Parmi les nombreux biopics hollywoodiens, en voici un résolument dans l’air du temps – les histoires de la famille royale britannique passionne le monde plus que jamais – mais aussi, une fois n’est pas coutume, tout à fait réussi. Celui-là fleure bon le velouté de petits pois à la menthe et le château poussiérieux : entre plans serrés claustrophobiques et plans larges oniriques, Spencer retrace un Noël de la princesse Diana au château de Sandrigham – le dernier avant que les infidélités de son mari n’éclatent. Récit d’un lent emprisonnement dans une cage dorée.
1991. La princesse Diana (Kristen Stewart, à la puissance inattendue) rejoint la famille royale au château de Sandrigham pour les traditionnelles festivités de fin d’année. Elle y retrouve son mari, le Prince Charles (Jack Farthing, tout en retenue gênée), ses deux enfants Harry et William et un château millénaire dont les couloirs sans fin ont abrité des générations entières de secrets Windsoriens. Ce qui surprend le plus dans ce film est son parti pris assumé de subjectivité, annoncé dès le premier sous-titre (“A Fable From a True Tragedy) : Diana y est le personnage central, et le spectateur est invité à plonger dans sa conscience au fil de scènes immersives et qui touchent à l’imaginaire. Des objets épars deviennent le point de départ de voyages dans la conscience de la princesse – un collier de perles et un bol de velouté de petits pois, un épouvantail dépenaillé. Des éléments historiquement véritables y demeurent, et ces derniers apportent l’ancrage nécessaire pour que le récit fonctionne. Pablo Larrain donne un grain et une teinte particuliers à son image, assumant de passer, dans un même lieu, de l’horreur psychologique au parcours initiatique.
La force de ce film réside dans son rejet de l’objectivité – comment pourrait-il y prétendre ? – et son exploration d’une conscience qui perd pied. Le résultat final n’échappe pas à une binarité gentil/méchant un peu poussive, dont la conclusion – qui propose du fast-food américain comme remède à l’impérialisme – fait un peu grincer des dents. Le film se rattrape sur d’autres points, comme le choix de costumes, souvent lourds de sens, toujours spectaculaires, et qui font reconnaître les silhouettes les plus connues de la princesse. Un dernier ajout sympathique, qui donne véritablement la teinte de fable à cette histoire est le rôle donné à l’habilleuse de Diana, jouée par la lumineuse Sally Hawkins. Pour Pablo Larrain, c’est l’amour qui triomphe – fut-il imaginaire.
Spencer
DE, CL, UK, US – 2021 – 111min – Biopic
Réalisateur: Pablo Larraín
Acteur: Kristen Stewart, Timothy Spall, Jack Nielen, Freddie Spry, Jack Farthing, Sean Harris, Stella Gonet, Richard Sammel, Elizabeth Berrington, Lore Stefanek
DCM Distribution
26.01.2022 au cinéma