C’est parti pour une quatorzième édition du festival international du film fantastique de Neuchâtel. Comme d’habitude, de bonnes cernes nous attendent après quelques jours et même si l’usage de stupéfiants va s’avérer indispensable pour tenir sur la longueur, quarante-cinq films au total sont prévus et nous allons tacher de vous en faire un compte-rendu détaillé !
Premier film, première douche froide avec « Patch Town » du canadien Craig Goodwill. Narrant les aventures d’un couple d’obèses ayant volé un bébé né dans un chou, ce court-métrage étiré en long singe douloureusement le cinéma de Jean-Pierre Jeunet pour en faire ressortir les pires côtés. Rien à voir, passez votre chemin. « iNumber Number » s’avère bien plus réjouissant, film de braquage africain de Donovan March sous amphétamines qui fonce à cent à l’heure et ne laisse pas une seconde de répit au spectateur. C’est certes très caricatural, visuellement pas très joli et très décomplexé, mais le film évoque le sympathique « Blindés » de Nimrod Antal en s’attachant plus aux trahisons internes dans l’équipe de braqueurs qu’au braquage lui-même. C’est vers l’Inde que nous avons continué cette première soirée en terre neuchâteloise avec « Monsoon Shootout » d’Amit Kumar. Premier long-métrage du monsieur, le film s’attarde sur les questionnements intérieurs d’un flic forcé de faire un choix cornélien. Le déroulement de l’intrigue, certes un peu mécanique, permettra au personnage principal de « tester » toutes les possibilités qui lui sont offertes avant un magnifique plan final qui donne tout son sens à ce qui précède. Que le film se déroule durant les moussons n’est certainement pas une coïncidence, cette période étant synonyme de vie et de fertilisation en Inde. Difficile de parler du film sans en déflorer tous les secrets, mais nous vous conseillons vivement de tenter l’aventure. Nous terminions cette première soirée par « Stage Fright » du canadien Jérôme Sable.
Désirant exorciser ses démons en rejouant la pièce que sa mère jouait au moment de sa mort, Camilla ne se doute pas que le même sort lui sera probablement réservé. Gros délire gore potache sur fond de comédie musicale, « Stage Fright » s’avère tout à fait jouissif dans sa première heure grâce à un savoureux mélange de genres avant de se perdre un peu dans un dernier tiers qui n’entache cependant pas le plaisir procuré par le film.
Deuxième jour, premières cernes et on commence avec l’adaptation animée du cultissime « The Dark Knight Returns » de Frank Miller par Jay Oliva. N’y allons pas par quatre chemins, il s’agit tout simplement de la meilleure adaptation de Batman faite à ce jour. Sacrifiant quelques éléments du comic d’origine (notamment la voix off omniprésente de Bruce Wayne), Jay Oliva s’empare du matériau de base tout en y injectant une approche typiquement cinématographique sans jamais sacrifier le radicalisme des partis-pris de Frank Miller. C’est au passionnant Kevin Smith que nous devons la chance de voir ce monument sur grand écran, le monsieur l’ayant inclus dans sa carte blanche, l’occasion pour lui de nous offrir une passionnante introduction au film en parlant de son rapport à l’homme chauve-souris. La journée continue avec le hongrois « White God » (à ne pas confondre avec le « White Dog » de Samuel Fuller !) de Kornel Mundruczo. Véritable star dans son pays, le réalisateur présentait son dernier film au festival de Cannes 2014. Le film commence par une scène absolument sublime qui nous a mis sur les rotules. Le soufflet s’est très vite dégonflé puisque la suite du film n’est jamais à la hauteur de cette introduction. Le film s’avère malgré tout très intéressant en adoptant le point de vue de Hagen, chien bâtard abandonné au bord de la route qui passera par bien des épreuves avant de retrouver sa jeune maîtresse. Mais la narration nébuleuse ne parvient jamais à provoquer de l’empathie pour la jeune fille qui recherche son chien et réussit même à la rendre antipathique. Dommage, il y avait là matière à faire un excellent film. Rendez-vous annuel incontournable du NIFFF, la cuvée 2014 de Takashi Miike s’avère être un de ses films les plus faibles. « The Mole Song : Undercover Agent Reiji » raconte les aventures d’un flic puceau infiltré chez les yakuzas. Bien que les vingt premières minutes présagent d’un excellent cru, la suite nous a bien vite fait déchanté. Le réalisateur est connu pour étirer à outrance et inutilement l’intrigue de ses films, mais même si dans la plupart des cas on lui excusait volontiers cela, « The Mole Song » se perd vraiment dans une narration nébuleuse et incohérente qui perdra le plus attentif des spectateurs. On continue avec notre premier véritable coup de cœur : « It Follows » de David Robert Mitchell. Jay couche avec Hugh sans savoir que celui-ci vient de lui transmettre une malédiction durant leur rapport sexuel, à savoir que Jay va dès lors être poursuivie sans relâche par une entité qu’elle seule peut voir et qui ne cessera de vouloir la tuer, à moins qu’elle transmette cette malédiction à un autre garçon.
On est pas loin du coup de génie avec cet hommage au cinéma de John Carpenter mais qui réussit à transcender toutes ses influences pour aboutir à un vrai film d’horreur, premier degré et jamais cynique, ne prenant jamais le genre de haut et proposant des personnages instantanément attachants. De vrais adolescents, ni trop sûrs d’eux ni trop stupides et liés par une amitié tangible qui sonne juste dès le début du film. Odyssée symbolique et métaphorique sur le passage à l’âge adulte, le film est absolument renversant d’un point de vue technique, proposant de sublimes plans-séquences et une musique hypnotique de Disasterpeace. Il sera difficile de faire mieux durant ces huit jours de festival même si on espère être encore agréablement surpris. La soirée se terminait sur le très bon « Late Phases » d’Adrian Garcia Bogliano, film de lycanthropes dans un village aménagé pour les personnes âgées. Si l’on excepte quelques maquillages de loups-garous cheap qui auraient mérité d’être plus suggérés, le destin de ce vétéran de l’armée américaine aveugle (joué par l’excellent Larry Fessenden) est passionnant et touchant, notamment à travers la relation qu’il entretient avec son fils, extrêmement bien écrite.
Belle manière pour conclure cette deuxième journée, et bilan positif pour ce début de festival. Sur ce, c’est vers le bar que la soirée continue, et on vous donne rendez-vous dans deux jours pour la suite de ce compte-rendu !
Coup de cœur : It Follows de David Robert Mitchell
Coup de gueule : Patch Town de Craig Goodwill