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vendredi, avril 19, 2024
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« Lacci » : Des Liens qui désunissent

Etienne Rey
Etienne Rey
Travailler pour une salle de cinéma, comme journaliste pour des médias ou organiser des événements pour le 7e art, ma vie a toujours été organisée autour de ma passion: le cinéma.

Ce très beau film de Daniele Luchetti donne envie de redécouvrir le cinéma italien et de se plonger dans la filmographie d’un cinéaste bizarrement très peu connu en Suisse.


Daniele Luchetti est un réalisateur italien surtout connu dans son pays natal. Sur une quinzaine de films qu’il a réalisé depuis ses débuts en 1998, seule une petite moitié sont sortis en Suisse et deux uniquement sont arrivés jusqu’aux salles romandes. Les cinéphiles avertis se souviennent peut-être de « Il mio fratello è figlio unico » en 2007 et « La Nostra vita » en 2010. Il revient donc à tous les spectateurs de faire honneur à ce dernier opus qui, s’il marche comme il le mérite, permettra à d’autres œuvres du cinéaste, et d’autres perles d’Italie peut-être, d’arriver jusqu’à nous.

Présenté en ouverture du festival de Venise en 2020, « Lacci » raconte, des années huitante à nos jours et entre Naples et Rome, le destin d’une famille déchirée par les tromperies, les vérités, les mesquineries et reconstruite, après presque 30 années ellipsées par le scénario, autour de ce LIEN indéfectible qu’est la famille.

En s’inspirant du roman « Les Liens », de Domenico Starnone, Daniele Luchetti montre que malgré les tourmentes et même si l’amour s’abîme, il est difficile d’échapper aux siens et, que ce soit par rejet ou compassion, on reste toujours quelque part attachés à eux. Si le fond est dans un sens assez banal et universel, c’est dans la forme que le film trouve sa plus grande singularité et sa véritable force. Ainsi, plutôt que de raconter les événements de manière chronologique, le cinéaste déconstruit son récit et fait d’invariables sauts dans le temps. Contrairement à ce qui aurait pu être redouté, le procédé, et surtout la pertinence des choix effectués par le réalisateur et ses coscénaristes (l’auteur du roman lui-même et Francesco Piccolo), n’alourdit aucunement le récit et lui donne un impact inattendu. À titre d’exemple, un objet, présenté comme anecdotique dans une scène « contemporaine », revêt soudain une importance capitale lorsqu’il est reconsidéré à l’aune d’un ou deux flashbacks révélateurs. À l’inverse aussi, une scène du passé peut être tout-à-coup totalement réévaluée si la narration change de point de vue.

Peut-être pour éviter d’avoir recours à des effets numériques coûteux ou des maquillages encore souvent foireux à notre époque, et également aussi dans le but de déjouer le temps et profiter des possibilités du cinéma pour le façonner à sa manière, Daniele Luchetti opère également une rupture au niveau de son casting. Le couple des années 80 est interprété (très subtilement d’ailleurs) par Alba Rohrwacher et Luigi Lo Cascio puis, (tout aussi bien…) pour les scènes contemporaines, par Laura Morante et Silvio Orlando. Deux couples d’acteurs qui n’ont pas physiquement grand-chose en commun… Mais la démarche est très cohérente et rappelle à quel point il est difficile pour un couple et une famille de résister au temps. Tellement l’un et l’autre changent et deviennent parfois « des autres ».

Et saluons aussi, pour conclure… la technique. Et le très beau travail de Ivan Casalgrandi à la photographie qui recréé, en 35mm, le plaisir nostalgique des vieux films d’antan. Ainsi qu’Aël Dallier Vega et Daniel Luchetti pour la précision de leur montage, toujours assez sec pour mettre en avant la tension du couple, s’aérer lors des moments plus romantiques et trouver sa cohérence dans les raccords dans le temps et les ellipses.

« Lacci » est l’une des meilleures propositions transalpines depuis la réouverture des cinémas et, avec entre autres « Volevo Nasconderme », une belle preuve de l’excellente santé du cinéma italien contemporain.

Lacci – Les liens
IT – 2020 – Drame/Fiction – 100min
De Danielle Luchetti
Avec Alba Rohrwacher, Luigi Lo Cascio, Laura Morante, Silvio Orlando, Giovanna Mezzogiorno, Adriano Giannini
Cineworx
19.05.2021 au cinéma

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