(Die Hinterlassenschaft des Bruno Stefanini)
Que fait-on lorsqu’on hérite d’un immense bric-à-brac ? On répertorie, on découvre et on tente de comprendre la démarche de notre aïeul. Plongeon dans l’esprit torturé et passionné d’un homme qui espérait marquer son époque.

Bruno Stefanini était un homme d’affaire, promoteur et collectionneur compulsif suisse d’origine italienne qui a tout mis en œuvres pour nourrir la Suisse, sauvegarder son histoire et sa culture. Sans éducation dans le domaine de la conservation culturelle, mût uniquement par l’amour des objets témoignant des années et des siècles qui passent, Bruno Stefanini aura été un patron dur et impitoyable, faussement généreux avec ses employés, plus dur encore avec son entourage et finalement frustré de ne pas avoir vu son grand projet de musée se concrétiser de son vivant.

Ce documentaire recense et fait effectivement l’inventaire de sa vie et de tout ce qu’il a accumulé depuis son enfance, des savons Steinfels et leurs emballages aux tableaux de maîtres, dans le seul but de garder une trace de son pays pour les générations futures et surtout pour la postérité. Lorsque l’on regarde cette impressionnante collection, on peut y voir soit un génie avant-gardiste, soit un trouble psychiatrique soit encore un acte de patriotisme fervent. En vérité, c’est un peu des trois. Bruno Stefanini faisait partie de ceux qui ne veulent pas que le souvenir soit le seul témoin du temps qui passe. Il avait besoin de préserver matériellement les rencontres, les événements, les rêves jusqu’aux incompréhensions de l’environnement qu’il a croisés quitte à emporter des babioles. Il aura sacrifié sa vie de famille, ses enfants et ses relations intimes pour la passion qui le dévorait.

Issu d’une famille italo-suisse de restaurateurs antifascistes, il devient officier après une enfance sans grande marque de pédagogie, ce qui développa certainement un manque de reconnaissance et donc son trouble de l’accumulation. Dans le but d’affirmer son identité, même s’il n’en était pas conscient, il balança toute sa vie entre signes ostentatoires de réussite sociale et simplicité d’apparence.

Aujourd’hui, ses héritiers font l’inventaire de ses mètres carrés d’appartements et de bunkers qui servent d’entrepôt à tous les biens récupérés, achetés ou offerts tout au long de sa vie. Bruno Stefanini, économe obsessionnel, se retourne sûrement dans sa tombe s’il connaissait le coût d’une telle opération. Car après une vie, certains objets sont irrécupérables ou presque. Si un Musée est érigé finalement pour accueillir tout cet héritage, le magna de l’immobilier suisse aura réussi son idéal, mais post mortem. Preuve sera alors faite que certaines ambitions nécessitent plus d’une vie pour se concrétiser.

Réal. : Thomas Haemmerli
Avec : Veronika Stefanini/Bettina Stefanini
Distrib. : XenixFilmdistribution


