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lundi, octobre 14, 2024
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David Lynch : The Art Life – Portrait de l’artiste en jeune homme

Un documentaire sur David Lynch qui ne parlerait pas de cinéma, ou presque : tel est le pari un peu fou de « David Lynch : The Art Life », film-soliloque dans lequel le réalisateur revisite sa jeunesse et ses premiers émois artistiques.


Alors que la très attendue troisième saison de « Twin Peaks » bat son plein et nous jette à la figure, l’air de rien, semaine après semaine, l’expérience télévisuelle la plus déconcertante du 21ème siècle, voici que sort en catimini sur les écrans romands « David Lynch : The Art Life ». Un documentaire réalisé à l’aide d’un financement participatif qui laisse pendant une heure et demie la parole au maître de l’étrange. Et qui tombe à point nommé, surfant sur le buzz non-négligeable de ces 18 nouveaux épisodes de « Twin Peaks », premières – et sans doute dernières – productions du cinéaste depuis 2006 et « Inland Empire ».

Si le timing de ce documentaire est opportun, il est au fond anecdotique. Car « David Lynch : The Art Life » est un objet rare, inattendu. En tant que personnage public, Lynch n’avait jusque-là jamais accepté de se livrer aussi longuement, face caméra, sur sa vie privée. L’âge et le temps qui passe auraient-ils provoqué chez lui le désir de jeter un coup d’œil en arrière et d’exorciser de vieux démons ? Le voici, dès les premières images du film de Jon Nguyen, Olivia Neergaard-Holm et Rick Barnes, en activité dans les limites rassurantes de son atelier hollywoodien, seul ou accompagné de la plus jeune de ses filles. On y découvre le David Lynch des arts plastiques, celui qui peint, découpe, morcèle, perce, fume, fulmine… On voit défiler des photographies de son enfance, des « home movies », des tableaux, des extraits de ses premières expérimentations filmiques… Sur ce montage un peu décousu, vient se poser la voix du cinéaste. Pas de questions-réponses ou de conversation avec ceux qui le filment. On l’écoute parler, s’épancher même. Des extraits d’un immense monologue, enregistré sur une période de quatre ans, au cours duquel il évoque sa famille, ses parents, ses amours, son contact immédiat et passionné avec l’art.

En soi, le récit que fait David Lynch de sa jeunesse contraste avec ce que l’on pourrait attendre de l’auteur de « Blue Velvet » et « Mulholland Drive ». Les premières années de son existence sont on ne peut plus idylliques. Aucun traumatisme familial, aucun drame personnel, aucun échec ne viennent entacher le parcours du jeune Lynch jusqu’à son entrée aux Beaux-arts ; au pire, quelques déménagements de ville en ville relativement mal vécus, et une communication devenue difficile avec son père. Dès lors, on essaie de deviner, au détour de telle ou telle anecdote, de telle ou telle description, l’origine de son imaginaire surréaliste, alambiqué et carrément cauchemardesque. Il y a bien cette femme qui se promenait nue dans le quartier de son enfance, ce voisin qui lui assène des torrents d’insanités impossibles à retranscrire, les âmes égarées et démentes des rues mal famées de Philadelphie… Parfois, en creux, on saisit de maigres indices sur ce qui a pu nourrir ses premiers essais et l’orientation générale de son œuvre. De cinéma, il n’en sera pas question, ou alors très peu : Lynch se tourne naturellement vers le film parce qu’il y voit une extension logique de ses travaux visuels, un vecteur de plus pour ses visions fiévreuses. On entrevoit ses courts-métrages d’étudiant, ainsi que quelques photos du tournage de « Eraserhead ». Rien ne sera dit de sa filmographie postérieure.

En termes de révélations, « David Lynch : The Art Life » est plutôt sage. Son intérêt est ailleurs, tel qu’annoncé dans son titre: l’observation d’une vie entière consacrée à l’art, pleinement, intimement, sans concessions faites à la réalité. La force de son œuvre, Lynch la doit à son investissement total dans le processus créatif, qu’il embrasse sans s’encombrer des contacts sociaux ou des menus embarras de l’existence ; en saisissant toutes les opportunités qui lui sont offertes, en rejetant la norme, en suivant son instinct ou ses rêves, à la façon de Dale Cooper, son alter ego avoué dans « Twin Peaks ». Si ce documentaire laissera sur sa faim le spectateur qui espérait plonger jusqu’aux racines du cinéma lynchien, il a pour qualité de jeter un éclairage inédit et ludique sur le façonnement d’un des esprits artistiques les plus brillants de notre temps.

David Lynch: The Art Life
USA   –   2016   –   88 Min.   –   Documentary
Réalisateur: Jon Nguyen, Olivia Neergaard-Holm et Rick Barnes
Acteur: David Lynch
Praesens Film
26.07.2017 au cinéma

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