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samedi, avril 20, 2024
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« Idiocracy »: une criante et douloureuse actualité.

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Bien que sorti il y a 11 ans déjà, « Idiocracy » est d’une criante et douloureuse actualité. Pour de mystérieuses raisons, et après plusieurs reports, la sortie d’« Idiocracy » s’est faite presque en catimini en 2006, dans une indifférence quasi générale. Or, bien que n’ayant bénéficié d’aucune promotion digne de ce nom, ce film est en passe de devenir un film culte.


Est-ce parce que la question du QI est de moins en moins taboue sous nos latitudes ? Est-ce parce qu’il est difficile de nier qu’il y a péril en la demeure, avec la montée générale et décomplexée d’extrémismes divers ? Est-ce dû à l’arrivée du nouveau président des Etats-Unis et de sa horde de hussard criards et dangereusement aveuglés par une vision monolithique de l’autre et de la vie ? Quoi qu’il en soit, ce film est malheureusement moins léger qu’il n’en a l’air. Et même si Mike Judge laisse entendre que l’« intelligence » aura quand même le dernier mot, les dégâts sont tellement gigantesques qu’une pointe de résignation et de conformisme semble malheureusement inévitable à ses yeux. Dans sa vision, qui fait tristement écho à notre quotidien cathodique actuel, le nivellement par le bas est en plein épanouissement et de plus en plus inéluctable.

« Time Masheen »
Portée par un casting solide, des comédiens rôdés à la comédie, des personnages futuristes hauts en couleur, un président flamboyant d’ignorance jubilatoire, un avocat 1er prix au concours de débilité profonde, cette équipée nous entraîne dans une « Time Masheen » à la fois bouffonne, grotesque, tendre et inquiétante.

Deux protagonistes « normaux », un scénario naïvement futuriste, des décors assez maladroits, une musique qui emballe le tout dans un écrin joyeusement pétillant et au final ce sont 95 minutes de rires jaunes, 95 minutes qui peinent à nous faire oublier que la réalité est en train de rejoindre la fiction.

Voici donc Joe et Rita, nos deux protagonistes « normaux », au QI « normal », menant une vie « normale » d’Américain « moyen ». A la faveur d’une expérience scientifique ratée, nous voilà projetés à leur suite en 2505. Témoins d’une avalanche de déchets qui envahit le cœur d’une ville laissée à l’abandon, nous découvrons une cité belle et bien vivante, peuplée d’humains décérébrés, repus de bière, de sexe et de boissons énergisantes. Et l’eau dans tout ça ? Juste bonne pour la chasse des toilettes ! Quant au président, Dwayne Elizondo Mountain Dew Herbert Camacho (joué par l’excellent Terry Crews), ex-catcheur et acteur porno, il est à peine plus caricatural qu’un croisement entre Trump et Rodrigo Duterte, le psychopathe que les Philippins ont choisi comme dirigeant suprême.

De la science-fiction ?
Si l’énormité de la situation présentée n’était pas si tristement réaliste, le film en serait comique… ou ridicule. Malheureusement, revoir « Idiocracy » en ce début d’année avec le Président Trump à la Maison-Blanche, c’est un peu comme faire un bad trip sans substance illégale.

Grotesque ? Un mauvais feuilleton ? « Idiocracy » pourrait se définir ainsi s’il n’était simplement en train de nous parler de nous. Une parodie ? Pas vraiment. Il s’agirait plutôt d’un miroir grossissant posé sur un aspect de notre société actuelle tout en questionnant son avenir : alors qu’il y a 200 ans, Charles Darwin nous parlait de sélection naturelle, par laquelle seuls les éléments les plus forts de l’espèce permettraient sa survie, Mike Judge, lui, nous questionne : Et si les plus nombreux étaient en réalité les seuls aptes à perpétuer l’espèce ? Et si les plus stupides, de par leur nombre et leur taux de reproduction exponentiel, étaient en réalité les seuls aptes à faire survivre l’espèce car seuls à continuer à se reproduire ?

Sexe, fumette et rire gras
Entrer en Idiocracy, c’est pénétrer dans un monde devenu abruti au sens premier du terme, sans tonus, sans vie, sans relief. Un monde anéanti par les bas instincts, par une télévision qui a remplacé la vie par le vulgaire, le grossier, le gras, le lourd. Un monde dans lequel l’eau est devenue méprisable et méprisée et où les champs sont arrosés à coup de jets de boissons énergisantes. Un monde régi par des multinationales assoiffées de pouvoir et d’argent, protégées par l’ignorance de leurs consommateurs.

Flatter les instincts primaires de ses concitoyens, les gaver de sucre et d’inepties, faire tourner les usines à plein régime, et produire des hordes de soldats dociles et abrutis, tel est le projet devenu réalité de cette société soi-disant futuriste.

Et la réalité rejoint actuellement la fiction : « L’incroyable famille Kardashian », Donald Trump et ses 140 caractères qui remplacent la profondeur des discours de ses prédécesseurs ou alors « Touche Pas à Mon Poste » du controversé Cyril Hanouna, qui est à peine au-dessus du show « Oh ! Mes burnes ! » du film, dans lesquels les personnages passent leur temps à se faire taper les joyeuses… Il est à parier qu’il sera inutile d’attendre l’an 2505 avant de commencer à arroser nos plantes avec des boissons énergisantes !

« Idiocracy » est une comédie qui, sous son aspect léger, fait office de lanceur d’alerte visant à questionner notre instinct grégaire ainsi que notre propension à accepter la facilité face aux tâches ardues. Pourtant, la fuite ou le renoncement ne sont pas les qualités premières de l’Homme. Si cela avait été le cas, nous nous taperions encore sur la tête avec des massues tout en nous cachant dans des grottes en entendant le tonnerre. Ce sont les contraintes, les limites, les challenges qui nous poussent à nous surpasser. De ce fait, nous ne devrions pas les fuir mais les accueillir à bras ouverts pour ne pas être à la merci de hauts dirigeants dont le QI ne dépasse pas celui d’un homme de Cro-Magnon. Au final, « Idiocracy » reste une fiction et il ne tient qu’à nous qu’elle ne devienne pas réalité (bon aux Etats-Unis, ils sont mal partis…).

Idiocracy
De Mike Judge
Avec Luke Wilson, Maya Rudolph, Dax Shepard, Terry Crews
[Anna-Maria Frusciante]

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