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jeudi, novembre 7, 2024
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Alexandra Lamy : « Ce que j’aime chez Eric, c’est qu’il prend toujours des thèmes sociétaux et à partir de là, il en fait une comédie »

Carlos Mühlig
Carlos Mühlig
Depuis des nombreuses années, Carlos Mühlig met son savoir faire journalistique et en matière de communication au service de sa passion pour le 7ème art.

Alexandra Lamy était derrière le micro de Daily Movies à l’occasion de son passage à Genève pour la promotion de son nouveau film « L’Embarras du Choix » d’Eric Lavaine, qui nous raconte les péripéties de Juliette, quarantenaire, amoureuse et indécise chronique. Des caractéristiques qui posent le décor d’une comédie tout en légèreté avec un humour bien placé, qui nous amène à se poser la question, qu’est-ce que j’aurais fait à sa place si j’avais l’embarras du choix ? Rencontre avec une Alexandra Lamy pétillante et pleine de projets.


Vous êtes à Genève pour le film « L’embarras du choix », un film où vous retrouvez Eric Lavaine, qu’est-ce qui vous a motivée à le retrouver quelques années plus tard ?
Alors effectivement on avait tourné «  Retour Chez ma mère » avec Josiane Balasko, on avait adoré tourner ensemble ! C’est un bonheur de tourner avec Eric ! Quand je dis qu’il aime ses acteurs c’est vrai ; il aime ses personnages, il aime tous ses personnages. Vous verrez d’ailleurs dans « L’embarras du choix » c’est ça qui m’a séduite, tous les personnages existent et ils sont tous là pour faire évoluer l’histoire et chaque scène, ce qui est très important, ce ne sont pas juste des personnages qui sont là et ne servent à rien.

C’est la première fois d’ailleurs qu’il n’est pas à l’origine du scénario puisque c’est un scénario à l’origine de Laure Hennequart, c’est elle qui l’a apporté à Eric et il a été très séduit par le scénario. Nous avons déjeuné ensemble et il m’a dit : écoute j’ai reçu un scénario que je trouve intéressant mais j’ai l’impression que l’actrice devrait plutôt avoir 25ans, mais quand même lis-le, l’histoire est très intéressante.

Je lui dis écoute je vais être très honnête j’ai 45 ans je ne vais pas m’amuser à jouer une gamine de 25  ans,  ça peut m’énerver j’ai envie de la gifler, je trouve ça insupportable, (rires). Mais je lui dis que je vais le lire et en le lisant je lui dis que je trouve plus intéressant qu’elle ait 40 ans. Parce qu’à 25ans une fille qui hésite entre deux hommes, on espère même qu’elle en a 10, on lui souhaite de profiter (rires) en plus une fille qui hésite sur tout à 25 ans, on peut penser qu’elle minaude, elle va se tourner les cheveux, à 25ans il y a un côté qui peut même énerver.

Ça peut ne pas être crédible, ça peut énerver, ça peut paraitre naïf, ridicule, cul-cul, je lui dis : au contraire je pense que tu perds ton film.

Alors qu’une femme de 40ans, il y a tout de même l’horloge biologique à un moment donné, si on veut fonder une famille, il va falloir se décider et finir par se découvrir, découvrir qui elle est vraiment et ce qu’elle veut vraiment, comment elle s’est organisée pendant toutes ces années et finalement je trouvais ça beaucoup plus intéressant, ça apportait quelque chose et au personnage et à l’histoire. Du coup on a un petit peu vieilli le personnage, finalement ce n’était pas un travail énorme car tout était là, juste le fait que j’aie 40 ans renforce le personnage et l’histoire.

Ce que j’ai aimé d’abord, c’est que pour une comédie on rit, et ça c’est quand même normalement le principe d’une comédie (rires) mais parfois ça arrive qu’on ne rit pas mais là dès le papier c’était extrêmement drôle. Ce que j’aime chez Eric, c’est qu’il prend toujours des thèmes sociétaux et à partir de là, il en fait une comédie, ce que je trouve extrêmement fort comme « Retour chez ma mère », ça pourrait être un drame aussi, « barbecue sur l’amitié ». Il prend toujours des thèmes qu’il amène à la comédie.

L’embarras du choix – Eric Lavaine

Après plus de deux millions d’entrées en France pour le film « Retour chez ma mère » réalisé aussi par Eric Lavaine, y a-t-il une pression supplémentaire à reproduire ce duo gagnant ?
Si ! Toujours. On est très très heureux de le présenter surtout qu’on est en train de faire une très belle tournée en province, et on a des retours extraordinaires. On entend rire dans les salles mais on ne peut pas s’empêcher d’avoir un trac énorme à la sortie. Évidement que ça met toujours une pression et, sans faire de jeux de mots, aujourd’hui au cinéma on a l’embarras du choix. Il y a 15 films qui sortent par semaine en France.

Dans « L’embarras du choix », vous incarnez Juliette une indécise chronique, et vous dans la vie, pensez-vous qu’on a le choix ou qu’il nous reste seulement l’illusion du choix ?
Je pense que justement on nous donne une impression de liberté, alors qu’en fait pas du tout, puisqu’on ne sait plus quoi choisir. Aujourd’hui, regardez, ne serais ce qu’à la télévision, on a combien de chaines ? Une centaine de chaines, on ne sait plus quoi choisir. On a la VOD, 15 films qui sortent par semaine au cinéma, on ne sait plus quoi choisir. Aujourd’hui, on nous fait des espèces de publicités pour essayer de nous attirer absolument quelque part et du coup finalement est-ce qu’on a vraiment la liberté de choisir ? On ne sait pas vraiment. On est happés, y a quelqu’un qui a été plus fort pour faire de la publicité, quelqu’un d’autre a été plus fort pour nous attirer par-là, c’est terrible. Et puis en plus, sans vouloir revenir dans le passé, quand on avait un peu moins de chaines, le lendemain matin quand on se retrouvait au café on pouvait tous parler de ce qu’on avait vu la veille. Aujourd’hui c’est plus difficile, il y a tellement de programmes qu’au final ça perd un peu dans la communication, les relations. C’est pour ça que je trouve qu’au contraire ça nous enlève de la liberté, ça nous fait semblant d’être libre, de faire des choix, mais enfaite on ne les a plus. C’est comme je disais aujourd’hui par exemple, par rapport à la comédie, citez-moi une comédie subversive ces dernières années, c’est super dur, aujourd’hui on ne peut plus. Avant on pouvait faire des Rabbi Jacob, aujourd’hui ce n’est pas possible. On n’a plus le droit de dire ça, on ne peut plus parler comme ça parce qu’on te dirait « t’as dit ça alors ça y est t’es raciste, t’as dit ça alors t’aimes pas les handicapés, etc. » aujourd’hui, on nous enlève une espèce de liberté parce qu’on nous lisse en nous faisant croire qu’on a beaucoup de choix mais au final on ne veut plus prendre de risques en quoi que ce soit, même en comédie. Alors qu’excusez-moi, quand on parle de comédie, même de Molière, c’était justement grâce à la comédie qu’on arrivait à mettre le doigt sur des choses dramatiques. Mais aujourd’hui c’est hyper dur, on essaie de plus en plus de nous amener à faire des comédies de « gags » et de sketches. Il y a un peu les one man shows qui y arrivent encore un peu, mais en comédie de films, et même chez les américains, maintenant ça se lisse. Il faut être politiquement correct et ça c’est un petit peu dommage car je trouve que dans la comédie on nous a un tout petit peu enlevé des choses. Même pour les financements on nous lisse, on nous dit regardez ce film il a marché, on lui dit oui mais ça a déjà été fait, c’est un peu couillon de refaire la même chose, on nous répond oui mais ça a marché, effectivement on nous lisse. Effectivement je pense qu’on a moins de liberté qu’avant bizarrement.

Dernièrement vous avez tourné quelques films dramatiques et vous revenez à la comédie. Est-ce facile de se démarquer de cette image d’actrice de comédie ?
Je ne suis jamais entrée dans un plan de carrière. Pour moi l’important c’est l’histoire qu’on raconte dans un scénario. Que ce soit une comédie ou un drame, honnêtement je m’en fous ! La première question que je me pose quand je lis un scénario c’est : est-ce que le public va venir voir ça ? Est-ce que ça l’intéresse ? Est-ce que moi ça m’intéresse et est-ce que moi je vais me déplacer pour aller voir ça ? Par exemple « Après moi le bonheur » ;  je suis allée voir un film, une histoire vraie sur une femme qui s’appelle Marie-Laure Picat, une femme atteinte d’un cancer qui s’est battue pour que ses enfants soient dans la même famille d’accueil. On m’avait demandé de faire ce film là au cinéma, j’ai dit surtout pas, aucun intérêt au cinéma. Alors je vais faire des petits papiers merveilleux, seulement au cinéma je vais faire 250’000 entrées. Parce que faire venir un public quand on parle cancer, mort, enfants, faut être super motivé, faut la prendre la baby-sitter, la voiture, le parking, se payer un petit coup avant pour aller voir ça. A la télé on fait 9 millions. Ce qui est important c’est : où est-ce que le public va se déplacer ? C’est pour ça que je ne veux pas faire de cases entre télévision et cinéma. Il y a des films où je me dis c’est dommage de les avoir fait au cinéma, parce que finalement ils n’ont pas été vus. Alors que plus on fera des belles choses à la télé plus on pourra se permettre. Moi au cinéma je veux rêver, je veux voir des choses, je veux que justement si on met les moyens on met les moyens, je veux voir du cinoche. Mais y a des choses parfois c’est dommage, tu aurais fait à la télé, tu aurais fait beaucoup plus. Là, je fais des comédies mais j’ai trois films dramatiques qui vont sortir, ce qui est important c’est l’histoire. Au début évidement, après «  Un gars une fille » on était les premiers à passer de la télé au cinéma. Autant les anglo-saxons ça faisait longtemps qu’ils l’avaient compris, autant ici c’était super dur. Série, télé, comédie tout le monde nous avait dit : vous êtes morts. Heureusement qu’on a écouté personne. On n’en serait pas là aujourd’hui, y en a un qui n’aurait pas eu l’Oscar (rires). Donc personne n’a la solution, personne ne peut vous dire ce qui est important, surtout l’important c’est ce que nous on raconte. En revanche avec «  Un gars, une fille » on était tous les jours à la télé, donc chez les gens et qu’en plus il y a quand-même un côté un peu macho et misogyne dans ce milieu-là (ndlr : milieu du cinéma), et comme partout d’ailleurs, je me suis dit que pour moi, ça allait être plus long. Donc je me suis dit, je vais prendre mon mal en patience parce que je sais qu’à niveau égal on parlera toujours d’abord à l’homme et ensuite à la femme. Et c’est un milieu d’hommes, dans les gros postes il y a quand même plus d’hommes que de femmes, il n’y a pratiquement pas de femmes. Donc je me suis dit ça va être hyper dur pour moi, pour m’accrocher. J’ai pris mon mal en patience et je me suis dit à force de volonté, à force de travail peut-être que ça finira par payer. Donc je suis partie au théâtre et je me suis dit : pense à ce que tu as là et on verra. Et finalement les choses ont évolué petit à petit mais c’est vrai qu’on a été les premiers à passer ça et ce n’était pas gagné.

Dans le film vous vous êtes entourée par des personnages secondaires, comme Arnaud Ducret en amoureux gourmand, ou Anne Marivin et Sabrina Ouazani,  qui jouent les deux confidentes de Juliette. Des acteurs qui sont justement passés par la case télévision avant le cinéma. Comment s’est passé le tournage ?
La télé dans la comédie c’est la meilleure école que vous puissiez faire ! Moi je viens du conservatoire, évidement personne ne le sait, à la télé tout le monde voit la comédie, moi je n’ai jamais fait de comédie au conservatoire. Ma prof de théâtre s’est marrée quand elle m’a vue à la comédie dans «  Un gars, une fille » elle m’a dit toi ?! On ne te faisait même pas une jeune première. Dans « Liaisons dangereuses » moi je faisais plutôt une Merteuil qu’une Tourvel. Donc vraiment de me retrouver dans «  Un gars, une fille » ma prof de théâtre était morte de rire, elle m’a dit mais toi dans la comédie ! Moi j’ai eu les jetons car tout le monde sait que c’est ce qu’il y a de plus dur la comédie et de faire des bonnes comédies c’est ce qu’il y a de plus difficile. Et ça a été la meilleure école parce qu’on nous apprend l’efficacité, le rythme, il faut improviser là tout de suite, en plus nous on était en plan séquence donc si on se plantait il fallait tout refaire donc évidement c’est la meilleure école ! Et quand on s’est retrouvé avec Arnaud, on avait déjà tourné ensemble, ça a été immédiat ! Évidement on a le même rythme on se connait, Josiane Balasko me disait la même chose, même si elle n’a pas fait de la télé comme ça, elle me disait on a le même rythme on vient de la même école, donc tout de suite on s’est trouvées. On sait nous quand c’est trop long, tu dis : ah tiens une fraction de seconde et c’est trop long, ça marche plus, c’est mort la vanne elle est morte, c’est pas drôle. Et ça faut le faire, parce que dans une salle quand je fais les tournées en province, c’est ce qui est génial d’entendre rire toute une salle, au moins là on sait que ça marche ! Après tout ce qui est dramatique on n’arrive pas à évaluer exactement si ça a ému etc. mais le rire, ça personne ne peut vous obliger à rire. C’est comme les enfants quand vous leur faites un spectacle, si ils n’aiment pas, vous vous retrouvez tout seul avec les marionnettes, ils sont déjà partis ça dure 10 secondes. D’ailleurs la preuve c’est que les acteurs de comédie passent plus facilement au drame que l’inverse. On dit souvent à Eric : tu n’aimerais pas faire un drame ? Mais on ne demande jamais à un réalisateur de drame est-ce que t’aimerais faire de la comédie, parce que tout le monde sait qu’il a peur, personne ne le fera. C’est hyper dur ! J’adorerai qu’un réalisateur de drame ou de films d’auteur un jour nous fasse une bonne comédie. Philippe Lioret m’a dit : moi je rêverai un jour d’écrire une comédie ! Si vous saviez le nombre de réalisateurs qui nous le disent, parce que c’est ce qu’il y a de plus dur. C’est un défi ! Et de faire une bonne comédie aussi. Parce qu’attention quand je dis une bonne comédie, dans une bonne comédie il faut tout.

Était-ce le but recherché d’amener à cette comédie une touche british avec le rythme de Jamie Bamber ?
Oui exactement, là vous avez raison. Justement avec Eric quand on a vu qu’il fallait trouver deux acteurs, trouver un acteur de 35-40 ans, beau mec, qui sache jouer la comédie, un peu connu et qui accepte de faire un second rôle, parce qu’on a beau dire mais il y a plein d’acteurs qui n’aiment pas ça, alors que nous les femmes combien de fois on le fait, je vais vous dire franchement citez-moi 5 acteurs dans cette description c’est hyper dur. Quand Eric a eu l’idée d’Arnaud je me suis dit formidable ! Arnaud en plus a été génial et a accepté tout de suite mais après il fallait quand même l’acteur en face. Un acteur aussi charismatique qu’Arnaud on s’est dit : Oh la vache qui ? Puisqu’on avait déjà du mal à en trouver un, alors deux… Et Eric a eu la très bonne idée de se dire et si on prenait un Anglo-saxon ! Et du coup même par rapport à la comédie ça amène un petit truc, sans faire le côté genre Anglo-saxon, mais ça donne un petit truc exotique ou je ne sais pas, ça donnait autre chose à cette comédie-là. Il avait passé un casting car il fallait trouver un acteur anglais qui parle français et on a trouvé Jamie. Alors là Jamie super. Je peux vous dire que je suis en train de faire les tournées en province et quand on appelle Jamie ça fait quelques claps mais quand on fait les fins de films et qu’on appelle Jamie alors là c’est les Beatles. C’est Justin Bieber (rires). C’est l’hystérie. Et puis c’est un mec super, qui aime travailler donc lui à mon avis il va avoir une très très belle carrière en France.

Il y a quelques temps vous avez parlé d’un projet en tant que réalisatrice, « Les Camisards » où cela en est-il ?
Alors c’est bon ça part en série ! Et d’ailleurs c’est aussi grâce à la banque Mirabaud de Genève, c’est grâce à eux qui m’ont soutenue pour écrire le scénario « des Camisards » et ça fait bien longtemps qu’ils m’ont soutenue et je leur dis merci car ça a été très difficile. Je me rends compte que tous les producteurs sont extrêmement emballés pour faire ce film-là, sauf que la réalité est qu’un film historique ça coûte cher et que ça fait pas beaucoup d’entrées. Et comme nous sommes dans une langue qui ne se vend pas forcément à l’international et bien tout le monde est un petit peu frileux. Au bout de quelques années, j’ai compris que ça ne se ferai jamais et en plus en écrivant le scénario je me suis dit, en fait en 2 heures, c’est hyper indigeste. C’est-à-dire que là je donne un cours d’histoire aux gens en 2 heures, ça va être un enfer. Et en plus je trouve que c’est tellement actuel et tellement important ce sujet-là je me suis dit c’est dommage de le faire comme ça et en série ça marche hyper bien.

Et là c’est marrant que vous m’en parliez parce que je suis au début de l’écriture avec Vincent Roger, qui est le producteur de « L’embarras du choix » et de «  Retour chez ma mère » et avec Sydney Gallonde qui est pour sa première production qui démarre et avec qui on avait fait la série de Harlan Coben où on redémarre d’ailleurs une série avec Harlan Coben. Donc voilà «  Les Camisards » ça y est c’est en route, avec Christophe Durand qui est un super scénariste !

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