Le pire dans le harcèlement c’est d’en mourir, d’en mourir silencieusement. Un film coup de poing pour un sujet usé et mal documenté malgré tout. Le courage et l’incompréhension, le manque de soutien et l’excès de respect de l’intimité, où se situent les frontières ?

Emma, 16 ans, est admise en urgence à l’hôpital après une tentative de suicide qui la plonge dans un profond coma. Ses parents sont frappés tour à tour par l’incompréhension, la culpabilité, la colère et l’attente de la suite de leur vie. Rapidement, les événements qui ont conduit leur enfant à faire l’impensable pour un parent, se décortiquent difficilement, se démêlent et échappent à la stupeur générale, même celle de ses harceleurs. Ces derniers ne se définissent d’ailleurs pas comme tels. C’est alors tout un système scolaire et social qui est remis en question.

Vaste sujet que le harcèlement en général et scolaire en particulier. Aujourd’hui des préventions plus visibles sont en place, bien que le phénomène ne se ralentit pas. Les causes, nous les connaissons ou nous les supposons. Les conséquences nous les redoutons. Le harcèlement recule timidement malgré tout grâce à la libération de la parole anonyme des témoins plus que des victimes, qui sont encore honteuses d’avoir été vulnérables. Dans ce film, le sujet est traité avec intelligence et sans cliché, puisque la victime fait partie de la bande de harceleurs au départ. Elle est la cible de ses amis d’enfance et c’est là que l’horreur est terrible.

Rien ne justifie un tel mit au ban , car rien ne justifiera jamais le harcèlement. Aucune excuses n’est valable, jamais. Comme le dit clairement le personnage de Tania Garbarski, ni la jalousie, ni la lâcheté, ni la concurrence, ni la tristesse ne sont suffisantes pour harceler. Les réactions des divers protagonistes sont filmées rapidement comme le tourbillon dans lequel on tombe lorsqu’on est harcelé. L’isolement social est également bien compris au début subtile puis violemment personnifié. Des comportements et des expériences sommes toutes normaux font prétexte pour enfoncer la victime qui, par honte et fierté, se bride et n’en parle pas à ses parents. L’injustice exercée aussi, par des adultes qui sont sensés prendre le relais comme les professeurs, par fatigue, dépit ou simplement par conviction d’idée souligne encore plus le mal-être. Finalement, le gouffre de la souffrance s’ouvre sous les pieds de la victime.

On ne parlera jamais assez de ce problème de société, tant qu’il y aura des blessures psychologiques et physiques. Non, ce n’est pas anodin. Non, ce n’est pas rare.

Ce long métrage est également le dernier film d’Emilie Dequenne qui a quitté ce monde à la suite de son combat contre le cancer qu’elle n’a hélas pas remporté. Sa prestation essentiellement dans une chambre d’hôpital au chevet de sa fille dans l’histoire est d’autant plus symbolique.

Un film qui expose le harcèlement scolaire avec brio et intelligence. A ne surtout pas manquer !
Réal. : Solange Cicurel
Acteurs : Lanna de Palmaert/Emilie Dequenne/Stéphane De Groodt/Lily Dupont/Tania Garbarski/N’Iandu Lubansu/Kassim Meesters/Elisa Lubicz
Distrib. : Sony Pictures


