« Écrire à n’en plus pouvoir » : le parcours d’Yvette Z’Graggen, une écrivaine en avance sur son temps

« Une femme au volant de sa vie » retrace par le biais de photos et d’entretiens, le parcours singulier d’Yvette Z’Graggen, romancière et journaliste suisse romande. Yvette Z’Graggen n’aura de cesse d’ausculter le passé et d’interroger sa conscience sur son histoire familiale, mais aussi sur son pays et le rôle controversé que la Suisse a joué durant la Seconde Guerre mondiale. Ce documentaire revient sur la vie d’une femme indépendante et engagée, frappante de modernité.

Pour s’évader d’une enfance difficile et solitaire, entre un père suisse alémanique, mal accepté dans une Genève peu ouverte aux étrangers, et une mère avec laquelle elle entretient une relation fusionnelle, Yvette Z’Graggen se réfugie dès son plus jeune âge dans l’écriture. A la suite de la faillite du cabinet dentaire de son père en 1936 et la saisie de tous les biens de sa famille, cette enfant submergée par la honte de sa situation familiale garde le silence et se refuse même à écrire. Elle qui remplissait des pages et des pages depuis petite, gardera en elle la pauvreté vers laquelle son père, devenu alcoolique, entraîne sa famille.

Au début de la Seconde Guerre mondiale, les frontières se ferment et l’argent se fait rare. Yvette doit renoncer à l’université pour gagner sa vie rapidement. Elle qui s’était rêvée médecin ou avocate est engagée comme secrétaire, position pénible, qu’elle juge subalterne. La frustration et la colère de la jeune fille sont à son comble.

Pourtant, Yvette égrène sa vingtaine en tant que jeune femme libre, bien en avance sur son temps. Féministe et précurseuse, elle écrit des romans jugés audacieux pour l’époque et s’autorise à la passion amoureuse en dehors du mariage, au même titre qu’un homme. Dans une Suisse encerclée par la guerre, l’écrivain se moque des barrières linguistiques et apprend l’allemand et l’italien, rare Genevoise à ne pas parler uniquement le français. Sa rencontre avec un jeune soldat allemand en vacances à Genève qui lui écrira longtemps du front, lui inspirera son roman le plus connu, « Mathias Bergen ».

Grace à sa rencontre avec Jean Amrouche, poète kabyle et pionnier des entretiens littéraires à la radio, Yvette devient productrice et journaliste d’émissions littéraires à la radio suisse romande, tout en continuant à écrire jusqu’à la fin de sa vie.

« Une femme au volant de sa vie » vaut la peine d’être vu, ne serait-ce que pour découvrir le portait d’une romancière résolument moderne, questionnant sans relâche son époque et sa position de femme.