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jeudi, avril 25, 2024
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« Les Fleurs fanées » : bouquet de déceptions

Totila Blumen (Lars Eidinger) est un chercheur et historien allemand qui étudie la Shoah et qui fait partie de l’organisation d’un congrès gigantesque sur le sujet. L’institut pour lequel il travaille engage alors une stagiaire française, Zazie Lindeau (Adèle Haenel), au tempérament fort particulier, et les deux vont devoir collaborer et faire en sorte que la conférence se passe au mieux. Zazie, tout autant énergique que légèrement bipolaire, entretient une relation avec le directeur de l’Institut, Balthasar, et Totila, magnifiquement surnommé Toto, est, lui, acide et insipide.


Dès les premières minutes du film apparaît le tempérament hermétique et explosif de Toto, lorsqu’il frappe au visage son chef, auquel on a remis l’organisation du congrès à sa place, car Totila ne maîtrise pas assez ses émotions pour s’exécuter correctement. Alors que le premier est en train de défigurer le second, un autre membre de l’Institut, le plus vieux et le plus sage, Manfred, est tout à coup pris d’un arrêt cardiaque, et meurt, sans autre forme de procès. Une entrée en matière chaotique dans ce film qui l’est à plus d’un titre.

Généralement catégorisé dans la case « comédie romantique », ce long-métrage de l’allemand Chris Kraus l’est, et tire le genre vers son extrême. D’une part, on retrouve le schéma classique des deux personnages que rien ne rassemble, qui se détestent, mais qui finiront par être ensemble malgré tout, et, d’autre part, ce début de relation s’éternise, c’est un constant et fatiguant « suis-moi, je te fuis, fuis-moi, je te suis » qui amène à vrai dire assez peu à la narration et qui ne permet que de montrer de manière redondante les caractères intenses des deux maudits tourtereaux. De plus, les ancêtres qu’ils ont en commun semblent suffire à les rassembler : leur « passé prénatal » est celui du grand-père de Totila et de la grand-mère de Zazie qui auraient étés dans la même classe, et qui justifierait, évidemment, la naissance d’une romance entre leurs petits-enfants. Justification d’autant plus évidente que son « Opa » a tué sa « Oma » avec certitude, laissant ainsi planer un merveilleux héritage pour leur descendance. Louable est leur intention d’aller au-delà de ce crime, mais de là à se forcer dans une relation qui semble toute sauf naturelle pour eux, il y a un grand pas. 
Mais Zazie semble motivée à le faire, ce pas, et elle insiste constamment auprès de ce pauvre Toto qui semble couvert de honte à chaque fois qu’elle ouvre la bouche. Premièrement, merci pour cette représentation de la femme qui, lorsqu’elle parle, se fait constamment rabrouer voire hurler dessus, car son discours ne convient pas à monsieur, aussi peu tolérant que possible. Deuxièmement, presque aucune de leur discussion ne déclenche une dispute, un problème, et même, au-delà du verbe, Zazie insiste pour avoir des relations sexuelles avec Totila, alors que celui-ci vient de lui dire non, elle lui grimpe dessus, nue, et bien qu’il ne semble toujours pas être ouvert à l’idée, elle entame un va-et-vient, improbable dans ces circonstances.

Romance totalement douteuse donc, qui l’est encore plus qu’elle est tissée sur fond de Shoah, élément historique finalement peu exploité qui semble servir de toile de fond à une narration peu intéressante. Dans ce cas précis, autant ne pas choisir une période historique du tout si ce n’est que pour en faire ce qui est proposé dans le film, ou alors prendre une autre situation en faisant vraiment quelque chose, en créant un discours plus fort – tout du moins plus présent et assumé – sur le sujet. La seule raison pour laquelle on apprécie la présence de ce sujet sérieux est la manière que Zazie a d’en rire et de le dédramatiser, pratique qu’elle va tenter d’inculquer à son amoureux, très peu réceptif au premier abord, mais qui se déridera un tout petit peu par la suite. Bel effort.

La dernière scène du film est elle aussi un des rares moments comiques de ces deux heures passablement longues ; sans tout dévoiler, Zazie et Toto se retrouvent par hasard des années plus tard dans un centre commercial. Celui-ci affublé d’une paire de lunettes ridicule et d’un bonnet d’aviateur doublé, celle-là accompagné d’un petit « Maurice » de trois ans aux cheveux blonds. La rencontre est évidemment une surprise, moment de gêne et questions banales, jusqu’à ce moment de décision ultime prise par Toto, qui remettra profondément en cause la vie des deux personnages, décision dont on ne verra évidemment pas les tenants et aboutissants. Cette façon de relancer encore un chapitre de narration, tout en terminant le film avec, est parfois intéressante et permet une fin ouverte et libre à l’interprétation du spectateur ; cependant, ici, il semble étrange de faire un flash-forward pour une unique scène de quelques minutes qui propose un nouveau paragraphe à la narration sans pour autant l’exploiter réellement. De plus, il convient de rappeler que le film s’ouvre, en pré-générique, sur Toto en train de courir dans le magasin, couvert de ce fameux bonnet d’aviateur dont les deux parties cachant les oreilles se balancent au rythme de sa course autant ultime qu’inutile vers sa « chère » Zazie… 

Ce film, peu clair et à la structure bringuebalante, ne propose même pas des personnages auquel on peut vraiment s’identifier et se rattacher tant ils sont incohérents et instables, ce qui, pour deux heures de film, laisse vraiment un sentiment d’anarchie et de désarroi. Primé dans quelques festivals, ce long-métrage ne reçoit pas nos meilleurs compliments, même si l’on se réjouit de revoir Adèle Haenel  déjà félicitée dans son très bon rôle dans « 120 battements par minute » – dans un prochain film, qu’on espère meilleur que « Les fleurs fanées ». 

  • Les Fleurs fanées
  • Chris Kraus
  • Avec : Lars Eidinger, Adèle Haenel, Jan Josef Liefers, Hannah Herzsprung

 

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