Situé en pleine ville de Paris, le bois de Vincennes est un lieu de détente et d’oxygénation pour les citadins qui cherchent à fuir l’effervescence de leur ville. Ils viennent y faire des activités sportives et se relaxer. Mais cet emplacement cache aussi un lieu de travail et de rendez-vous particuliers.
Le bois de Vincennes est le deuxième poumon vert de la capitale française par sa superficie, après le bois de Boulogne. Il est situé dans l’est de Paris, en bordure du 12ème arrondissement. De nombreuses activités sont organisées dans le Parc et ses alentours. Sur l’un des lacs, le visiteur peut se laisser tenter par une virée en barque tandis que les amateurs de courses hippiques vont parier à l’hippodrome. Ce lieu de tranquillité contient aussi un château médiéval, une piste cyclable et un Zoo. Le spectateur non-averti s’attend donc à passer un moment agréable au cinéma pour découvrir ce magnifique parc. Eh bien… Non !
Après avoir réalisé un film de fiction, « Gare du Nord » en 2013 ainsi que « Les bureaux de Dieu » en 2008 et « Ça brûle » en 2006 pour lesquels elle a gagné de nombreux prix, dont un Léopard d’Or, Claire Simon est de retour dans le genre qu’elle affectionne le plus, le documentaire. Contrairement aux apparences, cette production n’est pas un film ayant pour thème principal l’écologie. Des sujets bien plus graves y sont abordés tels que l’intégration, la prostitution, l’exclusion, la sexualité et la guerre.
Nous faisons la connaissance d’une dizaine d’individus ayant chacun une histoire liée au parc. Le premier est un ancien militaire qui vient s’entraîner de bon matin, viennent ensuite un homosexuel à la recherche de partenaires, une prostituée qui exerce son métier sur place, des employés communaux chargés de nettoyer les lieux, quelques communautés étrangères qui en font un point de rendez-vous, des fêtards, des malades ainsi que des sans-abris. Tout ce beau monde va nous expliquer durant deux heures et demie leurs liens affectifs avec cet endroit. C’est la réalisatrice qui pose les questions, nos personnages se contentant de répondre au mieux. Ils racontent leur vécu et parlent de leur passé, de leurs rêves et aspirations. Parfois choquantes ces questions-réponses mettent le spectateur mal à l’aise. Aucun sujet n’est tabou.
Cette production déçoit pour plusieurs raisons. Les animaux sont les grands absents de cette histoire. Mis à part quelques minutes consacrées à l’accouplement des grenouilles et la prise d’un poisson par un pêcheur, ce reportage ne fait aucune mention d’une quelconque faune. Il en est de même pour le Parc Floral et le lac, on aperçoit ce dernier durant une petite minute en fin de projection. Les cyclistes et promeneurs du dimanche sont par contre très présents dans le film, mais la réalisatrice n’a pas jugé nécessaire de leur donner la parole. Quant aux innombrables places de jeux et lieux de détente, ils n’apparaissent même pas dans ce reportage. Il est régulièrement fait mention de la ville, mais elle non plus ne se dévoile pas. Le trafic routier est résumé par quelques klaxons lointains, c’est pareil pour le stress physique et moral, il est au centre des commentaires mais pas perceptible visuellement.
En voulant traiter trop de sujets à la fois, tous différents les uns des autres, le fil conducteur de Claire Simon perd tout son sens et embrouille le spectateur qui finit par s’ennuyer. Pourquoi donc parler de la politique des Khmers Rouges au Cambodge pour la simple raison qu’un des interlocuteurs soit de cette région du monde et qu’elle apprécie la quiétude du lieu pour oublier son passé douloureux. La même réflexion est à faire sur la prostitution des parcs parisiens, on se demande pourquoi presque un quart de la projection concerne ce sujet-là. Doit-on le considérer comme de la détente au sens propre du terme ?
Selon la réalisatrice une fois les séquences terminées, le film se présentait comme un Rubik’s Cube, il fallait que chaque articulation, chaque passage d’une séquence à une autre ait un sens topographique, paysager et chronologique, que le récit des saisons ait lieu. Elle tenait beaucoup à cette continuité. Elle voulait en retrouvant deux personnes l’été, déjà rencontrées en hiver, que l’on sente que tous les autres aussi se trouvent là tout le temps, présents et cachés dans cette forêt.
Claire Simon l’avoue aussi, elle se rend régulièrement dans ce parc, car elle a besoin de retrouver un coin de Paradis. Le monde réel tel qu’il était à l’origine. Avant la construction de nos cités bétonnées. Filmé durant quatre saisons, ce long-métrage censé parler de la nature avait de l’avenir, mais c’est au niveau de sa conception que ça cloche. Tout est superficiel. Nous aurions préféré voir un lieu convivial et rafraîchissant. Cette histoire aurait dû être filmée autrement ou ailleurs, en banlieue par exemple ou l’on trouve de magnifiques parcs, temples de quiétude et de bien-être qui ne souffrent pas des mêmes maux que ceux de Paris.
« Le Bois dont les rêves sont faits » a été présenté hors compétition au Festival de Locarno, où il a fait sensation. Ce documentaire a aussi été visionné dans différents festivals internationaux tels que: les Entrevues de Belfort, le Festival de Rotterdam, celui de Gijon et de Montréal ainsi qu’aux états généraux du documentaire de Lussas. Beaucoup de présentations, donc, pour un documentaire particulier qui n’a de vert que sa belle affiche signée Sempé.
Le Bois dont les rêves sont faits
De Claire Simon
Avec Daniel, Stéphanie, Gilles, Philippe
Adok Films
Sortie le 04/05