6.4 C
Munich
mercredi, avril 24, 2024
- Publicité -

Unrueh : Le charme discret de l’anarchie 

Etienne Rey
Etienne Rey
Travailler pour une salle de cinéma, comme journaliste pour des médias ou organiser des événements pour le 7e art, ma vie a toujours été organisée autour de ma passion: le cinéma.

Avec une précision d’horloger et une retenue très helvétique, le réalisateur suisse-allemand Cyril Schäublin chronique les beaux jours d’une utopie malheureusement oubliée.


À St-Imier, vers 1870, tout semblait tourner autour du temps. Celui qu’on mesure, qu’on fabrique et qu’on règle ou dérègle selon les tendances et lieux où l’on se trouve. Celui qui change aussi car apparemment, à cette époque, dans la région, on était soit un patriote soumis à l’ordre, soit un anarchiste. Du moins, les ouvriers locaux, en fraternité avec un mouvement international, cherchaient et découvraient de nouvelles manières d’organiser la société et de considérer le temps, l’argent et le travail. Les différentes séquences du film ressemblent à des reconstitutions historiques à petit budget ou à des scènes de musée animées. Les images sont cadrées de manière à dissimuler toute traces de modernité, les acteurs semblent chuchoter des vérités qui ne sont peut-être pas bonnes à dire et les décors se résument à l’essentiel. Qu’on soit à la fabrique de montres, dans une rue près de la gare ou au bureau de poste et télégrammes, l’arrière-plan est presque inexistant et seuls comptent les protagonistes et leurs idéaux. Et vu que ceux-ci sont plutôt nobles, on adhère volontiers… 

« Unrueh » (« le balancier » en français et mot très proche de « Unruhe – Agitation) est très inattendu, loin des standards du moment et du rythme ambiant mais toujours très instructif. Ici, on voit l’intérieur de l’horlogerie et les différents ateliers où sont fabriqués ou assemblés les composants d’une montre ou d’un réveil. Ailleurs, on découvre le bistro du coin où se rassemblent les travailleurs autour d’une absinthe (pour peu qu’on ait payé ses impôts…). On y parle des élections à venir, de la stratégie a adopté pour faire circuler les idées nouvelles de l’anarchisme ou de la reconstitution à venir de la bataille de Morat. Le cinéaste et scénariste (qui descend par ailleurs lui-même d’une famille d’horlogers du Nord-Est de la Suisse) s’est visiblement beaucoup documenté et semble avoir rassemblé une quantité d’anecdotes considérable pour étayer son récit. On entre d’ailleurs dans le film via le personnage réel de Piotr Kropotkine, explorateur et anthropologue qui a séjourné à l’époque dans le Jura en qualité de cartographe et qui y aurait découvert l’anarchisme au contact des travailleurs locaux, avant d’en devenir l’un des maîtres à penser.

Malgré son inertie apparente, son austérité et son sens du rythme très particulier, « Unrueh » et sa science de l’épure distille son charme et permet de découvrir une part de l’Histoire suisse peu connue mais fascinante. 

Le film a par ailleurs été récompensé du prix de la mise en scène au Festival de Berlin (catégorie « Encounters ») 2022.

Unrueh
CH – 2022 – 1h33 – Drame historique
Réalisateur Cyril Schäublin
Avec Clara Gostynski, Alexei Evstratov, Monika Stalder, Valentin Merz
Filmcoopi
30.11.2022 au cinéma

- Publicité -

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

- Publicité -