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Avalon

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Dans un futur indéterminé, une société à la dérive enfante une génération d’accros à un jeu virtuel illégal, massivement multijoueur : Avalon. Ash (Malgorzata Foremniak), une joueuse réputée, va tenter à tout prix d’atteindre les limites du programme dans le but d’accéder à un état de conscience supérieur.

QUESTIONNER LA RÉALITÉ

Après nous avoir donné le vertige avec ses réflexions sur le futur de l’humanité et la frontière bien mince qui sépare le vivant de la machine dans le film d’animation « Ghost In The Shell » (1995), Mamoru Oshii est repassé derrière une véritable caméra à l’aube du nouveau millénaire pour nous faire tourner la tête encore d’avantage.

Si le sujet des jeux vidéo semble de prime abord constituer le cœur d’«Avalon», cela va rapidement s’avérer n’être qu’un outil métaphorique pour le réalisateur japonais. En effet c’est toute notre perception et notre définition de la réalité qui sera questionnée à travers cette expérience sensorielle bouleversante.

Ash est une joueuse accro qui semble n’avoir aucun intérêt pour ce qui l’entoure, à l’exception de son chien (un basset, fascination récurrente du réalisateur). Pourtant c’est un besoin de réalité qui la pousse à se connecter à ce monde virtuel, tout étant monotone et dépourvu de vie autour d’elle. Seuls les animaux et les personnes ayant un rapport avec le jeu semblent être animés dans cette somptueuse et triste fresque aux couleurs sépia.

L’approche esthétique est une des nombreuses particularités d’«Avalon». La presque intégralité du film est retouchée numériquement, nous immergeant dans un univers à la beauté irréelle, frôlant de près une fusion parfaite entre le cinéma et l’animation japonaise. Il est spécialement troublant de constater à quel point l’héroïne semble en permanence avoir été fraîchement extirpée des pages d’un manga. Un autre élément atypique est que bien qu’il s’agisse d’un projet japonais, le film est tourné en Pologne avec un casting entièrement polonais. L’univers dépeint est temporellement indéfinissable, situé quelque part entre une Pologne post-soviétique et un futur cyberpunk. Ce qui fait la force d’«Avalon», c’est justement sa capacité à brouiller tous nos repères pour mieux nous pousser à la réflexion. Tout participe à « virtualiser » la réalité et matérialiser le virtuel. Oubliez la dualité simpliste de « Matrix » qui présente un univers factice d’un côté et un monde bien réel de l’autre. Avec « Avalon » le spectateur ne sait jamais à quoi s’en tenir et chaque nouvelle vision du film apportera son lot d’interprétations supplémentaires, car comme à son habitude Mamoru Oshii questionne mais ne répond jamais, il est au dessus de ça.

TRANSE MYSTIQUE
À l’instar de toutes les œuvres du réalisateur, le rythme d’«Avalon» est lent, ce qui ne manquera pas de laisser sur le carreau nombre de spectateurs insensibles à la force évocatrice de ses scènes de poésie pure, comme figées dans l’espace et le temps. Car si « Avalon » est une œuvre d’exception, c’est bien par sa capacité à nous ébranler tout entier. Quand la sublime musique mystico-baroque de Kenji Kawai – d’influence européenne mais à l’ADN inévitablement nippone – vient transcender le lent flux gracieux d’informations visuelles, c’est pour nous faire atteindre des états qui confinent à la métaphysique.

«Avalon» contient de ces moments de perfection qui sont au-delà des mots, capables de vous faire vivre cette sensation si particulière de n’être qu’une particule éphémère insignifiante, tout en ne faisant qu’un avec tout ce qui nous entoure pour l’éternité. Par le biais d’émotions insufflées par une alchimie virtuose entre les images et la musique, l’œuvre de Mamoru Oshii vous fera, ne serait-ce que lors d’un seul instant de grâce, relativiser jusqu’à l’idée de votre existence.

Dans la littérature arthurienne et la mythologie celtique, Avalon est une île de légende où sont conduits les héros après leur trépas. C’est un endroit à l’écart du reste du monde, un lieu d’éternité, un pays des morts. Et par-delà le questionnement philosophique sur la réalité, c’est aussi de la mort que traite «Avalon». Tout au long du film Ash franchit différentes strates de réalité comme autant de morts et de réincarnations. Cette quête de transcendance ne manquera pas également de faire écho au quotidien de beaucoup de joueurs, sans cesse à la recherche de moments d’immersion et d’abandon au sein de véritables réalités alternatives.

« Êtes-vous réel ou faites-vous partie du programme ? » demande Ash au maître des jeux, une voix accompagnée d’un visage sur un écran avec qui elle communique entre ses aventures virtuelles ; « Quelle importance ? De toute façon tu ne pourrais pas le vérifier. » lui répond-il.

Avalon
De Mamoru Oshii
Avec Malgorzata Foremniak, Wlasyslaw Kowalski

[Stéphane Gerber]

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