les acteurs ont fait des sacrifices sur leur cachet, et moi aussi car j’ai mis une partie de mon salaire dans le film. Les producteurs ont dû mettre de l’argent cash dans le film car on n’avait pas assez de financement.

L'Odyssée

Mais finalement en faisant ce film, vous saviez que cela allait plaire aux américains où la-bas, c’était une star Cousteau?
Je n’en sais rien… on verra. Et puis c’est le même problème qu’en France, la génération en dessous des trente ans ne sait pas qui c’est. J’insiste à nouveau mais je revendique que c’est un film très français. À un moment j’ai failli le faire en anglais avec Adrian Brody mais après je me suis dit que je ne pouvais pas faire cela, c’était absurde.

Pour revenir à l’écriture de ce personnage si complexe, combien de temps au final avez-vous mis pour écrire l’histoire ?
Des années ! J’ai eu un parcours à suivre pour écrire l’histoire dû à la complexité du personnage. J’ai vraiment galéré. Et puis pendant tout ce temps, j’ai réalisé deux autres films. Mes envies ensuite quand j’ai repris le scénario n’étaient plus les mêmes, elles avaient évoluées. En fait, j’ai tout réécrit 6 mois avant de tourner. J’ai favorisé l’angle familial, je me suis concentré sur les rapports entre le père et son fils, ce qui n’était pas le cas au début où j’avais un biopic plus classique.

L'Odyssée

Et maintenant avec le recul et tout ce que vous avez étudié sur lui, que pensez-vous réellement de Jacques Cousteau ?
Je pense que c’est un homme qui a eu une vie exceptionnelle. C’est un homme qui a fait de sa vie une aventure extraordinaire et je pense que c’est un être humain avec d’énormes qualités et d’énormes défauts. Je suis un peu comme les membres de l’équipage de la Calypso, je l’admire pour sa puissance créative mais au final c’est Simone que j’aime. Les gens à bord de la Calypso aimaient Simone et ils admiraient et respectaient Cousteau.

Elle est d’ailleurs fantastique Audrey Tautou dans le rôle de la femme de Cousteau ?
On a fait une projection à Marseille avec les anciens de la Calypso… 500 petits vieux étaient dans la salle, ils étaient tous en larmes et me parlaient tous de Simone. Audrey Tautou a su s’approprier ce rôle avec élégance et justesse.

Qu’avez-vous appris sur ce tournage, avec un tel budget ?
Chaque film est un prototype et ce n’était pas mon premier avec un tel budget. Au contraire je pense que j’ai bénéficié sur celui-là de l’expérience des deux autres. J’ai appris à économiser de l’argent, convaincre des acteurs de voyager en économie. Voilà, savoir où on met l’argent, c’est important.

L'Odyssée

Quelle image retiendrez-vous le plus de ce film ?
C’est l’antarctique après cette tempête qu’on a vécu et qui était très forte. On a eu après cela une lumière parfaite, un moment calme et magique. On savait que c’était un instant unique. Ah oui aussi ma première confrontation avec un requin-tigre de 4 mètres et demi. Je n’avais pas peur, je ressentais du respect face à cet animal majestueux.

Est-ce qu’aujourd’hui grâce à Cousteau, vous êtes un peu plus sensible à l’écologie ?
Cela me tenait à coeur bien avant mais ce n’est pas le but du film. J’ai néanmoins touché du doigt le problème comme en Méditerranée où j’ai du recréer des poissons en images de synthèse car ils n’existent plus. Disons que comme les marins de la Calypso, j’ai réalisé concrètement le problème alors qu’avant je me contentais de le voir sous une approche intellectuelle.

L'Odyssée

L’Odysée
De Jérôme Salle
Avec Lambert Wilson, Pierre Niney, Audrey Tautou…
Genres Biopic, Drame, Aventure
Nationalité Français
Date de sortie 12 octobre 2016 (2h 02min)

Interview realisé par Karine Weinberger

 

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